CULTURE EN FILIGRANE D’UN CONFLIT SURANNÉ, LES VIEUX DÉMONS D’UN « ESTABLISHMENT » EN DÉLIQUESCENCE SE DÉCHAINENT. EFFARANT !

Publié le 23 Janvier 2024

« On ne lit pas, ni écrit de la poésie, parce que c’est joli. On lit et écrit de la poésie car on fait partie de l’humanité. Et l’humanité est faite de passion. La médecine, le droit, le commerce sont nécessaires pour assurer la vie, mais la poésie, la beauté, la romance, l’amour, c’est  pour ça qu’on vit. »  

Le Cercle des Poètes Disparus ou « Dead Poets Society »  de N.H Kleinbaum que j’avais découvert sur grand écran, dans les années quatre-vingt, s’octroie,  en filigrane de mes souvenirs, une singulière résonance.

Que sont-ils en effet devenus, au cœur de l’actuel et vil cloaque faussement intellectuel, les Rousseau, Voltaire, Diderot, Locke et autres Montesquieu prônant l'égalité, la liberté et la séparation des pouvoirs ?

Et pour demeurer en pays de rimes et de versification libre, j’en appelle à mes poètes préférés, de Saint-John Perse à José-Maria de Heredia, Théophile Gautier mais encore Lamartine, Gérard de Nerval, Verlaine et Baudelaire sans oublier Victor Hugo qui confessait :

« Je ne suis rien, je le sais, mais je compose mon rien avec un petit morceau de tout. »

La liste n’est évidemment pas exhaustive.

Aujourd’hui, il n’est même plus d’allumeur de réverbères réchauffé dans nos mémoires, le héros du roman à succès de Maria Susanna Cummins ( l'histoire de Gertrude Flint, une orpheline abandonnée et maltraitée … autres temps mais toujours les mêmes travers) pour éclairer autrement nos pensées.

"SOIS ET GLORIFIE DIEU !"

Alors et si besoin, l’éducation n’est-elle pas le meilleur terreau pour nourrir nos fantasmes et nos délires ?

Et remettre en cause nos façons de penser ?

Notamment, en voyant raviver ce conflit que l’on croyait, sinon oublié, en tout cas réglé entre l’enseignement public et l’enseignement privé ?

Le vieux débat : cathos contre bouffeurs de curés est ainsi remis au gout et aspirations délirantes du moment. Avec l’excellence et la méritocratie en bandoulière.  Gravissime.

En la circonstance, la référence à l’institut Stanislas – la pierre d’achoppement et paradoxalement angulaire de ce duel imbécile alimenté par le discrédit servant en partie la cause des partisans de ce fameux  « wokisme » exporté des États-Unis pour désunir tout un système éducatif hérité de combats souvent épiques – engage un débat mettant en danger la culture. Triste réalité.

Saint-Stanislas : Il y a pire comme modèle !

"Sois et glorifie Dieu" se serait exclamé à sa naissance le père de Stanislas, de son nom patronyme Stanisław Szczepanowski ou Stanisław ze Szczepanowa devenu Saint :

« Saint-Stanislas, évêque de Cracovie et martyr. Au milieu des troubles de son temps, il fut un défenseur sans relâche de la civilisation et des mœurs chrétiennes, il gouverna son Église en bon pasteur, vint en aide aux pauvres, visita chaque année son clergé, enfin, en 1079, il fut assassiné, alors qu'il célébrait les saints mystères, par le roi Boleslas, à qui il avait reproché sa conduite scandaleuse. »

Il y a pire comme modèle. Mais les wokistes du moment n’en ont cure animés qu’ils sont de leurs funestes aspirations.

Souvenons-nous  du merveilleux Hernani hugolien :

« Qui suis-je ? une âme de malheur faite avec des ténèbres … »

PIEGE

Pourtant le wokisme – étymologiquement dérivé de wake -  signifiant un état d’éveil face à l’injustice est au fond une noble intention. Sinon qu’il y a loin de la coupe aux lèvres.

Il n’empêche qu’il fait son chemin et que, selon le chercheur américain Yascha Mounk,  je le cite :

 «Il va structurer la vie intellectuelle occidentale de ces trente prochaines années. »

Dans son livre «  Le Piège de l’identité ,  ce professeur de politique internationale à l’Université Johns-Hopkins, examine sous toutes les coutures cette idéologie protéiforme qui a fait de la défense des identités opprimées son cheval de bataille. Mêlant l’analyse à la critique, Yascha Mounk dévoile avec précision comment la "synthèse identitaire" a pu transformer de bonnes intentions en dérives. 

Pourtant,  à nos confrères de l’Express, il déclarait aussi ne pas utiliser le terme « woke » - tien, tiens -  s’en expliquant ainsi :

« Je préfère parler de "synthèse identitaire" car les catégories identitaires y sont centrales et que ce corpus d’idées est issu d’une large gamme de traditions intellectuelles (postmodernisme, postcolonialisme, théorie critique de la race). L’important est donc de disposer d’un nom neutre qui permette d’avoir un débat constructif sur cette idéologie. »

Gayatri Chakravorty Spivak :  Derrida en anglais et Heidegger dans le texte !

Peaufinant son explication, il définit les caractéristiques de ce courant de pensée :

« Je vois cinq thèmes principaux. D’abord, un profond scepticisme envers le concept de vérité objective, hérité de Michel Foucault. Ensuite, la critique des discours dominants à des fins explicitement politiques, inspirée par Edward Saïd. Puis l’emploi de catégories identitaires essentialistes à des fins stratégiques, issu des travaux de Gayatri Chakravorty Spivak  - la place occupée par Gayatri Chakravorty Spivak soulève plusieurs paradoxes : spécialiste de littérature, elle connaît bien les grands philosophes des XIXe et XXe siècles ; indienne enseignant aux États-Unis, elle traduit Derrida en anglais et cite Heidegger dans le texte –  même si les catégories identitaires sont reconnues comme étant des "constructions sociales", il s’agit d’encourager les gens à penser en termes raciaux, sexuels et genrés. Il faut y ajouter un profond pessimisme quant à la possibilité de réaliser des progrès sociaux, notamment l’idée que les pays occidentaux d’aujourd’hui seraient aussi racistes ou sexistes qu’ils l’ont été il y a cinquante, cent ou deux cents ans. Enfin, en conséquence, le projet de supprimer les valeurs universalistes selon lesquelles les gouvernements doivent traiter leurs citoyens sans distinction d’origine ou d’orientation. »

Dont acte.

HURLUBERLUS

Dans ce charivari intellectuel il est également instructif de revenir au message du Cercle des poètes disparus visant à nous découvrir une autre vie qui va à jamais bouleverser l’avenir de ces étudiants.

Inquiétant tout de même.

Le Cercle des poètes disparus, c'était dans les années quatre-vingt : hier ou presque !

Ici, les situations des différents personnages ne se prêtent guère à l’exercice de libertés récemment découvertes car les mentalités des parents et des professeurs n’admettent pas que leur autorité et leurs ambitions soient remise en question par ces jeunes personnalités soucieuses de s’affranchir de règles trop rigides.

En finalité, ce « Cercle » leur permettra de s’affirmer, de découvrir leur vraie nature et surtout, de vivre comme ils l’entendent.

C’était dans les années quatre-vingt. Hier, ou presque.

Pour autant et fi de ces contournements intellectuels, le « wokisme » n’a eu de cesse, à l’exemple de l’hydre, d’élargir son influence.

Des effets pervers qui se concrétisent, depuis peu, à l’occasion du prochain Printemps des poètes 2024 et de la nomination de son parrain, en l’occurrence Sylvain Tesson, en une manière de reconnaissance contestée par d’étranges hurluberlus, pâles représentants d’une culture quelque peu écornée. Pour rester aimable et mesuré.

Finalement, une cabale de trop et la mise en vedette de quelques petites mains de la littérature dite contemporaine. De l’inquisition à courte vue.

Minable!

En tout cas, l’occasion pour les défenseurs de l’auteur heureux et ( excusez du peu) talentueux de « La panthère des neiges ,» de mettre en relief, je cite encore :

« Cette injustifiable pétition à l’encontre de l’une de nos meilleures plumes comme de l’un de nos plus beaux esprits d’aujourd’hui. »

Sylvain Tesson : l'une de nos meilleures plumes.

En clair, s’interrogent ces mêmes signataires en prenant le contre-pied des opposants à Sylvain Tesson :

«Un déplorable mais dangereux effet pervers  au vu de ce qui apparaît là comme un nouveau type d’inquisition, de cet insidieux poison doctrinaire, sectaire et rétrograde, sinon réactionnaire par-delà même ses louables intentions émancipatrices de départ, de ce que l’on appelle communément le "wokisme" ? 

Avec, une explication, en forme de cerise, sur ce gâteau empoisonné :

« Au prétendu motif qu’il serait une icône réactionnaire. »

Du grand n’importe quoi !

Et les soutiens de Sylvain  Tesson pour faire bonne mesure de préciser encore :

 « Que d’illustres inconnus au sein du panorama littéraire français se soient ainsi mus, par-delà même leur indignité, la jalousie et l’envie en ce qui - on en conviendra aisément -  s’avère être un mobile particulièrement médiocre, tant sur le plan éthique qu’intellectuel ou professionnel, est tout simplement insoutenable ! »

Certains coups de pied au cul ont parfois du bon !

Pour Michel Wieviorka, sociologue et maître de conférences, auteur d’un essai intitulé « Métamorphose ou déchéance. Où va la France ? »  :

 « Toutes ces oppositions croissantes nous rappellent finalement que ce sont d’abord les conflits politiques, sociaux, culturels qui redessinent, transforment une société, pour le meilleur et parfois pour le pire. » 

Par ailleurs, selon Olivier Roy, Philosophe, politologue, spécialiste de l'islam politique,  directeur de recherche au CNRS et directeur d'Études à l'EHESS :

 « Ces excès de part et d’autre, annonciateurs d’une nouvelle ère, marquent surtout un changement fondamental de mode de vie, de cohabitation entre êtres humains, laissant place à un rapport repensé à la nature, à l’environnement, à l’altérité, et à la différence. Lorsque ce type de dynamique émerge à l’échelle de l’Histoire, c’est toujours avec une certaine radicalité. » Et donc, espérons-le, elle est vouée à être transitoire pour enfin concourir à une société française plurielle et réconciliée?" 

TOLERANCE

Retour à l’envoyeur  … ou juste retour des choses :

N’ont-ils donc pas retenu ni compris, ces maîtres censeurs s’arrogeant l’autoritaire droit de s’instituer arbitrairement en maîtres penseurs, ces nouveaux "Fouquier-Tinville de café littéraire" (pour paraphraser la célèbre formule du très lucide Raymond Aron dans ses doctes Mémoires)-

L’impérieuse leçon, parangon de tout humanisme correctement conçu, du grand Voltaire, immortel auteur de l’admirable Traité sur la tolérance, lorsqu’il prononça, au brillant siècle des Lumières (déjà !) ces paroles (du moins sa légendaire postérité philosophico-littéraire les lui a-t-elle attribuées) et que tout authentique démocrate se devrait de faire siennes  :

"Je ne suis pas d’accord avec ce que vous dites, mais je me battrai jusqu’à la mort pour que vous ayez le droit de le dire !"

Aussi, est-ce forts de cette très sage pensée, dont la hauteur de vue n’a d’égale que la générosité d’âme, sans lesquelles il n’est d’ailleurs point d’intelligence qui vaille, que les signataires de l’appel « rectificatif » ont été à leur tour soucieux de défendre, aux seuls mais inaliénables noms de la liberté de parole comme de pensée, le cher et talentueux Sylvain Tesson.

Liberté :  que cet essentiel principe universel (car c’est bien de cela qu’il s’agit à l’instar de Julien Benda autrefois dans sa salutaire Trahison des clercs ), lui soit rendu afin qu’il puisse parrainer aussi honorablement que possible et au regard de ce rang qui lui est légitimement dû, le beau, chaleureux et distingué Printemps des poètes" en cette année 2024.

« Le vieux professeur eut une pensée ordinaire. Il avait trop lu, trop réfléchi, trop écrit aussi, pour oser proférer, même seul avec lui-même, en des circonstances aussi parfaitement anormales, autre chose qu’une banalité digne d’une copie d’élève de troisième. »

Épilogue :

C’était il y a bien longtemps. Je n’ai pas oublié cette première phrase du livre de Jean Raspail, « Le Camp des Saints », que m’avait recommandé un ami et qui revient tel un leitmotiv dans ma mémoire.

Un électrochoc.

 

Bernard VADON

 

 

 

 

 

 

Rédigé par Bernard Vadon

Publié dans #J - 2 - B ( Journal )

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