EN MARGE DE LA PROCHAINE COOP 28 À DUBAI « LAUDATE DEUM » OU LE SÉVÈRE COUP DE FÉRULE PAPALE ! 

Publié le 25 Novembre 2023

Avec sa visite à Dubaï, aux Émirats arabes unis, du 1er au 3 décembre 2023 prochains, dans le cadre de la COP28, le pape François, sauf empêchement majeur de dernière heure, effectuera son 45e voyage apostolique à l’étranger depuis son élection en 2013. Il cumulera alors 194 jours à voyager et aura visité une soixantaine de pays.

D’aucuns arguant de ses affections physiques ne manqueront pas de s’interroger une fois encore sur les facultés du pontife à tenir la barre de la barque de l’Église qui lui a été confiée à l’issue du conclave de 2013. Sans oublier de noter « le poids » de ses 87 printemps qu’il fêtera le 17 décembre de cette année. Que les pisse-vinaigres médiatiques et autres bonnets de nuit cherchent une autre cible pour vider le trop plein de leur fiel.

Avec ce sixième déplacement et malgré deux hospitalisations cette année, sauf problème majeur d’ici là,  le Pape, qui fêtera donc ses 87 ans le 17 décembre prochain, montre qu’il est toujours à la barre épiscopale que lui ont confié les cardinaux.

INQUIETUDE

En se rendant cette fois - après le royaume de Bahreïn - à Dubaï, le pape François sera surtout  le premier pontife de l’histoire à participer à une conférence des Nations-Unies sur les changements climatiques.

En octobre 2021, les évêques écossais avaient déjà laissé entendre que le pape argentin participerait à la COP26 de Glasgow mais ce voyage n’avait finalement pas eu lieu. 

Les voix du Seigneur sont parfois impénétrables.

En tout cas, ce déplacement illustre bien l’inquiétude du pape François face au dérèglement climatique de la planère sinon son réchauffement inquiétant.

Déjà, en 2015,  avec la publication de l’encyclique « Laudato si » - inspiré du vieux dialecte toscan "Loué sois-Tu!", une expression dont usa saint François d'Assise dans son fameux et beau cantique des créatures, prière par laquelle il rend tout simplement grâce à Dieu pour toute Sa création - le pape François focalisa l’attention sur l’écologie intégrale et donna en quelques sorte le « la » à cette manière de symphonie dramatique d’un inquiétant et triste nouveau monde annoncé qui se référerait plus à W.A. Mozart et à son Requiem qu’à Antonin Dvorak lui-même sensibilisé par un poème d’Henry Longfellow racontant les noces de Hiawatha, un autochtone d’Amérique du Nord, au XIXe siècle, et parallèlement les funérailles dans la forêt.

Tout un programme et pas seulement en musique.

Un réquisitoire sévère.

En cette fin d’année riche en événements naturels tragiques, le pape François publie donc une suite à sa précédente encyclique écologique. Un réquisitoire sévère de soixante pages intitulé  « Laudate Deum »,(Louez Dieu) dans lequel il dédie un chapitre entier à la prochaine COP 28 avec ce titre pour le moins dubitatif :

"Que peut-on espérer de la COP28 de Dubaï ?". 

INDIGNEZ-VOUS

Une démarche qui n’est pas sans me rappeler et en un peu moins de pages – une trentaine seulement - l’injonction terrible du diplomate et résistant Stéphane Hessel intitulée : « Indignez-vous ! »

Un essai résultant d’une idée « sartrienne » visant à ne pas accepter le creusement des inégalités de richesse, à critiquer la politique gouvernementale d’immigration du précédent septennat sous la houlette de Nicolas Sarkozy ( rien, depuis, n’a d’ailleurs tellement changé ), à regretter ( je cite encore) le poids du monde financier dans les choix politiques et enfin à dénoncer l’affaiblissement de l’héritage social du Conseil national de la Résistance avec un exposé  singulier  – nous sommes en 2010 – consacré à la situation imposée par l’État d’Israël à la Palestine et notamment à la bande de Gaza !

L’Histoire comme la mode serait-elle un éternel recommencement ?

En tout cas, cette analyse sans concessions de Stéphane Hessel n’a pas manqué, à tort ou à raison, de susciter des commentaires peu amènes sinon parfois féroces.

 Une manière de réponse en chiffres : quatre millions d’exemplaires vendus chacun un peu plus de 3 euros, un essai traduit en 34 langues qui génèrera deux autres publications : « Engagez-vous » écrite un an avant« Indignez-vous » et « Le Chemin de l’espérance ».

C’est aussi l’époque où Stéphane Hessel, via le quotidien israélien Ha'aretz, s’est déclaré comme un partisan d’Israël mais aussi comme une voix critique à l'encontre de ses gouvernements successifs. Il explique qu'ayant vu la souffrance des Juifs durant l’Holocauste ( l'entreprise d'extermination systématique, menée par l'Allemagne nazie contre le peuple juif pendant la Seconde Guerre mondiale) il souhaitait voir un État israélien responsable qui garantirait la sécurité de ses ressortissants.

Pour l’heure, ce n’est pas tout à fait le cas. Très loin s’en faut.

Partisan comme beaucoup le souhaitent encore aujourd’hui d’une solution à deux États, il ajoutait :

« Tant qu'il y a une violence palestinienne mais pas un État palestinien, Israël est en danger, ne pouvant pas obtenir l'aide de la communauté internationale à l'encontre d'une entité qui n'est pas soumise au droit international » .

Ses adversaires lui reprochant au passage sa complaisance envers le terrorisme sinon un esprit pathologiquement anti-occidental.

Nous nous garderons de trancher sinon de juger tant ce problème  d’actualité brûlante est complexe et sensible. Et nous garderons de préférence et dans la mouvance de la prochaine coop, le sentiment alors exprimé par Stéphane Hessel sur le climat :

« Le dérèglement climatique s'aggrave et s'accélère, mettant à mal dès aujourd'hui, les populations les plus pauvres de la planète et à moyen terme les conditions de vie civilisées sur Terre. Pourtant, les solutions au réchauffement climatique existent, les voies de la transition énergétique se multiplient ; elles sont d'ores et déjà expérimentées par des milliers d'associations, d'individus, de communes, de régions à travers la planète. Ces milliers d'alternatives participent au quotidien à la construction d'une société plus sobre, plus humaine, plus conviviale et plus solidaire » .

C’était presqu’hier !

EXIT L’ESPERANCE !

Pour le souverain pontife ce sera donc le troisième voyage dans la Péninsule arabique, berceau de l’islam. Un fait d’autant plus exceptionnel quand on sait qu’aucun de ses prédécesseurs n’avait posé le pied sur cette terre avant lui.

François a de fait rattrapé le temps perdu.

En février 2019, il s’était en effet rendu à Abou Dabi, capitale des Émirats arabes unis, pour y signer avec le Grand Imam d’Al-Azhar Ahmed el-Tayeb, le document sur la fraternité humaine et à cette occasion, il avait célébré une grand-messe au stade Zayed d’Abou Dabi devant 130.000 fidèles.

Nous nous en étions alors fait l’écho.

En novembre 2022, il est ensuite revenu dans le Golfe pour participer à un sommet interreligieux.

Que cette Coop 28, à l'image de ces utiles éoliennes, ne brassent pas - comme souvent -  que du vent !

En revanche, lors de son intervention, dans le cadre de cette Coop 28 et selon certains observateurs, le pape François ne devrait  pas livrer de message d’espérance comme il le fit, par exemple,  lors de son récent déplacement à Marseille. Ce qui ne l’empêchera pas de brandir sa croix de pèlerin papal non pas comme une arme de destruction massive ( ou autre d’ailleurs ) mais plus comme un tocsin: 

« Je me rends compte au fil du temps que nos réactions sont insuffisantes alors que le monde qui nous accueille s’effrite et s’approche peut-être d’un point de rupture. Quoi qu’il en soit de cette éventualité, il ne fait aucun doute que l’impact du changement climatique sera de plus en plus préjudiciable à la vie et aux familles de nombreuses personnes. Nous en ressentirons les effets dans les domaines de la santé, de l’emploi, de l’accès aux ressources, du logement, des migrations forcées. Il s’agit d’un problème social global qui est intimement lié à la dignité de la vie humaine. Les évêques des États-Unis ont très bien exprimé le sens social de notre préoccupation à l’égard du changement climatique, qui va au-delà d’une approche purement écologique parce que « l’attention que nous portons les uns aux autres et l’attention que nous portons à la terre sont intimement liées. Le changement climatique est l’un des principaux défis auxquels la société et la communauté mondiale sont confrontées. Les effets du changement climatique sont supportés par les personnes les plus vulnérables, que ce soit chez elles ou dans le monde entier.  Les évêques présents lors du Synode pour l’Amazonie l’ont également exprimé en peu de mots en déclarant que les attaques contre la nature ont des conséquences sur la vie des peuples.  Et pour exprimer de manière convaincante qu’il ne s’agit plus d’une question secondaire ou idéologique mais d’un drame qui nuit à tout le monde, les évêques africains ont affirmé que le changement climatique met en lumière un exemple frappant de péché structurel . » écrit le souverain pontife dans sa dernière exhortation apostolique.

En réponse à une question du sociologue Dominique Wolton, le pape François a confié :

«Mon encyclique Laudato si’ n’était pas une encyclique verte mais une encyclique sociale » Aujourd’hui, au travers de « Laudate Deum »,  il fustige sans ménagement les climatosceptiques. Une vigueur militante qui ne peut que réconforter les écologistes.

Il n’empêche que l’urgence est manifeste.

Plus question d’y aller par quatre chemins eu égard l’accélération du réchauffement climatique qui nous menace d’un « point de rupture » . Nous vivons « un drame qui nuit à tout le monde » ; le cynisme des plus riches et l’apathie des politiques deviennent insupportables. Le pape François n’entend pas pour autant céder à « l’apocalyptisme » mais il décrit une situation qui y ressemble.

Cette exhortation est un réquisitoire en règle contre la modernité. Et les arguments ne manquent pas.

En dépit des idéaux des Lumières qui les associent, il constate que le progrès moral est étranger aux progrès scientifiques.

Incontestablement antinomique :

« Tout progrès se paie de conséquences effroyables », disait jadis le philosophe Horkheimer.

Le pape François s’en inspire en dressant la liste des désastres qui nous mettent au bord de l’abîme du nucléaire et à  l’inégalité croissante entre riches et pauvres en passant par le climat en totale déconfiture :

« Nous sommes malades de nous être crus supérieurs aux autres créatures, de nous être placés en situation d’extériorité par rapport à la nature. Nous sommes ainsi devenus des prédateurs et, désormais, portés à confondre la puissance et l’innovation technologique avec le progrès. Il fallait dénoncer cette rupture de solidarité avec « les autres créatures de ce monde », telle que les deux derniers siècles l’ont provoquée, au point même d’exprimer une admiration pour « les cultures indigènes ». Il fallait pointer les méfaits de l’auto-emballement de la technique, qui impose un constat presque désespéré. On ne peut plus arrêter mais seulement s’efforcer d’éviter « des dégâts encore plus dramatiques ». 

UBUESQUE

Le pape François dénonce une volonté de puissance débridée et fait le compte des catastrophes qu’elle produit.

Aussi, ce qui prétendait garantir les valeurs de l’humanisme se retourne contre lui-même de sorte que la réalité, le bien et la vérité se trouvent niés par l’appétit de croissance illimitée. Cet appétit que Platon nommait « pléonexie ».

Ainsi, privés d’une éthique solide, d’une culture et d’une spiritualité affirmées, il ne nous est plus possible de réguler cet appétit :

« En toute logique, cette situation impossible devrait porter à la révolution, seule réaction susceptible de réveiller un sens de l’avenir et des idéaux moraux. Révolution contre les injustices induites par le cynisme des nantis, contre les formes de virtualisation du réel multipliées par les technologies, contre l’élimination de la vie intérieure imposée par le culte des machines. »

Jusqu’à quel point le pape François est-il un luddite (opposant aux nouvelles technologies) qui avance masqué, un militant de la décroissance qui ne dit pas son nom ou encore un adepte de la convivialité qui s’ignore ?

Peut-être aussi un point de non-retour partagé au titre de la raison version Blaise Pascal qui estimait qu’une infinité de choses la surpassent.

Pour en parler, le pape raconte qu’il  a vécu l’expérience des floués de la modernité technicienne - par exemple, cet acheteur d’une maison ayant bénéficié de l’argent perçu en échange du dépôt de déchets nucléaires et qui découvre que sa maison est inhabitable du fait même de ces déchets ! -.

Ubuesque en diable !

On ne saurait plus s’abstraire de l’environnement qu’on croyait jadis maîtriser avec des outils et du savoir, on est désormais immergés dans un espace tout entier saturé d’innovations toxiques.

Contre « le pragmatisme homicide » des dominants, le pape François paraît croire encore dans un contrôle possible du pouvoir politique par les citoyens et accorde plutôt sa confiance au « multilatéralisme d’en bas ». 

Ce qui n’est pas du goût de tout le monde.

Il est évident qu’on aimerait partager cette confiance, mais il s’est sans doute trop étendu sur la nocivité du prométhéisme – projet politique inspiré du mythe de Prométhée celui qui, dans la mythologie grecque, inculque aux hommes la raison - et sur l’aberration de l’homme moderne devenu étranger et hostile à la nature, pour que l’on imagine une réconciliation possible avec le monde.

Alors que faire ?

Avec « Laudate Deum » c’est un feu que le pape François allume  pour réveiller les consciences. Un feu qui ne brûle pas mais qui éclaire à l’instar de ce que déjà déclarait Saint-Bernard.

Et François de conclure :

« Dieu nous a unis si étroitement au monde qui nous entoure, que la désertification du sol est comme une maladie pour chacun ; et nous pouvons nous lamenter sur l’extinction d’une espèce comme si elle était une mutilation ».  

Ainsi, nous mettons fin à l’idée d’un être humain autonome, tout-puissant et illimité, et nous nous repensons pour nous comprendre d’une manière plus humble et plus riche.

Dans la conjoncture actuelle, un doux mais beau rêve !

Et en parallèle un défi culoté proposé à cette énième coop que l’on souhaiterait autrement efficace.

 

Bernard VADON

 

 

Rédigé par Bernard Vadon

Publié dans #J - 2 - B ( Journal )

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