RÉVOLTE DES AGRICULTEURS : PARIS BRÛLE- T-IL ?   Ou, de la guerre des artichauts» à celle de la pomme de terre, dans les années 60 : le monde de l’agriculture est à nouveau en ébullition. La faute à qui ?

Publié le 27 Janvier 2024

Pour le penseur athénien Thucydide, l'Histoire est un éternel recommencement. Les mêmes causes engendrant les mêmes effets.

Néanmoins, et si c'était aussi simple, il suffirait d'éviter les erreurs du passé, d'anticiper ce que l'on sait pour s'épargner les conséquences dommageables que l'on connaît.

Il n’est est malheureusement rien.

Come-back story  …

Se nourrissant de l’ordre donné par l’innommable Hitler, un certain Dietrich von Choltitz, un court temps gouverneur de la capitale, eut pour mission de détruire Paris ( hypothèse d’ailleurs controversée par certains historiens). Je dirais de préférence un acte militaire abominable, sinon un sabotage imbécile, qui généra l’ouvrage de Dominique Lapierre et de Larry Colins sous le titre précisément de « Paris -Brûle-t-il ? »

La colère des agriculteurs .

Autant dire la symbolique attachée à ce lieu emblématique de la France et qui ne pouvait que justifier la décision des agriculteurs de focaliser, autour de la Tour Eiffel et du mythique Arc-de-Triomphe sinon les Champs Élyséens, leur révolte laquelle, au-delà d’une philosophie de l’acceptation, empoisonne – il faut aussi le reconnaître - depuis quelques jours tout un pan de la société. Action certes de bonne guerre lorsqu’on connait les motivations profondes de cette profession – je parlerais plutôt de vocation – aujourd’hui en partie dépendante des exigences d’un système européen aberrant notamment pour les agriculteurs confrontés en permanence aux délires d’énarques qui ne connaissent de l’insupportable odeur du lisier, et autre fumier, que celui que la colère des paysans projettent depuis quelques jours sous leurs fenêtres. Ne parlons pas des normes en tous genres et de cette fameuse surtransposition consistant à transcrire un texte européen dans son droit national et à y ajouter des contraintes supplémentaires. Du grand n’importe quoi.

Des agriculteurs soumis à des règlementations insupportables alors même – et comme toujours – que la production étrangère pollue sans vergogne nos étals et autres lieux de consommation en tous genres.

Et cela, en dépit du « blabla » politique déversé par des ministres ou conseillers jouant les vierges effarouchées lorsqu’on émet un discret rappel à la raison.

 Quant aux levers de boucliers historiques, ils ne semble pas avoir tellement servi de leçon. 

Pour preuve, la grande jacquerie de 1358 mais également toutes les révoltes paysannes qui ont marqué l’Europe occidentale. Des révoltes serviles de l’Antiquité aux soulèvements paysans, au Moyen-Âge. L’Histoire paysanne en regorge.

De tous temps les révoltes paysannes ne sont pas des vues de l'esprit ...

Souvenons-nous de Guillaume Caillet qui fut au cœur de la « Grande Jacquerie », en 1358.

Un mouvement qui concernera toute l’Europe jusqu’au Japon !

Mais, retour en France :

Hier, comme aujourd’hui, le fameux « grenier de la France » et toutes autres appellations instituant le paysan comme indispensable à la vie, les révoltes paysannes du moment, ne sont pas des vues de l’esprit. Loin s’en faut.

Au siècle révolutionnaire ce ne fut guère mieux :

« Ils n'ont pas de pain ? Qu'ils mangent de la brioche ! » serait la réponse donnée par « une grande princesse » à qui l'on faisait part du fait que le peuple n'avait plus de pain à manger.

Vous avez dit mépris ?

Quant aux dictateurs et leurs tristes semblables, on connait leur stratégie.

Par exemple, en Syrie comme en trop d’autres pays où la faim reste comme l’une des pires tragédies génératrices de dramatiques conflits.

Autant dire l’importance de l’agriculture pour la bonne santé physique et morale d’une nation … et par voie de conséquence, la sympathie affichée aujourd’hui par une grande majorité de Français pour cette profession désespérée et au bord du gouffre.

Le problème est complexe certes mais alors, la faute à qui ?

A priori, la tromperie officialisée est l’une des causes de cette situation. En politique, notamment où le mensonge est une manière d’institution sinon de méthode.

Les voyages de Gulliver

Il aurait aujourd’hui 346 ans et sa pensée, sinon ses pensées, font toujours mouche. Il se distingua, de son temps,  par une manière de pamphlet intitulé : « Les Voyages de Gulliver - moins de quatre-vingt-dix pages -  lequel n’a pas pris une ride. Surtout, par les temps qui vont.

L’auteur, Jonathan Swift, analyse un détestable penchant politique basé sur l’art du mensonge. Bien explicité lorsqu’on distille quelques-uns des onze chapitres composant cet ouvrage-clé dont la gent politique devrait bien s’inspirer. Principalement aujourd’hui.

Jonathan Swift

Quelques pages bien senties sur un sujet ô combien sensible et qui peuvent directement impacter un comportement social pour le moins contestable.

En la circonstance, un leader – en l’occurrence politique … suivez mon regard – s’avèrerait comme le meilleur acteur dans le propos dont traite Swift sous ce titre qui dit tout quant à l’art du mensonge:

«Le mensonge se calcule, se pèse, se distille, se proportionne. Le texte s’emporte alors contre les journalistes, « nouvellistes ou gazetiers », ces menteurs grossiers, et « leur petit talent, leur manque de génie à débiter du mensonge ». Et au parti qui aura trop et mal menti, entamant ainsi sa crédibilité, le traité propose une cure originale d’inspiration médicale, se mettre au régime sec, sans boniments, se contraindre trois mois durant à ne dire que des vérités, pour regagner chèrement le droit de mentir à nouveau, en toute impunité. Hélas, se plaint l’auteur, jamais on ne trouva parti ou homme politique qui supportât un tel régime ».

En cette période d’incertitude sociale qui affecte la France mais  pas seulement, il est des lectures qui répondent aux questionnements du moment. Manifestement, dans ce monde sinon cette société humaine en perpétuel dérapage non contrôlé, il y a manifestement dans cet ouvrage matière à réflexion.

Et cela, au-delà d’une paternité contestée quant à l’auteur de ce pamphlet, d’abord attribué à un certain John Arbuthnot, pour, finalement, admettre qu’il s’agissait bien de Jonathan Swift.

Mais qu’importe le flacon pourvu qu’on ait l’ivresse selon, cette fois, la formule d’Alfred de Musset qui a marqué de sa romantique griffe ce chef d’œuvre intitulé « On ne badine pas avec l’amour ».

On pourrait extrapoler en ne badinant pas avec l’honnêteté intellectuelle. Singulièrement et justement en politique.

Le problème c’est qu’il devient de plus en plus compliqué de faire avaler des couleuvres à certaines personnes – quoique – ou encore de leur faire prendre des vessies pour des lanternes.

Le mentir vrai

Dans « Le mentir vrai » Jean-Jacques Courtine, en ouverture du texte de Jonathan Swift, donne le ton, sinon la méthode du mensonge qui, étrangement, n’en est pas un…

Tout un art qui se joue de la subtilité de l’évidence !

Souvenons-nous du fameux « Moi, président ! » de François Hollande déclamé sur un ton que n’auraient pas désavoué André Malraux ou encore Jean-Louis Barrault et Madeleine Renaud, une promesse digne de la plus mauvaise tirade sur l’air de Cyrano de Bergerac, alias Edmond Rostand. Qu’est ce qui a véritablement changé sinon une multitude de mensonges encore frais dans les mémoires et qui trouble l’imaginable, dans le genre, au point de jurer, comme l’initiait, Marcel Pagnol dans « Le temps des secrets » par le truchement de son héros Pétugue :

«Croix de bois, croix de fer si je meurs je vais en enfer ! »

En clair, le personnel politique d’hier, autant que celui d’aujourd’hui, ne déroge pas à la méthode du mensonge. Ce même engagement puéril – mais prêtant moins à conséquences - qui animait nos certitudes enfantines et, plus tard, scoutes, et qui camouflait nos mensonges pour se muer en véritable droit du menteur.

Dévorés par la soif du pouvoir et accessoirement – puisque l’un ne va pas sans l’autre – de l’argent, il n’est guère d’homme et de femme politique qui ne soient, en toute conscience d’ailleurs, asservis à leurs mensonges.

Celui (ou celle) qui a connu les pires défaites repart à coup sûr et sans scrupules à l’assaut d’un bastion ou d’une charge perdus qu’il avait auparavant confessé ne plus disputer.

Un comble, non ?

De la droite à la gauche en passant par le centre, ils sont tous logés à l’enseigne du mensonge. Sans exception. Avec pour caisse de résonance, les plateaux de télévision et autres micros radiophoniques.

Analyse proposée de l’ouvrage 

Dans le premier chapitre de l'œuvre de Jonathan Swift, (qui en comprend onze) la nature de l'âme importe.

Ainsi, le mensonge vient du fait que l'âme possède non seulement un côté « plat » qui restitue les choses telles qu'elles sont mais aussi un côté « cylindrique » qui déforme les faits.

Dans le second chapitre, Jonathan Swift définit le mensonge en politique comme « L'art de convaincre le peuple » et « l'art de lui faire croire des faussetés salutaires et cela pour quelque bonne fin ».

Dans un troisième chapitre, le comble est dépassé, il montre que le mensonge en politique est non seulement permis mais aussi licite.

Dans un quatrième temps, l'auteur explique que le gouvernement, ou le corps politique dans son ensemble, n'a pas l'exclusivité du mensonge puisque le peuple peut aussi l'utiliser pour combattre ses représentants (notamment, par l'invention de fausses rumeurs visant à nuire à la réputation d'un homme politique).

Enfin, le cinquième chapitre définit, quant à lui, une typologie des différents mensonges :

Le mensonge de « calomnie » (qui a pour objet la diffamation), le mensonge « d'addition » (qui a pour but de prêter à un individu des actions bénéfiques dont il n'est pas l'auteur) et enfin, le mensonge de « translation » (prêter ses actions à un autre que soi).

L’analyse ne s’arrête pas là puisque dans un sixième chapitre, l'auteur opère une distinction entre deux types de mensonge : le mensonge « qui sert à épouvanter » et « celui qui anime et encourage » Puis, dans le même temps, il précise que les mensonges doivent non seulement faire preuve de vraisemblance, mais aussi varier (il ne faut pas toujours utiliser les mêmes).

On en sait quelque chose par les temps qui courent. La révolte paysanne nous a ramené à la réalité.

Dans le septième chapitre, Jonathan Swift cherche à savoir lequel des deux partis politiques de l'époque (les Tories et les Whigs) est le meilleur dans le domaine du mensonge politique. Il conclut que les deux sont aussi doués et qu'il existe en particulier quelques génies remarquables dans les deux camps dont il exalte les talents dans le chapitre suivant.

Dans ce même chapitre, l'auteur décrit en effet et non sans ironie, son projet d'organiser une société qui rassemblerait différents corps de menteurs, sorte de lobby qui aurait pour but de divulguer exclusivement de fausses informations.

Et à une époque où tout doit aller très vite, il n’y a plus de place pour les sentiments.

Le neuvième chapitre analyse la durée et la célérité des mensonges (complété de conseils sur les moyens à employer pour qu'un mensonge soit divulgué rapidement mais retombe vite ou bien qu'il pénètre, au contraire, doucement mais longtemps.)

Dans le dixième chapitre, l'auteur dissèque en quelque sorte  les marques caractéristiques du mensonge et affirme qu'il est capable de reconnaître, par sa forme même, l'auteur du mensonge.

Enfin, dans le dernier et onzième chapitre, le plus croustillant, Jonathan Swift cherche à savoir s'il vaut mieux combattre un mensonge par la véracité ou par un autre mensonge mais conseille la seconde méthode !

Une société de menteurs

Parmi les nombreux conseils donnés par Jonathan Swift en matière de mensonges politiques, il convient de soustraire les mensonges à toute vérification possible, de ne pas outrepasser les bornes du vraisemblable et de faire varier les illusions à l'infini et enfin d’instituer une véritable société des menteurs pour rationaliser la production de mensonges politiques. (sic)

Et pour instiller plus encore sa magique potion Jonathan Swift enfonce le clou en affirmant « urbi et orbi » pour employer un langage théologique :

« Il n'y a point d'homme qui débite et répande un mensonge avec autant de grâce que celui qui le croit. Un mensonge d'épreuve est comme une première charge qu'on met dans une pièce d'artillerie pour l'essayer; c'est un mensonge qu'on lâche à propos, pour sonder la crédulité de ceux à qui on la débite. Le moyen le plus propre et le plus efficace pour détruire un mensonge est de lui opposer un autre mensonge. »

Messieurs (et mesdames) les menteurs à vos manuels et que gagne le plus retord !

Et gare à la multitude des gogos qui affirment qu’on ne les y reprendra plus; oubliant que les menteurs professionnels maîtrisent parfaitement l’art de faire croire aux faussetés salutaires.

En d’autres termes, et à l’adresse de ces pseudos intellectuels malhonnêtes dont regorge la société, cherchez toutefois l’erreur sans pour autant ne jamais oublier que :

“Les promesses n'engagent que ceux qui les écoutent.” ... 

Ou encore comme l’écrivait Michel de Montaigne dans l’un de ses essais :

« Personne n'est exempt de dire des fadaises. Le malheur est de les dire curieusement. »

 

Bernard VADON

 

NB

Une fidèle et précieuse abonnée (qui plus est lectrice assidue) me livre son sentiment après avoir pris connaissance de cet article.

Intéressante réflexion, à divers égards, au point de m’encourager à le publier ci-dessous.  

 

« Empathie et impartialité ! 
Deux principes fondamentaux pour une gouvernance juste et intellectuellement honnête. 
Ce qui n’empêche nullement de commettre des erreurs dont aucun ne peut se vanter d’en être exempt. 
Mais lorsque l’on prend une décision en son âme et conscience, avouer ses difficultés dans la réalisation ou confesser un échec, devient plus facile. 

De l’honnêteté et une dose de courage ! 

(C’est du vécu !)

Pour avoir travaillé à l’agence régionale de santé , je peux affirmer sans détours que les politiques publiques ne sont jamais évaluées. 
Donc, comment gouverner une nation lorsqu’on ignore les principes élémentaires et les valeurs fondamentales? 

En parcourant les réseaux sociaux et les journaux avant d’aller me coucher, je me suis rendue compte qu’à aucun moment, il n’était mentionné ou exprimé le sentiment d’empathie.
Comment peut-on comprendre la problématique d’autrui et y apporter une réponse adéquate sans empathie? Et cela, sans essayer de faire preuve de ce sentiment essentiel qui permet d’observer et analyser le plus objectivement possible, une situation. 
Cela prend du temps !
Et à une époque où tout doit aller très vite, il n’y a plus de place pour les sentiments.
Mais tous les travaux manuels qui font partie du secteur des services, le secteur tertiaire comme je l’ai mentionné, au cours de notre échange, demande beaucoup de temps, de la patience et de la persévérance pour atteindre l’excellence.
Cela m’apparaît comme du dénigrement, voire plus grave, du mépris pour ce que l’on ne comprend pas ... ou ne veut pas comprendre !»

F-Z C.

Rédigé par Bernard Vadon

Publié dans #J - 2 - B ( Journal )

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