En marge de bouleversements planétaires récurrents  – climatiques et humains - un temps fort de réflexion mariale, ou, quand la Vierge Marie, selon Saint Bernard, est un « aqueduc» des eaux du paradis !

Publié le 15 Août 2023

C’est à Saint-Bernard, fêté le 20 août soit cinq jours après l’Assomption de Marie – ou plus justement après la dormition selon la tradition orientale -  que l’on doit, entre autres textes et sermons laudatifs et surtout instructifs sur la Vierge Marie, le « Salve Regina »,  un texte devenu mythique pour le peuple chrétien,  tout particulièrement de sensibilité catholique et orthodoxe, qui ne manque jamais de le chanter en hommage à celle dont ce beau texte se passe de commentaires :

« Salut, Reine, Mère de Miséricorde, Vie, Douceur, et notre espérance, salut.
Vers toi nous élevons nos cris, pauvres enfants d’Ève exilés.
Vers toi nous soupirons, gémissant et pleurant dans cette vallée de larmes.
Tourne donc, ô notre Avocate, tes yeux miséricordieux vers nous.
Et, Jésus, le fruit béni de tes entrailles, montre-le nous après cet exil.
Ô clémente, ô pieuse, ô douce Vierge Marie ! »

SOURCE INTARRISSABLE

Dans un langage qui lui était propre Saint Bernard traduit la doctrine très ancienne de saint Irénée - 2° siècle -  sur la "recirculation" (techniquement, la mise en fonction d’un système permettant de limiter les pertes de matière et d’énergie et de préserver les ressources. En l’occurrence, un liquide et plus précisément l’eau. 

Pour Saint Bernard :

« La vie éternelle est une source intarissable ; elle arrose toute la surface du paradis, et non seulement elle l'arrose, mais elle l'inonde. Elle est la fontaine des jardins, le réservoir des eaux vives qui jaillissent en flots impétueux du Liban et dont les flots réjouissent la cité de Dieu.

Or, quelle est cette source de vie sinon le Seigneur Christ ? [...] Et c'est par un aqueduc que descend ce ruisseau céleste [...] 

Marie est pour nous l'échelle de Jacob, l'aqueduc des eaux toujours vives

Déjà vous l'avez deviné, si je ne m'abuse, de quel aqueduc je veux parler, qui, recevant la source en sa plénitude au cœur du Père, nous la livre, sinon telle quelle, du moins à la mesure de nos capacités ; vous savez bien à qui fut dit : Je te salue ô pleine de grâce - Mais nous étonnons-nous qu'on ait pu construire un aqueduc de si bonne qualité et d'une telle ampleur, que son sommet, comme l'échelle vue par le patriarche Jacob, touchât le Ciel (Gn 28,1) bien mieux, traversât les cieux et pût atteindre cette source des eaux toujours vives, qui est au-delà des cieux ? [...] 

Par sa prière, Marie nous a "trouvé la grâce" [Lc 1, 30]

Mais cet aqueduc, le nôtre, comment peut-il atteindre une source si haut placée ? Comment - vous le pensez bien - sinon grâce à la véhémence de son désir, sinon par l'ardeur de sa piété, sinon par la pureté de sa prière, comme en témoigne l'Écriture : "La prière du juste traverse les cieux" (Sir 35,21). 

Et en ce cas, qui est juste, si ce n'est Marie de qui nous est né le Soleil de justice ? 

Comment donc Marie a-t-elle rejoint la majesté inaccessible ? N'est-ce pas en frappant, en suppliant, en cherchant ? 

Non, finalement, ce qu'elle cherchait elle l'a trouvé, elle à qui fut dit : Tu as trouvé grâce auprès de Dieu. Mais quoi ? Marie est pleine de grâce [Lc 1, 28] et voilà qu'elle trouve encore la grâce ? [Lc 1, 30] 

Parce qu’elle est particulièrement digne de trouver ce qu'elle cherche, elle à qui ne suffit pas sa propre plénitude et ne peut se contenter de son propre bien, mais qui, selon l'Ecriture : 

"Qui me boit aura soif encore" (Si 24,29) demande un débordement de grâce pour le salut de tous. [...] 

St Bernard († 1153)

Extrait du sermon sur la Nativité de Marie « De aquaeductu » (sermon de l'aqueduc) § 3-  Traduction par Jacques Brault,

UN ESPACE SINGULIER

Creuset mystique et mystérieux, le site de Lourdes en France réunit, dans un contexte naturel peu amène, à la limite austère, tout ce qu’une certaine humanité, assoiffée d’espérance et d’absolu,  est pourtant, et paradoxalement, venue quérir en ce lieu qui n’a rien de paradisiaque.  Et pourtant.

Car le miracle, en cet espace pour le moins singulier sinon inhospitalier, ne réside pas forcément dans les quelques rares guérisons reconnues après de sérieuses vérifications. 

Ceux qui viennent ici le savent bien, même si leurs intentions réitérées attestent du contraire. La volonté divine, sinon les voies du Seigneur sont impénétrables.  Dont acte

A Lourdes, les chapelles de prières : du souffle de l'Esprit Saint en passant par l'eau et la lumière, c’est un bien autre symbole.

Lourdes en particulier comme tant d’autres lieux de cultes c’est avant tout le partage sur fond de sourires et de mains tendues. 

Un temps fort de réflexion en osmose spirituelle avec Celle qui, depuis plus de cent soixante années, est ici vénérée après être apparue, 18 fois  consécutives, à une pauvre et chétive jeune bergère de la campagne des Hautes Pyrénées – en France - prénommée Bernadette. Dix-huit, un chiffre mythique associé au rite de l’eau. 

Elle me dit « d’aller boire à la source » racontera Bernadette. Un acte réel, aujourd’hui encore et réitéré tel un signe. 

Ah, le signe !

DISPONIBILITÉ

Mais le miracle au pluriel cette fois : ce sont aussi ces personnes de tous âges, de toutes conditions, animées de ce même besoin insoupçonné et insoupçonnable d’aller vers l’autre. Vers les autres. 

Une disponibilité sans réserve ni mesure. 

Même si la culture religieuse constitue le socle de cet abandon de soi au bénéfice d’autrui et des plus malheureux dans leur chair comme dans leur esprit et leur coeur. Une sorte de mystérieux contrat nourri d’une non moins mystérieuse et insoupçonnable spiritualité, s’impose.

Comme l’écrit Saint Augustin dans ses Confessions :

« Courez, je vous soutiendrai, je vous conduirai au terme, et je vous porterai là-bas. »

Car le miracle de Lourdes : c’est aussi l’attitude de ceux et celles - j’en ai connu – dont la croyance en Dieu comme en Christ et plus encore en la mère de celui-ci, ne motive pas systématiquement le don de soi. L’intention suivie du geste n’en étant que plus remarquable. 

Ce qui ne retire en rien à la disponibilité de celles et ceux pour lesquels la foi est aussi nécessaire que suffisante pour agir en conséquence et avec la même et ferme volonté de servir.

La solennité de l ‘Assomption ou Dormition (pour respecter comme nous l’écrivions précédemment la tradition orientale) est  ainsi traditionnellement fêtée, chaque 15 août, pour rappeler aux croyants que Marie a été enlevée à la vie terrestre pour entrer dans la vie en Dieu. Pas évident pour nos petits cerveaux. Et pourtant.

Dans un contexte inhabituel : une planète en surchauffe inhabituelle, un climat de guerres sournoises mais en certains lieux bien réelles, une vision tout aussi sournoisement apocalyptique. Un temps fort de questionnement existentiel. 

Et cette sempiternelle interrogation : où allons-nous  ?

Pour plagier la formule :  tout est important et ce n’est plus demain mais aujourd’hui qui est un autre jour.

Plus que jamais, au-delà de la compréhension différente du Mystère, Marie, la Vierge Marie pour les chrétiens de toutes sensibilités, en dehors peut-être des protestants qui l’honorent mais qui ne la vénèrent pas, apparaît en ce jour comme l’élément clé dans l’approche sinon l’espérance de l’énergie divine. 

Aux yeux de ceux et celles qui en ces temps compliqués font des prouesses financières pour boucler leur budget, et vivre sinon survivre, la preuve en est -  cette année encore sur le site du Sanctuaire de Lourdes et devant la grotte des Apparitions, dite de Massabielle - avec ces pèlerins, venus des coins les plus reculés de la planète, vivre une rencontre mariale essentielle. Sinon vitale. Plus de 20.000 pèlerins cette année ont assisté à l’office solennel. Il faut y ajouter la foule des autres pèlerins – dont les Assomptionnistes -

Une journée de recueillement et de réflexion également engagé, au matin du 15 août dans le décor autrement feutré du sanctuaire de Bétharram, chef-d’œuvre classé du 17ème siècle et caractéristique de l’art baroque, en Béarn, dans le Sud-Ouest de la France. 

Situé à seulement 15 kms de Lourdes, cet autre haut-lieu de pèlerinage chrétien, antérieur à celui de Lourdes pour ce qui relève de la vénération mariale, s’est révélé, il y a plus de cinq siècles, lorsque la Vierge, dans des conditions autrement particulières est apparue,  au-dessus des eaux du Gave, le fleuve parfois impétueux qui traverse également la cité de Lourdes. Et cela, alors qu’une jeune fille était sur le point de se noyer, la Vierge lui aurait tendu un rameau pour échapper au pire.

Aujourd’hui, pour respecter la sémantique du pays, en béarnais, beth arram signifie « beau rameau ». Étant entendu que le béarnais, endonyme ou mot indigène utilisé dans la langue du lieu, encore nommé bearnés ou biarnés, désigne l'ensemble des parlers occitano-romans du Béarn. A savoir aussi que la linguistique ne distinguant pas le béarnais du gascon, ces parlers forment un ensemble homogène au sein du triangle Pyrénées-Atlantique-Garonne

Au 16ème siècle, l’abbé Hubert Charpentier ouvrit ici un hospice pour les pèlerins et les ecclésiastiques et fit agrandir la chapelle existante et créa un monastère afin de donner naissance au sanctuaire dont le site est désormais enrichi par un exceptionnel chemin de croix, en partie superbement restauré et mis en valeur la nuit tombée. 

Durant cette même période plus de 80 guérisons ont été enregistrées. 

COMPLEMENTARITÉ

L'intérieur du sanctuaire marial de Lestelle-Bétharam caractéristique avec, au-dessus du maître-autel, la sculpture d'une vierge à l'enfant, oeuvre d'Alexandre Renoir entourée des statues de Sainte Anne, de sainte Elisabeth et de saint Zacharie. D'imposantes toiles, de part et d'autre de la nef centrale, représentent des scènes bibliques et particulièrement  l'enfance du Christ. Mais également des statues en bois polychrome  et notamment une vierge à l'enfant du XIIIème siècle.

Enfin et pour respecter la rigueur historique et au demeurant religieuse, il serait injuste de ne pas citer celui qui a en quelque sorte sanctuarisé ce lieu aujourd’hui consacré à Saint Michel Garicoïts.

Chronologiquement, en octobre 1825, l’Evêque de Bayonne nomma Michel Garicoits à Bétharram lequel se devra de rendre régulièrement visite à ses anciennes paroissiennes, émanations physiques de l’ordre de sainte Jeanne-Elisabeth Bichier des Ages, à seulement 5 km de là, à Igon : 

 « Mes soeurs, ont été plus fines que moi, leur confesseur et sont entrées délibérément dans votre congrégation ! » confessera-t-il plus tard à sa première interlocutrice, Jeanne-Elisabeth. 

L'intérieur du sanctuaire marial de Lestelle-Bétharram caractéristique avec, au-dessus du maître-autel, la sculpture d'une vierge à l'enfant, oeuvre d'Alexandre Renoir entourée des statues de Sainte Anne, de sainte Elisabeth et de saint Zacharie. D'imposantes toiles, de part et d'autre de la nef centrale, représentent des scènes bibliques et particulièrement  l'enfance du Christ. Mais également des statues en bois polychrome  et notamment une vierge à l'enfant du XIIIème siècle que personnellement à l’issue de chaque visite je ne manque jamais d’aller saluer.

Enfin, dans le couvent de Igon – aujourd’hui, œuvre impressionnante des Filles de la Croix est en partie transformée en Ehpad le reste étant toujours réservé à l’enseignement.

Mais revenons aux origines. L’aumônier découvre en effet un autre visage de la vie religieuse et, peu à peu, ressent le besoin de créer une congrégation d’hommes semblable à celle des Filles de la Croix. 

Celles-ci, emmenées par leur fondatrice, soeur Jeanne-Elisabeth, l’encouragent dans cette voie.

C’est ainsi qu’en 1835, naîtra, à Bétharram, la Société des Prêtres du Sacré-Coeur de Jésus. 

Les premiers compagnons de leur saint fondateur, Michel Garicoïts, s’employant à prêcher dans les paroisses. Premier acte. 

Deux ans plus tard, le Père Michel Garicoïts, ayant beaucoup appris de la communauté de Igon, décide de créer à son tour une école. Il est notamment encouragé dans ce projet par la fondatrice des Filles de la Croix qui recommande à ses soeurs de trouver des garçons pour l’école de Bétharram.

La belle aventure d’Igon et de Bétharram, des Filles de la Croix et des Religieux du Sacré-Coeur de Jésus, prend forme. Et connaîtra vite des lendemains qui chantent. Une efficace complémentarité.

Aujourd’hui, le message perdure. Selon les circonstances et les impératifs. Les temps sont autres, certes,  mais le message est toujours et plus encore d’actualité.

En 1847, Michel Garicoïts à une question d’une éducatrice des Filles de la Croix répondait :

« Vous me demandez un mot sur la manière de se faire craindre et aimer; disons plutôt sur la manière de se faire aimer et respecter. Oui. ma chère Soeur : affection respectueuse, amour respectueux : que ne dit pas ce mot ? L’amour respectueux dont je vous parle, tenant le milieu entre le faux et souvent criminel amour mondain, et l’hérétique et cruelle charité des jansénistes, infiniment éloigne de l’un et de l’autre, est un sentiment précieux aux yeux de la foi et de la raison. »

Aujourd’hui, une prise de conscience spirituelle s’impose.

Et cela, avant de rallier le site du sanctuaire de Lourdes pour y conclure ce temps de réflexion et de prière sur le thème de la paix et de l’amour dans le monde. Ce thème fondamental que pourrait encore nous inspirer le pape François dans le sillage spirituel de Saint-Augustin que je cite à nouveau et à dessein estimant :

«  La mesure de l’amour, c’est d’aimer sans mesure. »  

 

 Bernard VADON 

Rédigé par Bernard Vadon

Publié dans #J - 2 - B ( Journal )

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