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Publié le 6 Mars 2024

 

« Quand passent les chevaux du désert »

Par Bernard Vadon

(http://bernardvadon-journaliste.over-blog.com)

 

EXTRAITS du livre de Bernard Vadon dernièrement publié aux Éditions Patrice du Puy – « Mémo-Doc ».

« Les choses capitales qui ont été dites à l’humanité ont toujours été des choses simples. (..) « La fin de l’espoir est le commencement de la mort »(..) « Prenez invariablement la position la plus élevée. C’est généralement la moins encombrée » (…) « La France ne peut être la France sans la grandeur. »  Charles de Gaulle.

 

EXTRAITS

 

                                                         L’OMBRE DE L’ABSOLU

 

L’histoire pourrait n’être qu’anecdotique si des éléments singuliers n’étaient venus, par touches successives, étayer une aventure dans laquelle le cœur ne constituait pas l’élément moteur d’un attachement sinon d’une affection incontrôlée mais forte. L’émir n’a pas oublié, après l’enfer de Toulon, son voyage vers le château de Pau avant celui d’Amboise. Une existence de captif ponctuée de rencontres enrichissantes. Dans un ultime effort de reconquête de sa conscience l’émir retrouve ce nouveau chemin de vie.

Les voyageurs mettent pied à terre face à un panorama impressionnant et somptueux. A couper le souffle. Des lieux diversement apaisants au cœur de ce piémont accueillant dominé par les cimes inspiratrices des Pyrénées. Dans les vallées, chaque clocher de village invite, en écriture musicale de plain-chant, à la méditation. De quoi émouvoir l’émir qui n’a pas oublié les conditions d’inconfort lors de son passge dans l’inexpugnable et inhospitalière forteresse de Toulon. 

Aussi, la longue et belle route menant en Béarn suscite t-elle chez l’émir une réelle admiration et cette réflexion à savoir ce que pouvaient bien chercher les français en Algérie alors qu’ils habitaient un aussi beau pays !

Au château Henri IV à Pau, il réside avec sa suite avant son transfert au château d’Amboise. Et cela non sans avoir auparavant confié ses regrets de quitter une ville où les habitants avaient été si réceptifs à son humanisme.  L’émir mesure les effets de la conquête algérienne sous Napoléon III avec la guerre et par voie de conséquence, une forme afférente de cruauté émotionnelle. En revanche, le procès intenté à l’émir, honteusement trompé par la France, faisait plutôt figure de désespérant combat d’arrière-garde où s’offusquaient curieusement certains quant à la légitime reconnaissance faite à un homme d’exception.

Ses détracteurs oubliant, peut-être à dessein, combien l’intervention de l’émir et de ses tribus, lors des terribles troubles confessionnels du Mont Liban étendus à Damas – en particulier – contribua à sauver des milliers de chrétiens. Un acte de bravoure et d’humanité qui lui valut alors d’être reconnu comme « le plus chrétien des sultans » animé du souci d’œuvrer, durant toute son existence, pour le rapprochement de tout ce qui touchait au cultuel les religions, chrétienne et islamique, étant tout spécialement concernées.

Fort opportunément et comme l’affirmait le roi Henri IV, qui fut l’hôte éminent de ces lieux, la clémence de Dieu est éternelle. Ce qui importe, c’est le respect réciproque tout en prenant conscience du chemin à faire tant d’un côté que de l’autre sans pour autant croire, au nom de la modestie, en la certitude de parvenir un jour à la véritable paix.

Pour Henri IV, le meilleur moyen de se défaire d’un ennemi, c’est de s’en faire un ami.

Néanmoins, certains enragés en appellent encore au vieux démon de la vengeance. Notamment contre Abd el Kader dont l’appartenance au soufisme a toujours constitué un rempart spirituel au coeur d’un Islam parfois un peu trop radical dont par sensibilité personnelle et intellectuelle il tentait de s’affranchir. Du mystique persan Djalâl ad-Dîn Rûmi au penseur Ibn Arabi, la preuve, selon l’émir, est faite que la spiritualité est à coup sûr une réponse à la haine au cœur d’un univers, ombre de l’Absolu et face à l’homme, un miroir qui une fois poli réfléchit Dieu.

Coup de griffe au passage au djihadisme - cette détestable déviance en non-conformité avec les normes sociales - qui va perturber la planète au fil des siècles :

« Il est le fils monstrueux de l’ultra-libéralisme et le soufisme un rempart à l’islam radical » affirmera deux siècles plus tard Faouizi Skali qui n’hésite pas, dans ses ouvrages, à associer Jésus à la tradition Soufi.

Ainsi, les événements paraissent avoir un peu changé les données du problème et certains exégètes radicaux n’ont plus le dernier mot.

En ce mois de juin étincelant de lumière, le spectacle d’une nature luxuriante qui s’offre au regard de l’émir et de ses compagnons est exceptionnel et révélateur de paysages hors du commun. Une vision proprement paradisiaque. Les dégradés de vert des pâturages, en appellent aux nuances naturelles en suivant la courbe solaire et soulignent de profonds canyons traversés, de façon asymétrique, par des ruisseaux bouillonnants enfantés de la montagne dévalant en contre bas et contrastant avec l’azur céleste. Des vaches mais aussi des chevaux en liberté, les fameux pottocks immortalisés sur les gravures rupestres pyrénéennes des grottes d’Isturitz et d’Oxocelhaya, hôtes séculaires des massifs de la Rhune, du Baïgara et de l’Ursula, témoignent du berceau de cette race rescapée du temps et provoquent l’enthousiasme de l’émir et de ses compagnons d’infortune.

Ils s’immobilisent, séduits par ce spectacle d’une infinie et rare beauté. Des secondes, des minutes et peut-être des heures. Silencieux, avant de rejoindre la vallée par une route escarpée ponctuée de charmants villages. Et toujours et encore, des champs à perte de vue, offerts au soleil. Dans une brume évanescente et circonstancielle de poussière soulevée par le pas des attelages, il y a comme du Flaubert sur ce chemin qui n’en finit pas et semble mener nulle part :

« Les bonheurs futurs, comme les rivages des tropiques, projettent sur l’immensité qui les précède leurs mollesses natales, une brise parfumée, et l’on s’assoupit dans cet environnement, sans même s’inquiéter de l’horizon que l’on n’aperçoit pas.                                                      

 

                                              CONNAIS-TOI TOI MÊME

Huit novembre 1848.

Afin de l’empêcher de s’évader et qu’il ne soit pas tenté de franchir la frontière entre la France et l’Espagne toute proche de Pau, l’émir sera transféré, ainsi que sa suite, au château d’Amboise. Un nouveau cycle de rencontres, d’étude et de méditation s’engage.

Il sera libéré quatre ans plus tard et officiellement reçu à Paris, avec tous les honneurs rendus à son rang après sa réhabilitation par Louis-Napoléon, le futur Napoléon III qui avait imaginé un royaume arabe dont Abd el Kader serait le vice-roi.

A l’occasion d’un déplacement à Bordeaux Napoléon III fait une halte au château d’Amboise afin d’en faire personnellement l’annonce à l’émir qu’il informe longuement de sa décision et surtout de la fin de sa captivité.

Abd el Kader remercie son hôte mais décline l’offre de vice-roi. Un peu plus d’un mois plus tard, le 11 décembre 1852, la petite communauté algérienne, rassemblée autour de l’émir, quitte définitivement Amboise pour Marseille où elle embarque à destination de Constantinople.

Abd el Kader ne reviendra en France que le 8 septembre 1855 avant de s’installer définitivement à Damas trois mois plus tard et au mois de juin 1856 de marquer sa déférence à l’empereur sous la forme du plus somptueux cadeau qu’un arabe puisse faire et que le général Daumas aura pour mission de réceptionner, en l’occurrence quelques échantillons de chevaux arabes de race pure du désert : un alezan, un bai et un bai clair, chacun orné de têtières sur lesquelles étaient brodés des vers vantant les qualités de ces chevaux de légende.

Ce qui donne encore plus d’importance au texte des Chevaux du Sahara écrit par Eugène Daumas que les hippologues et amateurs équestres considèrent comme une référence importante sinon incontournable.

A Damas, en manière d’hommage hautement spirituel, l’émir publiera, en première édition, « Les Illuminations de La Mecque » une œuvre clé de son maître Ibn Arabi, grand mystique et théologien soufi à la pensée complexe mais fascinante auquel, en rêve, le Prophète Muhammad aurait remis la « pierre de la sagesse » symbolisant la vérité atteinte par la Révélation.

L’émir, comme à son habitude, consacre l’essentiel de son temps à la méditation, à la lecture et à un enseignement spirituel quotidien.

L’écrivain et historien anglais, Churchill, qui lui rend souvent visite, raconte le déroulement d’une journée dans un livre paru en 1867 :

  • Il se lève deux heures avant l’aube et s'adonne à la prière, à la méditation religieuse jusqu'au lever du soleil. Il se rend alors à la mosquée. Après avoir passé une demi-heure en dévotions publiques, il rentre chez lui, prend une rapide collation, puis travaille dans sa bibliothèque jusqu'à midi. L’appel du muezzin le ramène une nouvelle fois à la mosquée, où sa classe est déjà rassemblée, attendant son arrivée. Il prend un siège, ouvre le livre choisi comme base de discussion, et lit à haute voix constamment interrompu par des demandes d'explications qu'il donne en ouvrant les trésors multiples d'études laborieuses, d'investigations et de recherches qu'il a accumulées tout au long de son existence agitée. La séance dure trois heures après quoi, il se retire pour se reposer.»

Extraits de l’ouvrage de Bernard Vadon – Éditions Patrice du Puy – « Mémo-Doc »

Au-delà de toutes tentations populistes ou républicaines et alors que s’installent l’intolérance, la haine, la bêtise et l’aveuglement. En un temps où se ferment les frontières, en un temps d’épurations ethniques, il est peut-être encore possible de jeter un pont de compréhension et de fraternité entre l’Orient et l’Occident.  Abd El Kader est aujourd’hui encore au cœur de ce pari humaniste toujours d’actualité.

A ce titre, et comme l’exprime Guy Laporte :

« L’une des façons de favoriser l’indispensable dialogue des cultures est de remettre à l’honneur les échanges qu’ont engagé, longtemps avant nous, des hommes de bonne volonté. »

En d’autres termes et à près de 200 ans d’espace-temps, l’altérité en question.

L’ouvrage s’enrichit, en appendices, d’une passionnante exégèse de Cheihk Muhammad Vâlsan. Et de l’une des dernières lettres de l’Emir Abd El Kader et du général E.M. Daumas sur le thème du cheval arabe. Illustrations originales de Philippe-Ugo Jayat.

Outre sa présence dans toutes les bonnes librairies, le livre (illustré par l'artiste peintre Philippe-Ugo Jayat) est disponible à partir des bases de commandes des libraires ainsi que sur les réseaux Amazone, FNAC et parmio les nouveautés émanant du dépôt légal de la B.N.F (Bibliothèque Nationale de France) EDITIONS « MEMODOC » - MÉMOIRE ET DOCUMENTS-PATRICE DU PUY.

            e-mail : memodocs@yahoo.fr Site : www.memodoc.fr     

 Achevé d’Imprimer sur les Presses de l’Imprimerie Corlet (Dépôt légal : Octobre  2023)
                                     ISBN : 979-10-90361-91-1 

L'ouvrage "Quand passent les chevaux du désert »  315 pages - 49 EUROS - est également disponible en commande directe via le site : http://www.memodoc.fr/rechercheLibrairie.php?categorie=&titre=&auteur=vadon&itemPerPage=20&curPage=1

Il est par ailleurs intégré dans le catalogue officiel "Mémoire et documents » diffusé par l’éditeur Ghislain Crassard.

 

Rédigé par Bernard Vadon

Publié dans #J - 2 - B ( Journal )

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