COP28 : QUAND LES ABSENTS, PRINCIPALEMENT LE PAPE FRANÇOIS INVOLONTAIREMENT RETENU A ROME, MARQUENT LES ESPRITS . EXPLICATION.

Publié le 2 Décembre 2023

Annoncé sans tambours ni trompettes mais précédé d’un écrit – une exhortation apostolique aux accents apocalyptiques plutôt qu’un message d’espérance aux propos lénifiants, véritable procès-verbal à l’encontre des gouvernants de la planète participant à la Cop28 ( un record de participation affirme t-on) – le pape François qui devait « faire l’événement »  brillera par une absence motivée par son état de santé..

En cause, une grippe sournoise qui le cloue dans sa résidence au cœur du plus petit État au monde – 44 hectares pour une population d’un peu plus de 600 personnes environ dont la célèbre garde suisse chargée de la sécurité des lieux et de son principal occupant, le pape en l’occurrence François – qui s’est investi le premier et selon son importance dans le processus de préservation de la planète.

Outre certaines mesures phares dont la totalité de la flotte automobile du Vatican convertie à l’électrique, François brillera pas son absence. Enfin, pas tout à fait.

D’aucuns y discerneront une singulière intervention divine ou mariale – une dévotion à laquelle François comme bon nombre de ses prédécesseurs est sensible– qui n’atténuera en rien la détermination du souverain pontife, autant attaché à la protection de la planète que ne l’est, en particulier, le Roi Charles III tout en apportant la preuve, cette fois plus que jamais, que les absents – volontairement ou non – n’ont pas toujours tort. 

Car ce n’est un mystère pour personne que cette Cop28 ne sera, au fond, qu’une banale vue de l’esprit mais pas celui – saint celui-là – dont n’aurait pas manqué de se réclamer le pape pour qui la création n’est pas un fantasme enfanté d’un caprice surnaturel ou d’une quelconque manipulation chimique mais une réalité précédée d’un sens rare du merveilleux dans sa définition la plus « laroussienne » qui soit. En clair, qui s’éloigne du cours ordinaire des choses.

Voilà pour le principe.

UNE PAGE D’HISTOIRE

Même si à la surprise générale  s’accordent les médias, la présidence de la COP a fait voter et avec succès une décision sur l’un des sujets les plus contentieux, à savoir l’indemnisation des pays les plus vulnérables face aux désastres climatiques pour les pertes qu’ils ont déjà subies :

« Nous avons écrit aujourd’hui une page d’histoire. La rapidité avec laquelle nous l’avons fait est inédite, phénoménale et historique. » 

En effet, dès l’ouverture de cette 28e conférence internationale sur le climat, le président de la COP28, l’improbable Sultan al-Jaber, a marqué le coup avec une première avancée sur l’un des dossiers les plus épineux de cette conférence : la question des « pertes et dommages », autrement dit la compensation financière qui pourrait être versée aux pays pauvres déjà victimes des conséquences du réchauffement climatique. Dont acte.

Quant aux négociations sur le climat, elles se concentrent sur deux enjeux : comment atténuer le réchauffement climatique - en réduisant notamment les émissions de gaz à effet de serre - et comment s’adapter à ses impacts déjà bien réels, comme la hausse du niveau des mers ou les sécheresses à répétition.

Et cela, indépendamment des conséquences affectant déjà la bagatelle de 55 pays.

Pour exemple : en 2022, le Pakistan a été ravagé par des inondations records qui ont laissé sous l’eau près d’un tiers du territoire, dévastant de vastes étendues de terres agricoles et faisant des dizaines de millions de sans-abri.

 

A chacun sa symbolique ...

Pour le reste, à son terme et au-delà d’engagements qui ne seront pas tenus – et pour causes parce que dépendantes des mauvaises habitudes de vie des plus grandes puissances lesquelles ne comptent pas en changer de sitôt -  le choix de Dubaï, cité flamboyante et démesurée, la première ville des Émirats arabes unis dominée par les 830 mètres de la tour Burj Khalifa, la ville où l’on fait fi des températures caniculaires car les machines à refroidir fonctionnent à plein régime et à volonté pour le bien-être d’une population que le sort de la planète parait au demeurant peu soucier.

 Ici, le Dieu pétrole mène la danse dans cette société guère soucieuse du drame qui se joue autour d’elle et dont ils pâtiront aussi le jour venu.

Qui connait le jour et l’heure ?

Quant au fameux CO2, pour information, les Émirats arabes unis occupaient en 2021 la 6e place mondiale en termes d'empreinte carbone par habitant et sont le 8e pays mondial en termes d'émission de CO2. . Ne parlons pas des énergies fossiles et de leur vaine captation. C’est un autre discours mais non des moindres.

Bref, c’est annoncé à grand renfort de manchettes médiatiques : la COP28 devrait donc battre tous les records, le transport représentant « 70 à 80% des émissions dans l'événementiel » selon un expert. 

Rassurant,  non ?

CRUCIAL

Un débat récurrent qui met en relief l'empreinte carbone des délégations venues du monde entier, la plupart en avion.

Car l'émirat de Dubaï, qui accueille cette 28e Conférence de l'ONU pour le climat (COP28), ne fait pas exception à la règle.

Du côté des organisateurs, on évoque, sans donner beaucoup de détails, la « neutralité » de l'événement, qui se tiendra jusqu’au 12 décembre :

« S'assurer que la COP28 soit durable et neutre en carbone sera crucial pour son succès », peut-on lire sur le site officiel de l'événement organisé par les Émirats arabes unis.

On pourrait ajouter en filigrane : de qui se moque t-on ?

S’'attarder sur le bilan carbone de la COP, qu'il soit neutre ou non, « est une pure distraction », selon Laurent Morel, ingénieur et associé chez Carbone 4, cabinet spécialisé dans le conseil climat :

« En revanche, ce qui va être intéressant, c'est de voir comment la gouvernance de cette COP va gérer ou pas ses propres contradictions ».

A chaque COP, des critiques pointent le nombre de vols empruntés par les délégations, ONG et patrons, et des polémiques émergent sur les jets privés qui amènent certains participants. Nul doute que nous y reviendrons.

L'ONU reconnaît dans son document « How to COP » (« Comment organiser une COP ») que les médias et les ONG ne manquent pas de disserter sur le thème de « l'ironie apparente des émissions de CO2 générées par les milliers de participants venus en avion du monde entier pour discuter de la réduction mondiale des émissions ».

Nul doute qu’ils s’en donneront cette fois encore à cœur joie !

UN TOURNANT ?

«S'il vous plaît, allons de l'avant, ne revenons pas en arrière», a exhorté le pape François  - qui a dû renoncer à venir en personne à  cette réunion internationale à cause d'une bronchite  - dans un discours lu par le numéro deux du Vatican, le cardinal secrétaire d'État Pietro Parolin.

Le pape François a appelé les participants à la COP 28 de Dubaï – je cite – à «un tournant» en vue de parvenir à une accélération décisive de la transition écologique :   

«Que cette COP soit un tournant : qu'elle manifeste une volonté politique claire et tangible, conduisant à une accélération décisive de la transition écologique», a-t-il estimé. Et ce « à travers des formes qui aient trois caractéristiques : qu'elles soient efficaces, contraignantes et facilement contrôlables. Qu'elles soient mises en œuvre dans quatre domaines : l'efficacité énergétique, les sources renouvelables, l'élimination des combustibles fossiles et l'éducation à des modes de vie moins dépendants de ces derniers».

«S'il vous plaît : allons de l'avant, ne revenons pas en arrière», insiste à nouveau  François, qui depuis son élection en 2013,  a fait de la défense de l'environnement un leitmotiv de son pontificat, au point d'y consacrer en 2015 son encyclique «Laudato si» («Loué sois-tu»), un manifeste de 200 pages pour une «écologie intégrale».

François a publié le 4 octobre dernier un nouveau texte sur le climat, intitulé «Laudate Deum» («Louez Dieu») dont nous nous sommes d’ailleurs fait l’écho dans ce même blog et qui appelle les grandes puissances à abandonner les énergies fossiles. Et cela, alors même que les objectifs de réduction des émissions carbone semblent de plus en plus difficiles à atteindre.

Pourtant – et répétons-le -  la réalité s’imposera cette fois encore. 

Rappel des faits :

En 2015, deux canicules à 30°TW avaient fait plus de 4 000 morts en Inde et au Pakistan. Ce seuil n’avait pas été atteint lors de la canicule de 2003 qui fit 50 000 morts en Europe.

Sans commentaires !

Ce n’était qu’un début.

CONSEQUENCES INHABITUELLES

D’ailleurs, Samuel Morin -  Chercheur et directeur du CNRM (UMR Météo-France - CNRS) à météo-France, notamment, le confirmait il y a peu :

 « C’est une préoccupation de plus en plus forte et si. des mesures drastiques ne sont pas prises voilà ce qui nous attend » 

Un descriptif on ne peut  plus sombre :

350 millions d’habitants supplémentaires seront exposés aux pénuries d’eau à +1,5 °C e, avec des canicules extrêmes et 420 millions de personnes supplémentaires qui seront menacées à + 2°C.

Pour ce qui est de la famine :  80 millions de personnes auront faim, d’ici à 2050, en plus des 166 millions qui ont déjà besoin d’assistance alimentaire du fait des désastres climatiques.

Quant au problème de la submersion concernant les villes côtières, « en première ligne » du réchauffement climatique, des centaines de millions d’habitants seront menacées en 2050. En cause, la dramatique conséquence de la hausse du niveau des mers (+ 60 cm d’ici à la fin du siècle à + 2°C).

Enfin, pratiquement, toutes les zones côtières et plusieurs régions du monde risquent des catastrophes météo simultanées allant de la canicule aux inondations en passant par les sécheresse, les cyclones et les incendies.

Pour sinistre et récente illustration voir en France en particulier.

L’effondrement de certaines falaises sur la côte atlantique, les récentes précipitations avec à la clé des inondations désastreuses, des orages de grêle aux conséquences inhabituelles, des manifestations cycloniques inopinées sur des mélodies singulièrement inspirantes de « Epic Flight » par Immersion Music à cette prenante composition étrangement intitulée Initiation interprétée par le « Tenacious orchestra » ( du nom d’un trois-mâts barque à coque bois, dont la construction a commencé en 1996 dans un chantier naval de Southampton et qui a été conçu pour accueillir des passagers handicapés  ) En tout cas au plan strictement musical : de quoi bercer nos angoisses !

Menacés de disparition !

Enfin, en 2050, 143 millions de personnes seront déplacées en Afrique subsaharienne, en Asie du Sud et en Amérique latine en raison de pénuries d’eau, de la hausse du niveau des mers et de la pression sur l’agriculture.

Et pour conclure ce réjouissant programme, au-delà de + 2°  - prévision qui n’est à ce jour plus une vue de l’esprit - même pas  saint - 54 % des espèces terrestres et marines pourraient être menacées de disparition d’ici à la fin du siècle.

Les présidents de ci comme de ça - notre délirant président en tête de gondole comme à sa modeste habitude -  auront beau pérorer, ce sera bien la voix papale, venue de bien loin, qui couvrira les beaux discours :

«  Si l’on veut sincèrement que la COP 28 soit historique, qu’elle nous honore et nous ennoblisse en tant qu’êtres humains, on ne peut qu’attendre des formes contraignantes de transition énergétique qui présentent trois caractéristiques : efficaces, contraignantes et facilement contrôlables ; cela pour parvenir à initier un nouveau processus radical, intense et qui compte sur l’engagement de tous. Cela n’est pas advenu sur le chemin parcouru jusqu’à présent, mais ce n’est que par un tel processus que la crédibilité de la politique internationale pourra être rétablies, car ce n’est que de cette manière concrète qu’il sera possible de réduire notablement le dioxyde de carbone et éviter à temps de pires maux. »

Et le pape François d’ajouter :

 « Pourquoi veut-on préserver aujourd’hui un pouvoir qui laissera le souvenir de son incapacité à intervenir lorsqu’il était urgent et nécessaire de la faire ? »

Honoré de Balzac quant à lui analysait autrement mais avec non moins de discernement les effets du pouvoir estimant que le pouvoir est certes une action et que le principe électif est la discussion mais qu’à terme il n’y a pas de politique possible avec la discussion en permanence … suivez attentivement mon regard.

Bernard VADON

 

 

Rédigé par Bernard Vadon

Publié dans #J - 2 - B ( Journal )

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