AVEC DANY BORREL : PREMIER ESSAI A LA MANIÈRE DES ÉPARS FAÇON RAINER MARIA RILKE  …

Publié le 21 Octobre 2023

 

J’ai infiniment appris de Sophie Chérer, auteure aussi sympathique que timide - du moins à ses prémices littéraires – ayant timidement et confidentiellement commis ses premiers écrits à seulement 13 ans et qui, dévorée par le démon de l’écriture, se contentait alors de modestement publier dans le courrier des lecteurs d’un journal, avant de jeter l’éponge, parvenue à sa majorité quelque peu découragée, et de se lancer dans des études de droit.

Revenue quelques années plus tard, mue par cette grâce infinie et mystérieuse qui l’avait incitée à nourrir sa passion première, elle n’en connut pas moins les mille et un refus de maisons d’édition, obstinément hermétiques à ce talent finalement pas très ordinaire.

JEU DU DESTIN

En ouvrant son modeste – par le nombre de pages – recueil de contes et poèmes – c’est en tout cas la classification littéraire qu’en a fait son auteur, Dany Borrel.  Que n’ai-je, une fois encore et en la découvrant, pensé à Sophie Chérer – qui, un jour et à force de ténacité, a fini par se faire une place dans ce monde feutré mais souvent impitoyable de l’édition où décident, sans états d’âmes, les fameux comités de lecture.

Si toutefois et par le jeu singulier du destin, on n’a pas la chance de tomber sur un de ces locuteurs responsables qui feront de vous un auteur (ou une auteure)  peut-être pas forcément adulé mais en tout cas édité. Et puis, sait-on jamais ...

Car, écrire un roman, c’est patiemment accumuler des pierres et des poutres éparses de réalité. Tâcher de les assembler avec un ciment d’imagination, d’intuitions. Et aérer le tout par des questions qui sont des ouvertures, des portes battantes, des vasistas…

C’est tout au moins la formule de Sophie Chérer. Un résumé imprégné dans sa rigueur apparente d’intense poésie.

Il n’est besoin pour s’en convaincre que de s’aventurer à la première page du recueil publié par Dany Borrel, au titre aux limites d’un sympathique et facétieux racolage intellectuel : « Souvenirs et fantasmes amoureux ».   

Que les amateurs de sensations frivoles sinon libertines ne s’enflamment pas trop vite.

En effet, Danielle Borrel tout en laissant vagabonder le verbe – parfois imprécis, défaut de jeunesse d’autrice -  n’en garde pas moins  le cap des bonnes manières. Pour aller, dans certains passages empreints d’émotion infinie jusqu’à libérer les élans d’un cœur qui, au fond et pour rester dans la mouvance humaine, ne souhaite qu’aimer. Tout simplement dans toute la force et l’intérêt de l’adverbe.

Certes, ce n’est pas Baudelaire et ses croustillants petits poèmes en prose sous titrés « le Spleen de Paris » où l’auteur des fleurs du mal manipule, non sans dextérité poétique, ce qu’alors on plaçait sous le règne du surnaturalisme. Cette croyance affichée d’un monde surnaturel.

 

Petit morceau d’anthologie : 

« Mais comme un vieux paillard d’une vieille maîtresse

je voulais m'enivrer de l’énorme catin

Dont le charme infernal me rajeunit sans cesse. »

Oubliés le satyre Marsyas et le jeune Olympe, mais aussi l’invocation à Priape et le fameux poème de « l’Art d’aimer » d’Ovide, poète favori de l’empereur Auguste. Deux millénaires traversés sans rides par cette œuvre d’éducation sexuelle et de stratégie amoureuse.

Extrait :

« Redoutez, possesseur trop heureux

L’excès fatal du tribut amoureux … »  

Consigné secrètement ( je vous le recommande sous le manteau ) dans le musée royal de Naples.

A L’INTERIEUR DE L’AME

Pour sa part, Danielle Borrel affiche incontestablement des sentiments sinon des désirs autrement réservés mais où les épanchements du cœur ( et pourquoi pas de l’âme)  se fixent autant, et toujours avec une infinie douceur, sur un ami au demeurant homosexuel que sur ce père réceptacle, à terme, d’un amour pas forcément exprimé au bon moment ; ou encore, sur cet autre moment d’infinie tendresse au coin de cette histoire de femme amoureuse d’un homme qui le lui rend bien, une histoire en forme de bis repetita et pourtant …

Au coin de ces instants d’égarements sensuels parfois se glisse un temps de répit, une sorte de prise de conscience, mieux un gémissement  où se conjuguent les espérances et les désespoirs.

 Dans la célèbre cantate 147 « Que ma joie demeure », Jean-Sébastien Bach, restitue, musicalement et de façon admirable et surtout avec une rare émotion, certains états d'âme à l'instar de Jean Giono mais cette fois dans un livre :

« L'homme, on a dit qu'il était fait de cellules et de sang. Mais en réalité il est comme un feuillage. Non pas serré en bloc mais composé d'image éparses comme les feuilles dans les branches des arbres et à travers lesquelles il faut que le vent passe pour que ça chante. »

Un bel hommage à une forme d’amour universel que l’on pourrait compléter par cet extrait de « l’Art Poétique » de Paul Verlaine :

« Que ton vers soit la bonne aventure Éparse au vent crispé du matin Qui va fleurant la menthe et le thym… Et tout le reste est littérature. »

Enfin, s’il reste un secret, comme l’écrit Jean-Marie Le Clézio :

 « C’est à l’intérieur de l’âme qu’il se trouve, dans la longue suite de désirs, de légendes, de masques et de chants qui se mêle au temps et resurgit et court sur la peau des peuples à la manière des épars en été. »

En guise de conclusion c’est à l’auteur des »Élégies de Duino », Rainer Maria Rilke, que mon s’en allé vagabonder … cet auteur poétiquement accompli dont un biographe écrivait :

 « Il est merveilleux de voir ce poète arrivé à la maturité et qui, jeune, n’avait su dire que le soir et l’automne, tout envahi à présent d’images d’aube et de printemps. »

 

Bernard VADON

 

 

ÉDITIONS LA BRUYÈRE – « Souvenirs et fantasmes amoureux » - contes et poèmes. 15 euros.

Notamment distribué sur Amazon et Cultura, notamment.

Rédigé par Bernard Vadon

Publié dans #J - 2 - B ( Journal )

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