L’AIDE ACTIVE A MOURIR OU L’ART DE BANALISER SINON DE TRAVESTIR L’UN DES ACTES LES PLUS INTENSES DE LA VIE AVEC LA NAISSANCE.

Publié le 26 Mars 2024

L’aide médicale à mourir - un oxymore ou une loi en gestation au secours de la fin de vie – une loi sémantiquement et stupidement élaborée. Flash-back de quelques décennies.

Face à l'œuvre volumineuse de François Mauriac, de Graham Green voire de Georges Bernanos, celle de Daniel-Rops se placerait de préférence, en tout cas par sa brièveté, à un niveau assez comparable à celui de Joseph Malègue, surnommé « le Proust catholique », auteur de deux importants romans : « Augustin ou le maître est là », « Pierres noires », « Sous la meule de Dieu » et autres contes. Un auteur mis en lumière par le pape François lorsqu’alors fraîchement élu il appela à l’oeuvre, au mois de mars 2013 et depuis le balcon de ses appartements au Vatican, ceux qu’il nommait « les baptisés à la sainteté » en évoquant notamment et d’une manière de « mort apprivoisée » Joseph Malègue à l’origine, selon le Saint Père, de l’expression « classes moyennes de la sainteté ». Une référence qui ne manqua pas d’être professionnellement salutaire à l’écrivain.

On pourrait d’ailleurs compléter cette présentation au travers du succès mondial qu’obtinrent les livres d'Histoire religieuse de Daniel Rops faisant du même coup oublier le talentueux romancier. De fait, compte tenu de l'ampleur de son œuvre d'essayiste et plus encore d'historien, ses romans occupèrent une place relativement modeste. Un peu, à l’exemple du théâtre d’André Gide ou de la poésie de François Mauriac dont les créations dramatiques et poétiques, mais aussi philosophiques, furent oubliées.

Daniel-Rops : "Mort où est ta victoire ? " bonne question !

Ainsi, l'œuvre romanesque de Daniel-Rops, réduite dans son développement, le furent également dans le temps puisqu’elle ne couvre qu’une quinzaine d’années environ, précisément à partir de 1927 :

« L'historien a sans doute fait trop vite oublier le romancier. Mais on redécouvrira ce dernier non sans surprise. En effet, son livre « L'Epée de feu » eut amplement suffit à la notoriété d'un autre écrivain. » estime le linguiste Jean Calvet.

RECONNAISSANCE SÛPRÈME

C'est en tout cas concrètement et brièvement moins de vingt ans de la vie d'une femme que nous livre « Mort où est ta victoire ? » sinon le drame d'une conscience chrétienne. Car le vrai sujet du livre, c'est bien la triste et belle mais au fond  humaine aventure d'une âme d'abord vivifiée par la foi, qui se dégrade au contact de l'existence et que l'amour et l'espérance abandonnent, pour finalement accepter de pactiser avec le Mal. Mais qui, lorsque tout semble perdu, retrouve la grâce, la sérénité et le repos dans la quiétude paradisiaque du Carmel.

Un portrait de femme qui apprend la vie. Tout simplement. On la suit de la fin du XIXème à la guerre de 14-18, de l’adolescence à l’âge mûr. Objectif, le bonheur et la recherche de l’affirmation de soi. Un combat contre une société où les apparences et les conventions sociales broient les aspirations profondes des individus. Une époque où la frustration prévaut.

On est loin des angoisses primaires de la mort.

Pierre Dournes qui tient ce livre comme le chef- d'œuvre de Daniel-Rops, écrit à son propos :

« C'est à « Ulysse » de Joyce que fait d'abord songer cette histoire de plus de cinq cents pages qui se joue en moins de vingt-quatre heures ! »

Ce n'est que dans les années soixante qu’un regain d'intérêt se manifesta pour l'œuvre romanesque de Daniel-Rops. Mais il aura surtout fallu le film inspiré de « Mort, où est ta victoire ? » réalisé par Hervé Bromberger, en 1963, pour que le grand public, singulièrement,  s’approprie ce livre et contribue à sa réédition :

« La vraie vie est absente. Nous ne sommes pas au monde. » écrivait Arthur Rimbaud.

Ainsi en est-il selon l’auteur fantasque du « Bateau ivre » du « Dormeur du val » et de « Voyelles » entre autres œuvres.

MONDE SANS ÂME

Finalement, cet univers du non-être et de la non-existence, est présenté sous ses aspects les plus sinistres et les plus tragiques. Pourtant, si Daniel-Rops, écrivain du vingtième siècle, n'a pas été épargné par cette vague de pessimisme ou de réalisme sans illusions que représentait un courant fort de la littérature française contemporaine en général et de l'existentialisme en particulier, c’est bien en moraliste chrétien, que l’auteur analyse et éclaire les actions de ses héros et les situations dans lesquelles ils se débattent.

Pour autant l’ auteur du « Monde sans âme » montre, ô combien, que l'homme, s'il sait écouter « la Voix » qui l'appelle, peut atteindre la vraie vie, surmonter le néant et devenir une personne dans le sens que lui donne justement la philosophie personnaliste. Autrement dit et pour reprendre l'expression de Gabriel Marcel - le maître français de l'existentialisme chrétien lui préférant la qualification de  "socratisme chrétien" en quelque sorte et pour encore le citer, "Être présent à soi et au monde".

Il n’empêche que la mort, pour revenir à notre propos, est bien un mystère. Pire, elle est désormais un problème. Dans les hôpitaux en particulier.

Et cela, à la lumière de l'interprétation qu'en donne pour sa part Gabriel Marcel au fil d’une œuvre philosophique fondée sur la méditation de l'expérience humaine dans des formes aussi personnelles et que l’on retrouve aussi dans son Journal métaphysique quotidien avant que sa conversion au catholicisme romain, en 1929, n’ait marqué un tournant définitif et puissant dans son œuvre.

En effet, selon Gabriel Marcel, la distinction entre mystère et problème posé par la mort, nous indique jusqu’aux gestes à poser (ou à ne pas poser) afin que se crée le climat nécessaire permettant de respecter les voeux les plus intimes du mourant.

Il est, en ce cas, des questions dont les réponses se trouvent dans un climat et non pas dans des motifs qui satisfont autant la raison que le droit. Il n’empêche cependant que les questions ultimes entourant la mort restent incontournables :

"Le problème : c’est quelque chose qu'on rencontre, qui barre la route et qui est tout entier devant moi. Au contraire, le mystère est quelque chose où je me trouve engagé. Le problème est du côté de l'avoir, du vérifiable, le mystère est du côté de l'être, de l'invérifiable. Comment éviter la transformation du mystère en problème? Comment éviter, par exemple, le passage, qui semble fatal, du mystère de l'amour aux problèmes sexuels?

On aura compris l’importance du lien entre ce problème de la mort et la science. En effet, là où se manifeste la science, s'accroît le risque qu'un mystère ne soit réduit à l'état de problème.
Ainsi, la mort sera de fait un problème. Et  la question éthique fondamentale, dans le débat qui nous intéresse, ce n'est pas, à proprement parler, l'euthanasie, ou ce qui, de toute évidence, y ressemblera, mais bien l’actuel débat opposant les tenants de la vie jusqu’à son terme naturel dont, en particulier, la Conférence des évêques de France lesquels demandent à ce que la société aide à vivre et ceux qui souhaitent le droit de disposer librement de leur destin.

Si pour l’autorité politique et ceux qui l’approuvent il s’agit d’une « loi de fraternité » pour les responsables religieux, en revanche, c’est une tromperie.
En témoigne Mgr Matthieu Rougé, évêque de Nanterre :
« On ne peut pas parler de fraternité quand on répond à la souffrance par la mort ».
Mgr Eric de Moulins-Beaufort – archevêque de Reims et président de la Conférence des évêques - considérant de son côté qu’Emmanuel Macron ouvre par ce texte la porte au suicide assisté et à l’euthanasie. Et à ce titre de dénoncer  « de vagues promesses » en ce qui concerne les soins palliatifs :
 « Ce qui est annoncé ne conduit pas notre pays vers plus de vie, mais vers la mort comme solution à la vie ».
RÉFLEXION « TRANSPARTISANE »

En ce temps de conjugaison spirituelle chez les chrétiens et les musulmans – Carême et Ramadan El Siam– le jeûne, également respecté lors du Yom Kippour chez les juifs, fait partie intégrante de la révélation monothéiste, et cela en parfait accord sur le statut de la vie, de la mort … et du suicide. A quelques variantes mineures près.

Autant en emporte le vent ...

C’est en tout cas non sans consternation, et autant de colère et de  tristesse, que les soignants réunis au sein du collectif sur la fin de vie ont pris connaissance de l’interview du chef de l’État annonçant un système bien éloigné des besoins des patients et des réalités quotidiennes des soignants, avec, en perspective, de graves conséquences sur la relation du soin.

Les organisations professionnelles et sociétés savantes dénoncent à ce propos  « un aveuglement sur les conditions de l’élaboration du texte dans lequel le président fait l’éloge d’un « cheminement démocratique » et d’une « réflexion trans-partisane » alors même que le gouvernement a fait le choix de la brutalité en ignorant – un comble -  la parole des soignants, qui n’ont pas été consultés depuis septembre dernier.

Sans oublier un calendrier jugé indécent par les parties concernées car Emmanuel Macron fait dans cet interview référence à ce qui est écrit dans le projet de loi, en l’occurrence la transmission d’un texte au Conseil d’État « d’ici huit à dix jours » et un examen en mai. Or, ceux qui devront appliquer cette loi n’ont jamais été associés à sa rédaction et n’ont pas été consultés sur un texte à l’évidence déjà rédigé.

Aussi, dénoncent-ils un mépris total du travail des soignants lorsque ce même président fait part « d’une vraie révolution d’humanité et de fraternité en action », et prend comme exemple de l’obligation d’aller à l’étranger, des patients atteints de cancer en phase terminale, sans reconnaître l’engagement quotidien, auprès de ceux qui vont mourir, des professionnels de santé, en établissement de santé, en EHPAD ou à domicile. Ce faisant, il emploie également un procédé rhétorique visant à minimiser la capacité à accompagner la fin de vie dans la dignité qui justifierait le bien-fondé de l’aide à mourir, pour mieux masquer l’insuffisance de moyens en soins palliatifs.

Il s’ajoute à ces doléances le dispositif décrit, comme un modèle ultra-permissif qui emprunte à toutes les dérives constatées à travers le monde et en particulier le fait qu’aucun pays n’envisage l’administration da la substance létale par un proche.

D’après le Président, précisent les signataires, on n’« oppose plus » la mort provoquée aux soignants en soins palliatifs, alors même que ceux-ci répètent avec constance que leur mission n’est pas de donner la mort mais d’accompagner la personne.

J’ajouterai, en toute humilité, sans limite de temps.

Comme l'a confié une responsable de soins palliatifs :

 "N'est-il déjà pas souhaitable d'ajouter de la vie aux jours à défaut d'ajouter des jours à la vie ?"

Quant aux annonces dérisoires sur l’accompagnement de la fin de vie, elles sont tout aussi fantaisistes lorsque Emmanuel Macron annonce une augmentation du budget annuel des soins palliatifs de 6%, alors même que 50% des patients n’ont pas accès à un accompagnement adapté, soit 500 personnes par jour, en clair  une personne sur deux.

Il s’ajoute encore à ce tableau hallucinant de légèreté, une méconnaissance de l’ambivalence du désir de mort :  ainsi deux jours » seraient prévus pour « tester la solidité de la détermination », la réponse devant intervenir dans un « délai de quinze jours maximum ».

Question : qui pourra être en mesure d’estimer le « discernement plein et entier » requis pour accéder à la mort provoquée ?

Ne parlons pas du manque de considération pour les personnes vulnérables et âgées, qui seraient les premières concernées par ce dispositif, et alors que la loi Grand âge est abandonnée. Consternant !

L’impact de la mort provoquée sur les proches et sur la société est éludé tout comme le sentiment de culpabilité d’un proche ou d’un soignant qui aurait provoqué cette mort.

Enfin, le président retient le terme d’« aide à mourir », en n’assumant pas que les options retenues relèvant de l’euthanasie et du suicide assisté. Non, vous ne rêvez pas !

Mourir dans la dignité est une demande bien légitime, mais c’est précisément la mission des soins palliatifs notoirement sous-dotés, insuffisamment connus et trop peu disponibles en France tout comme supprimer les malades pour supprimer le problème à moindre coût, voilà ce qu’en somme propose cette annonce. N’y a-t-il pas de quoi se poser de questions, non pas sur la faisabilité, mais sur la justesse de la réflexion.

Vladimir Jankélévitch : "Le sens de la musique est la posivité d'une expression par-delà la mort."

Dans son ouvrage « Le paradoxe de la morale » Vladimir Jankélévitch n’y va pas de main morte, tout en y mettant les formes sinon quelques parenthèses, pour asseoir sa philosophie du « je-ne-sais-quoi. » et quant à sa façon de « voir le monde

 « On nous assure de toutes parts que la philosophie morale est actuellement en honneur. Une morale honorée par l'opinion publique étant à priori sujette à caution, nous devons accueillir avec quelque méfiance ces propos réconfortants. »

En tout état de cause une affaire à suivre ne serait-ce qu’en regard de la décision du collectif soignant soucieux de déterminer les modalités de mobilisation face à ce projet qui va à l’encontre des valeurs du soin et du non-abandon qui fondent notre modèle français d’accompagnement sur la fin de vie. N’est-ce pas le plus important et le sujet sur lequel devraient converger les efforts non seulement d’ordre moral mais surtout financier ?

Le droit de se substituer au mystère de la mort et par voie de conséquence le transformer inconsciemment en une manière de radicalisation assumée, n’éludera pas pour autant le problème de fond à savoir, vivre ou mourir. Et surtout de quelle façon.

Aussi, tant qu'on se cantonnera dans la sphère du mystère, même un geste vu de l'extérieur, apparaîtra comme une forme d'euthanasie active et pourrait alors être moralement justifié. Affaire de conscience.

Alors, on pourrait considérer qu'un être a accompli son destin et avoir alors la certitude qu'on ne le privera de rien en prenant le risque de hâter sa fin pour soulager davantage sa souffrance. L'essentiel en effet n'étant pas la durée en tant que succession de minutes mais la durée en tant que lieu d'accomplissement en clair, le fait d’accomplir ou de s’accomplir.

FIN DE VIE : PROBLÉME OU MYSTÉRE ?

Au bout du compte et au risque d’en ulcérer certains, quand on descend au niveau du véritable problème de la mort en soi, on peut penser que le mal est fait quoiqu'il advienne ensuite.

Le grand malade ne sera plus qu'un cas, une chose. Il se sentira exclu du festin de la vie. Il se considérera comme un fardeau pour son entourage et son plus vif souhait sera  de se soustraire à cette situation.

Si à contrario, il veut vivre c'est parce qu'il espère encore être enchanté, illuminé par la présence irradiante et compatissante de la vie.

On le trompera si l'on se contente de reporter l'échéance par des prouesses techniques. En revanche, s’il souhaite partir, on le trompera encore car si on interprète sa demande littéralement et que l’on se contente, de façon déguisée, d'y répondre par ce qu’il convient bien d’appeler une aide technique au suicide, ce sera le retour à la case zéro.
Faut-il alors établir des lois en partant de l'hypothèse que la mort est plus fréquemment vécue comme un problème plutôt que comme un mystère ?

C’est à nouveau toute la question. En ce cas, il ne serait pas raisonnable de légaliser l'euthanasie active.

Finalement, le flou juridique actuel est pire car il éloigne l'illusion qu'il existe une solution technique sans faille et que la solution se trouve peut-être dans une mort juridiquement correcte. Un flou juridique qui entretient l'incertitude chez les proches et les soignants et les rapproche étrangement du malade lequel ne peut que ressentir cette incertitude suprême. Un flou, enfin, qui favorise – n’en déplaise aux adeptes de la seringue et de la dernière boisson - le retour à ce fameux impalpable et indéfinissable mystère, que l’on nomme de ce vilain mot de mort conceptualisé dans un schéma trop subjectivé.

En revanche, si le climat de mystère est respecté ou recréé, il y a toutes les chances que la volonté authentique du malade soit respectée, car c'est précisément ce climat, et lui seul, qui permet à la volonté de s’exprimer en toute liberté.

Pas évident je dois le reconnaître. Et cela, pour avoir personnellement, dans un contexte familial et au travers de deux douloureuses expériences, vécu cette insupportable séquence de fin de vie loin de cette expression de mort douce conforme à ceux qui l’ont « vécu » sans le savoir d’ailleurs :

« Il est mort dans son sommeil. Quelle belle mort ! »Ah oui, l’aide à mourir, un oxymore, en clair « une douce violence » sinon une échappatoire sémantique politiquement pratique d’une rare connerie.

En fin de compte, l’essentiel n’est-il pas la compassion et la mise en œuvre de tout ce qui peut y contribuer avec pour objectif de ramener la situation de l'état de problème à l'état de mystère ?

Question ultime : pourquoi faudrait-il qu’en terme de mort toutes les situations soient claires alors que la contradiction est la caractéristique fondamentale de la condition humaine ?

Affirmer une signification possible à l’expérience de la souffrance est devenu tout à fait inconvenable au cœur de nos sociétés marquées - comme le dit le professeur émérite Emmanuel Hirsch - par un refus de sens possible à cette dimension de la vie, particulièrement de la fin de vie :

« […] la fin de vie n’est plus perçue que dans ses expressions les plus extrêmes. Comme une “souffrance totale” estimée incompatible avec une certaine idée des droits de la personne.

Il suffit de songer aux législations belges (loi relative à l’euthanasie de 2002) et françaises (Loi Claeys-Leonetti de 2016) visant, en relayant le souhait de bon nombre de nos contemporain,  à une « suppression » de toute souffrance au terme de l’existence. »

DIGNITE HUMAINE

Et cela, au-delà du principe qu’il faut tout mettre en œuvre pour soulager de la souffrance qui, en elle-même, n’a évidemment pas de sens. 

 

Thomas De Koninck : "La dignité ontologique ne peut se perdre."

A l’issue de patientes et passionnantes compilations, mon intérêt s’est focalisé sur le parcours et les réflexions de Thomas De Koninck - philosophe québécois particulièrement reconnu pour ses travaux touchant la dignité humaine, la philosophie grecque, la philosophie de l'éducation et ce qu'il appelle les « questions ultimes » (l'intelligence, la liberté, le bonheur, la beauté, la mort), des travaux dont certains lui ont en particulier valu le Prix La Bruyère de l'Académie française. (je le cite)  - :

« La dignité ontologique ne peut se perdre, puisqu’elle concerne l’être lui-même de chaque être humain, et il en va de même s’agissant de la dignité-décence, puisque cette dernière impose qu’on la respecte jusqu’au bout, sans jamais attenter à la vie. Quant à la dignité-liberté, elle interdit elle aussi la pratique euthanasique ou le suicide, puisqu’ils la suppriment en imposant la « contrainte absolue » de la mort, tout en prétendant respecter la liberté.

Qui plus est, elle met en relief le vrai sens de l’autonomie individuelle, celui de la liberté inaliénable du for intérieur.

Il faut dès lors tout faire pour soulager la douleur afin de préserver, dans la mesure du possible, l’exercice de cette liberté jusqu’au bout. Si, en revanche, le geste de donner la mort s’avère la plus extrême violence faite à un être humain, c’est qu’il supprime prématurément tous ses possibles. Une certaine culture ambiante, la télévision, l’envahissement du « virtuel », ont à ce point banalisé la mort qu’ils contribuent à occulter cette extrême violence. Elle est d’autant mieux masquée lorsque l’administration de la dose mortelle, par exemple, apparaît anodine, pour ne pas dire tendre. C’est en outre imposer une vision fausse de la vie humaine, chaque fois unique, sans prix et ineffable. Il n’est pas d’exception à ce caractère unique. Car on fait alors fi de la vie entière de la victime, comme si la mort d’un humain pouvait se comparer à celle d’un insecte dénué de mémoire, ou à la mise au rancart d’un robot obsolète. C’est commettre la « localisation fallacieuse du concret » brillamment dénoncée par Alfred North Whitehead ( l'un des plus grands métaphysiciens du XX e siècle) le concret étant ici chaque fois, en vérité, toute une vie humaine. La fin de course n’est plus permise, la finale de la symphonie est censurée, la quête de sens est piétinée et réduite à néant. Rien n’est plus contraire à la dignité humaine, au triple sens fort du terme. »

C'est le cœur qui « sent » Dieu, et non la raison, estimait Blaise Pascal.

Michel Montaigne était l’homme du doute et Blaise Pascal, l’homme du croire,  une appréciation plus qu’une différence qui ajoute à notre perplexité en la circonstance.    

En somme, la doctrine du cœur tient chez Blaise Pascal une place comparable à celle qu'occupe la théorie de la connaissance chez Emmanuel Kant et celle de la méthode chez René Descartes. Aussi, que Dieu soit sensible au cœur ne signifierait pas forcément que l'esprit est dupe de la sensibilité justifiant alors une certaine conception des rapports de la raison et du cœur.

A chacun son ressenti sinon une invitation à méditer.

 

Bernard VADON

Rédigé par Bernard Vadon

Publié dans #J - 2 - B ( Journal )

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