Ghislain Crassard – Mémoire et Documents (Mémodoc) et Patrice du Puy-Éditeur - : capter la mémoire du monde.
Publié le 26 Octobre 2023
« Capter la mémoire du monde » constitua longtemps un rêve nourri par Athènes.
Retour sur Histoire :
En 323 av. J.C., à la mort d’Alexandre le Grand, l’Égypte tombe dans l’escarcelle de Ptolémée Ier Sôter projetant de faire d’Alexandrie le centre de l’hellénisme. Là, où se côtoient immigrés et colons grecs, juifs, nubiens, égyptiens.
Non, vous ne rêvez pas. Simplement, c’était un autre siècle.
Suivez mon regard.
Bref, Ptolémée tient et surtout réussit son pari. On dirait aujourd’hui un challenge. Et quel challenge : un complexe culturel ouvert à une infinie communauté de savants évidemment placés sous se protection. On est jamais mieux servi que par soi-même. Au cœur de ce pôle scientifique et intellectuel un authentique « musée » que d’aucuns n’auraient pas seulement imaginé.
Les éminents penseurs de l’époque ne s’y trompèrent pas.
D’Euclide à Archimède.
Selon les historiens « l’appropriation de l’héritage écrit devient un véritable enjeu de la rivalité avec les autres souverains hellènes. »
Dans cette course au savoir les Séleucides, les Antigonides mais également les Attalides que ce soit à Antioche, Sinope et Pella mais aussi Pergame qui avait réussi l’exploit de rassembler 200.000 rouleaux, Alexandrie va rencontrer des rivaux de taille.
Mais, finalement, elle gardera en la matière une place indéboulonnable en regard des intellectuels en recherche des ouvrages les plus rares.
Son fond, comme il est dit dans le vocabulaire éditorial, restera le plus rare, le plus grand et le plus prestigieux.
UN EXPLOIT
Démétrios de Phalère élève d’Aristote convaincra le roi hellène de construite une bibliothèque en mesure de rassembler l’ensemble des textes existants soit la bagatelle de 700.000 rouleaux de papyrus. Un exploit dans le genre qui au-delà du simple stockage sera complété par un gigantesque travail critique et d’édition qui donnera naissance aux premiers catalogues, bibliographies et classements.
Alexandrie est une ville portuaire égyptienne sur la Méditerranée. À l'époque hellénistique, elle accueillait un phare qui fut classé parmi les sept merveilles du monde, et une impressionnante bibliothèque. Aujourd'hui, la bibliothèque d'Alexandrie a été "recréée" dans un bâtiment ultra-moderne, la Bibliotheca Alexandrina. La ville compte également des sites emblématiques de l'époque gréco-romaine, des cafés de l'ancien monde et plusieurs plages. La citadelle de Qaitbay, bâtie en front de mer au XVe siècle, fait désormais office de musée.
Un modèle d’exception dont l’Occident, au travers notamment des sociétés académiques, s’inspirera non sans succès.
Éditeur : le mot est lâché auréolé de tous les espoirs de ces centaines de milliers d’auteurs ou d’écrivains pour rester dans la terminologie autrement littéraire. En somme, le bien dire.
En l’occurrence, le bien nommé, ces auteurs de tous âges en recherche de reconnaissance :
« Le métier d’éditeur, comme celui de chercheur, est passionnant en ce qu’il est fait de projets. » confie l’éditrice Lucie Marignac.
Un auteur à succès, dont je terrai par discrétion le nom mais dont les remarques valent leur pesant d’exemplaires, n’y va pas avec le dos de la cuillère pour stigmatiser le système :
« Jusqu'à présent, j'étais toujours parvenu à me persuader que ces échecs étaient l'antichambre de la réussite. Pour y croire, je m'accrochais à des exemples illustres. Stephen King répétait souvent que trente maisons d'édition avaient refusé Carrie. La moitié des éditeurs londoniens avaient trouvé le premier tome de Harry Potter « beaucoup trop long pour des enfants ». Avant d'être le roman de science-fiction le plus vendu au monde, Dune de Frank Herbert avait essuyé une vingtaine de rejets. Quant à Francis Scott Fitzgerald, il avait, paraît-il, tapissé les murs de son bureau avec les cent vingt-deux lettres de refus envoyées par les magazines à qui il avait proposé ses nouvelles."
Il est vrai que la perfection n’est pas de ce monde et une certaine forme de clairvoyance encore moins.
Néanmoins, pour ces laissés pour compte, le verbe éditer c’est le sésame. Au-delà du rêve.
Comme l’écrit sous un pseudonyme prestigieux – homme ou femme qu’importe le genre – un certain Pline … le Jeune, bien entendu :
« Il ne faut désespérer de rien mais il faut compter sur rien. »
Ancien élève de Quintilien, Pline le Jeune, sénateur et avocat réputé de la Rome de Trajan. Habile orateur et écrivain, il profita de certaines périodes d’otium ou loisir et de desidia retraite en latin pour se consacrer aux - studii - études savantes - et exercer sa plume. En effet, il aurait bien aimé devenir poète et historien comme ses amis Martial, Suétone et Tacite.
Et qui sait, pourquoi pas éditeur ?
Finalement, et quelques siècles plus tard un auteur à la manière d’un Émile Ajar – alias Romain Gary - s’est subrepticement substitué au talentueux romain pour dispenser ses précieux conseils. Un texte riche en considérations quant à la hardiesse du style, la lecture, mais encore la critique et la déclamation ; des lettres choisies, vibrantes d'amitié et cela, sous forme de portraits de l’écrivain d’aujourd’hui. Carrément.
Le prétexte à nous rappeler que l'art d'écrire n'est rien sans celui de lire et d'écouter, et que l'on peut trouver l'épanouissement et l'équilibre dans les joies de l'étude, de l'échange et de la création. Ni plus, ni moins.
Serré, sinon compressé, sur l’un des rayons de ma bibliothèque et cela, depuis un certain temps, exhumé de sa savante promiscuité entre un volumineux ouvrage de Philippe Sollers intitulé « la Guerre du goût » et « Sur la piste du lion» de Joseph Kessel. Deux premiers de cordée de référence. Bref, ce petit livre, si j’en crois l’éditeur, en l’occurrence, les Éditions Julliard, serait né de « père » inconnu et pourrait tout autant, sinon plus, rendre au public de grands services.
Partant de l'observation simple qu'il y a plus de livres que d'écrivains, et plus d'écrivains que de types d'écrivains, Pline, alias « X » soudain ressuscité, dresse ainsi et en quelques pages un tableau de la littérature contemporaine qui en apprendra plus que les ouvrages les plus savants et les plus complets. Dixit l’éditeur.
Acceptons-en l’augure.
Un tableau de littérature contemporaine
L’opportunité en tout cas et à ce stade du discours de mieux appréhender l’éditeur dont la mission consiste essentiellement à publier avant de mettre en vente une oeuvre littéraire ou un travail de mémoire auquel peut s’adjoindre un travail approfondi tel la généalogie.
Pourtant, si on a coutume de dire que tous les chemins mènent à Rome il pourrait en être de même pour l’édition.
Ghislain Crassard (1) en est un exemple alors même que c’est dans le domaine médical et particulièrement celui de la pharmacie qu’il fit ses premières armes professionnelles sans pour autant tourner le dos à ses premiers choix :
« Je n’ai pas vraiment basculé, mais ai décidé et eu l’opportunité de mener les deux de front. L’origine de tout cela est double : passion personnelle pour l’histoire d’une part et parcours de généalogiste familial sur l’histoire de mes ancêtres et collatéraux d’autre part, débuté à l’âge de 11 ans. J’ai moi-même commis quelques ouvrages sur les familles de la Noblesse et ai pu mesuré l’absence de maisons d’édition adaptées et spécialisées sur ce domaine. C’est pourquoi lorsque l’opportunité s’est présentée de pouvoir poursuivre les histoires de deux maisons (Mémoire et Documents d’abord puis Patrice du Puy Éditeur), cela m’ a paru essentiel de m’y consacrer en plus de mes activités professionnelles qui se poursuivent par ailleurs. »
Ghislain Crassard : les ducs Français.
Quant à savoir ce qui, aujourd’hui, le retient dans cette activité :
« La mise en valeur du travail des auteurs, à la fois pour transformer des travaux non mis en forme en une matière correspondant aux attendus de l’édition professionnelle d’une part.
D’autre part, le travail lorsqu’il y a en a (ce n’est pas le cas de tous les ouvrages) sur la mise en valeur de l’iconographie et des objets d’art ou historique, souvent souvenirs des familles, qui viennent illustrer ces travaux, et que je réalise moi-même. » explique l’éditeur.
Historiquement, les origines de cette maison d’édition remontent à 1864 avant que Patrice du Puy-éditeur, en septembre 2004 ne prenne la suite de ICC-Editions dont l’activité éditoriale avait été lancée en septembre 1954 dans la mouvance de la célèbre revue « L’intermédiaire des chercheurs et curieux ».
En septembre 2004, Patrice du Puy-Editeur a pris la suite de ICC-EDITIONS, dont l’activité éditoriale était née en 1954, dans la mouvance de la célèbre revue L’INTERMEDIAIRE DES CHERCHEURS ET CURIEUX. A cette même date, fut créée la collection des CAHIERS NOBLES qui rassembla, en trente-sept cahiers et vingt titres, quatorze des meilleurs auteurs de la question nobiliaire, sous la direction de Philippe du Puy de Clinchamps.
Ce fond, unique, est aujourd’hui la propriété de Patrice du Puy-Editeur et huit de ces titres ont fait à ce jour l’objet d’une réédition, précédée, si besoin en était, d’une mise à jour faite par les meilleurs spécialistes de la question.
Parallèlement, ICC-EDITIONS publiait des ouvrages remarqués.
Initiateur de la collection « Mémoire et documents » Ghislain Crassard explique les motivations de ce choix :
« Mémoire et Documents est le nom de conjonction entre mes deux maisons d’éditions. Historiquement, c’est le nom de la première d’entre elles (Mémoire et Documents donc).
Par ailleurs, le fondateur de PDP Éditeur, Patrice de Clinchamps, avait décidé d’intituler l’une de ses collections de la même manière. C’est devenu aujourd’hui le point de conjonction des deux maisons que je pilote.
C’est également je trouve un bon résumé du contenu de la plupart de nos ouvrages consacrés à l’histoire des familles. »
Libraire et éditeur.
« Mémoire et Documents » cumulant à la fois les activités de libraire et d’éditeur que représente en ce cas le fond de la société :
« Si nous parlons du fond de librairie, cela représente à peu près 8000 ouvrages. Si on parle du fond d’éditions, nous sommes à une centaine d’ouvrages. » précise Ghislain Crassard.
En revanche, pour Patrice du Puy-Éditeur, il n’y a pas d’activité de librairie, mais le fond éditorial représente environ 80 titres.
D’une part, l’émergence du numérique et l’intelligence artificielle dont on parle beaucoup actuellement semblent générer chez les professionnels, d’autre part, elles suscitent chez les professionnels du livre des opinions intéressantes.
Ainsi, pour Ghislain Crassard :
« Cela apporte à la fois des éléments positifs sur les techniques d’impression et de fabrication des ouvrages qui permettent notamment de réaliser de plus petites séries que par le passé et dans des qualités de tirage tout à fait remarquables. Il s’agit là de l’émergence du numérique dans l’édition et l’impression classiques.
Pour ce qui est de l’arrivée du numérique au sens e-book, je suis pour le coup, en tant que collectionneur de livres anciens et modernes, tout à fait réservé sur cette arrivée. En effet, si elle se comprend d’un point de vue pratique pour des livres « jetables » comme l’entendent hélas beaucoup de lecteurs d’aujourd’hui (c’est-à-dire qu’on lit une fois et qu’on archive ou dont on se sépare sans jamais les reprendre), elle ne correspond en rien à mon approche du livre (quel qu’il soit), tant du point de vue matériel (rien ne me parait pouvoir remplacer le papier comme support de la pensée humaine à but de partage et de transmission) que du point de vue de la réflexion (reprendre un livre de multiples fois est essentiel à mon sens si on veut aller au-delà d’un simple moment d’évasion ponctuel, aussi agréable soit-il. »
L'I.A : une décadence intellectuelle
De manière plus globale pour ce qui est de « l’intrusion » de l’intelligence artificielle dans le domaine de la culture générale et tout particulièrement de la communication, les réactions de l’éditeur sont autrement radicales :
« Je considère cela comme une décadence de la démarche intellectuelle humaine (pardon de cette franchise). L’intelligence artificielle restera artificielle, avec comme corollaire son caractère désincarné, sans parler des éventuels dangers futurs qu’elle pourrait représenter en cas d’autonomisation (comme nous l’ont conté un certain nombre d’auteurs bien réels et sans aucune paranoïa dans mon propos)."
L’existence des auteurs n’en sera pas affectée. En revanche, la capacité de la majorité du lectorat à ne pas tomber dans la confusion que peut induire ce type de technologie, le sera. Le risque in fine est bien évidemment que le livre et le travail d’auteur devienne un objet d’élite et d’exotisme. Cela aboutirait nécessairement à un appauvrissement intellectuel de l’humanité à mon sens, notamment par la normalisation des contenus. »
Quant à conseiller des lectures surtout en cette période de prix littéraires et de fêtes approchant : :
« Je ne suis pas à même de faire de recommandations quant aux lectures et moins encore celles émanant de prix littéraires car mes sujets de prédilection éditoriale comme personnels ne portent pas sur des ouvrages du moment. Peut-être une exception à cette approche générale, car il correspond de manière très atypique à un point de rencontre de ces deux univers, il s’agit du livre de Laure Murat : Proust, Roman Familial dans lequel elle fait le lien entre son histoire familiale et le quotidien de son enfance et le monde de Proust qu’elle a découvert un peu plus tard (ses arrières grand- parents étaient des familiers de Proust et apparaissent dans son œuvre)."
En somme et en une phrase, toute la spécificité de cette maison d’édition qui pourrait s’inspirer de cette réflexion du metteur en scène et directeur de théâtre Jean-Pierre Vincent :
« Si l’on n’a pas un rêve d’avance, alors on ne fait que gérer.»
Ou encore du philosophe Gilles Deleuze :
« On n’est pas dans le monde, on devient avec le monde. »
Quant au métier proprement dit d’éditeur, comme celui de chercheur, il est, effectivement et comme il a été défini par certains, passionnant parce que fait de projets.
Bernard VADON
- Ghislain Crassard est dirigeant de « Mémoire et Documents » (Mémodoc) et des éditions Patrice du Puy.
Discret sur la scène généalogique, différemment réactif dans ses activités liées à la santé, Ghislain Crassard mène une étonnante double vie professionnelle. Implanté à Aix-en-Provence, où il a rapatrié la librairie généalogique Mémodoc et les Éditions Patrice du Puy, il gère à Paris « Avenir, santé, formation », un groupe de 150 salariés.
2. Pour l’instant l'ouvrage "Quand passent les chevaux du désert", tout récemment publié est disponible en commande directe via le site : http://www.memodoc.fr/rechercheLibrairie.php?categorie=&titre=&auteur=vadon&itemPerPage=20&curPage=1
Il sera intégré avec le catalogue "Mémoire et documents" dans 2 à 3 semaines dans les batch (lots) Amazon et Fnac. Il fera également l’objet d’une parution dans le prochain bulletin à paraître de l’ANF dans les semaines à venir.
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