Journée pour la paix initiée par l’Église catholique. DE L’UKRAINE AUX BALKANS : Le conflit mondial qui nous pend au nez !

Publié le 30 Décembre 2022

 

Lors d’un récent entretien privé, le pape François, avec cette humilité qui l’a toujours caractérisé – on se souvient de sa supplique lors de sa première apparition à la loggia du Vatican après son élection et invitant les fidèles à prier pour lui – a de nouveau et spontanément ressenti ce besoin de prière tout en ajoutant qu’il faisait « un métier » difficile.

Plus encore incroyable lorsqu’il y a quelques mois, dans l’avion qui le ramenait à Rome alors qu’un journaliste curieux lui posait la question de connaître son sentiment sur un sujet sensible, il répondit avec un aplomb désarmant : « Qui suis-je pour juger ? »

Certes, un grand nombre, croyants ou pas, dans le contexte guerrier quasi planétaire actuel, attendent de l’État du Vatican des attitudes autrement plus fermes.

Nous sommes cependant à des années-lumière de la fameuse formule stalienne « le Vatican, combien de divisions » et plus encore, dans un autre domaine, de la version « Dieu versus Darwin ». Le contexte est tout aussi grave sinon plus mais les situations sont sensiblement différentes.

"Le retour du Pape vers les fondamentaux du Saint-Siège en matière de médiation et de paix ».

En clair (je ne m’associe pas à cette analyse) le Vatican et par voie naturelle de conséquence sinon de responsabilité directe, le chef de l’Église catholique, étaient jusqu’alors tenus pour ne pas prendre résolument position lors de situations conflictuelles graves.

Injuste accusation tout autant que la qualification de « mafieux » que certains – sous couvert d’un anonymat  courageux -  ont récemment fait porter au saint-Père au fallacieux prétexte que l’institution n’est pas blanc-bleu alors que tout un chacun n’ignore pas qu’elle fait comme tant d’autres « son ménage intérieur ». Avec toute la bonne volonté du monde. Et le chef actuel de l’Église catholique n’en manque pas. Mais « le paquet  …catho » ( comme le titre un journal satirique de référence … qui figure au rang de mes lectures de presse hebdomadaires)  est de taille et « le canard » en question n’hésite pas à parler de « feu au bénitier ».

La récente affaire de Marko Rupnik, l’artiste jésuite expert en mosaïque, qui n’exerçait pas seulement ses talents dans les sanctuaires les plus renommés mais aussi dans la quiétude des confessionnaux en y mettant à rude épreuve certaines convictions chancelantes, a quelque peu nourrit le feu de l’enfer.

L’anticléricalisme a encore, et malheureusement, de beaux jours devant lui. Ne serait-ce que parce que le diable – eh oui, il existe et agit avec une rare intelligence pour gagner des êtres ( ou des âmes, selon) à sa détestable cause. Le Christ n’en fit-il pas à maintes reprises les frais ?

Priez pour moi car j’exerce un métier difficile confessait donc et récemment le pape François héritier d’un passé lourd de scandales.

Georges Bernanos estimait que la foi, c’est vingt-quatre heures de doute, moins une minute d’espérance.

En somme, juste ce qu’il faut pour ne pas verser dans une incrédulité assassine. Celle que tant d’adversaires patentés de la religion, généralement chrétienne et singulièrement catholique, appellent de leurs vœux.

LE CRI D’ALARME DU PAPE

Au cours de sa traditionnelle bénédiction de Noël sur la ville et sur le monde, - urbi et orbi – le dimanche 25 décembre dernier, le pape François a demandé la fin « immédiate » de la guerre en Ukraine tempérant sinon expliquant par cette injonction que ( je cite) :

« Malheureusement, on préfère écouter d’autres arguments dictés par les logiques du monde »..

"Les vents de la guerre continuent de souffler le froid sur l'humanité."

Et tout un chacun reconnaissant que le spectre de la guerre en Ukraine a pesé lors de cette bénédiction solennelle assortie d’un appel vibrant et désespéré à la paix alors qu’en filigrane sonore les alertes sur Kiev et bien d’autres cités ukrainiennes se multipliaient et que pour reprendre les propos du souverain pontife « les vents de la guerre continuent de souffler le froid sur l’humanité. »

Selon François, le conflit ukrainien est une préfiguration d’une  « troisième guerre mondiale » . Pas moins !

En appelant à prier Jésus, « prince de la paix » , le saint Père à imploré ce dernier :

« D’éclairer l’esprit de ceux qui ont le pouvoir de faire taire les armes et de mettre fin immédiatement à une guerre insensée ! ».

Paroles, paroles, diront certains s’inspirant d’un refrain célèbre :

« Malheureusement, on préfère écouter d’autres arguments dictés par les logiques du monde. Mais la voix de l’Enfant, qui l’écoute ? » a-t-il ainsi interrogé, en référence à l’Enfant-Jésus, dont les chrétiens célébraient dernièrement l’anniversaire de la naissance :

« Jésus lui-même est notre paix », a insisté le pape.

Opposant la logique humaine, tournée vers la destruction et la guerre, et la logique divine, François a insisté :

« Jésus a « ouvert le passage d’un monde fermé, opprimé par les ténèbres de l’inimitié et de la guerre, à un monde ouvert, libre de vivre dans la fraternité et dans la paix ».

« Que notre regard se remplisse des visages de nos frères et sœurs ukrainiens qui ont vécu ce Noël dans l’obscurité, dans le froid ou loin de chez eux, à cause des destructions causées par dix mois de guerre ».

Et le pape de poursuivre : 

« La guerre en Ukraine a encore aggravé la situation, laissant des populations entières menacées de famine. Toute guerre – nous le savons – provoque la faim et utilise la nourriture elle-même comme une arme, en empêchant sa distribution à des populations qui souffrent déjà ».

IL NE SUFFIT PAS …

Le pape François n’a pas souhaité s’en tenir à certaines sirènes de l’actualité, en l’occurrence celles qui perturbent le quotidien des ukrainiens et, à ce titre, il a vivement stigmatisé la situation en Iran - où les mollah imposent leur vision déformée et criminelle de la foi – ce même pontife catholique qui, il y a quelques semaines, n’a pas hésité, à Bahreïn, à remettre « en ligne « spirituelle, un certain Ahmed el-Tayeb, grand imam d’al-Azhar :

« Il ne suffit pas de dire qu’une religion est pacifique, il faut condamner et désigner les violents qui abusent du nom. Il ne suffit pas non plus de prendre ses distances avec l’intolérance et l’extrémisme, il faut agir dans le sens contraire. »

Aux criminels dérapages humanitaires qui frappent l’Iran, il a joint ceux de la Birmanie, appelant, l’un comme l’autre de ces pays, à cesser « toute effusion de sang ».

Dénonçant vivement le consumérisme et en appelant au service des pauvres tout en stigmatisant les dépenses militaires de l’OTAN, une folie selon le saint Père, il a, dans cette « guerre mondiale en morceaux », cité la Syrie, mais aussi la Terre sainte, le Liban, et la région du Sahel.

Comme en 2021, il a souhaité une « trêve durable » au Yémen et la « réconciliation » pour la Birmanie.

Enfin, il n’a pas oublié, dans cette liste sinistre, Haïti dont la population, selon ses termes, « souffre depuis si longtemps ». Une manière résolue de terminer un tour du monde d’une humanité frappée par la guerre, et face à laquelle le pape est apparu, à en croire la quasi-totalité des observateurs et contrairement aux détracteurs patentés de l’institution et de ses impardonnables travers sociétaux, comme un inlassable messager de paix.

N’en déplaise aux athées et autres apostats ou mécréants tout aussi dignes d’intérêt et d’écoute mais pour lesquels le renvoi d’ascenseur se pratique au seul prétexte d’une vision rectiligne : la leur. Affirmant pour faire bonne mesure et sans délicatesse que la religion : « C’est de la M …. »

Pour François Mabille, chercheur au CNRS et directeur de l’observatoire de géopolitique des religions de l’Institut de Relations Internationales et Stratégiques :

« La dernière prise de position du pape François (…) traduit le retour du Pape vers les fondamentaux du Saint-Siège en matière de médiation et de paix ».

TOUT UN SYMBOLE

De fait, les événements ont pris un tour nouveau lors de la dernière messe de minuit célébrée en la basilique Saint Pierre de Rome.

Tout un symbole.

Rares sont en effet les chrétiens en général et les catholiques en particulier, qui ne soient pas insensibles à cette incroyable mais  bien réelle force spirituelle qui émane de la basilique Saint Pierre de Rome.

 

En cette nuit de la Nativité, par le canal de KTO et dans la quiétude de ma modeste chapelle privée, une réalité qui nous transcende.

Le lieu mais surtout le contexte de la Nativité mettant en exergue une réalité qui nous transcende. Celle de l’homme fait Dieu.

Il ne manquait finalement que les phrases et les mots qui les composent pour justifier le ton d’une homélie de circonstance avec, en pole position, la guerre en Ukraine.

L’Ukraine, mais pas que.

Le monde est en effet en conflit larvé généralisé. Et, tout proche de nous, l’expression « Poudrière des Balkans » n’a rien d’une vue de l’esprit. Allusion inquiétante car c’est de là que les derniers grands conflits mondiaux ont été initiés. Qualifiant ce qui se passe en Ukraine de « guerre insensée » le pape a, l’autre soir, exhorté les peuples à « faire taire les armes ».

Et le souverain pontife n’a pas mâché ses mots quant à évoquer  ( réponse à ceux qui l’estiment pas suffisamment engagé ou trop tiède ) cette «troisième guerre mondiale» qui insidieusement mais réellement, fait déjà rage dans de nombreux pays. Et nous pend au nez  :

«Que notre regard se remplisse des visages de nos frères et sœurs ukrainiens qui vivent ce Noël dans l’obscurité, dans le froid ou loin de chez eux, à cause des destructions causées par dix mois de guerre. Les vents de la guerre continuent à souffler le froid sur l’humanité mais malheureusement, on préfère écouter d’autres arguments dictés par les logiques du monde».

Allusion claire au consumérisme de plus en plus envahissant. Notamment, celui concernant la vente d’armes.

SENTIERS DE PAIX

Avant l’Angélus dominical, le 2 octobre dernier, le pape François était sorti de l’effacement qui lui était reproché depuis le début de la guerre en Ukraine en se positionnant plus fermement et en s’adressant directement à Vladimir Poutine :

« Une prise de position qui traduisait le retour du Pape vers les fondamentaux du Saint-Siège en matière de médiation et de paix. Chez le pape François, il y a une pédagogie de la paix par la rencontre, et par la rencontre une pédagogie du dialogue",  notait alors  François Mabille, chercheur au CNRS et directeur de l’observatoire de géopolitique des religions de l’Institut de Relations Internationales et Stratégiques,

"On ne canonise pas des papes parce qu'ils ont été de grands papes mais parce qu'ils ont donné leur vie à l'Église. C'est le cas de Paul VI."

La Journée mondiale de la Paix instituée par le Pape saint Paul VI et qui se tint une première fois le 1er janvier 1968 ( c'était au temps de la guerre du Vietnam) sera également l’occasion de « tirer les leçons » de la crise de la Covid.

Dans son message, publié vendredi 16 décembre, à l’occasion de cette Journée mondiale qui se déroulera le 1er janvier 2023 le pape François invite :

« A repartir pour tracer ensemble des sentiers de paix en se laissant changer le cœur par l’urgence (…) ainsi vécue ».

En somme, une rétrospective des douloureuses années de pandémie afin d’envisager un avenir meilleur. C’est en tout cas  la grande thématique choisie, cette année par le pape François dans son message, publié le vendredi 16 décembre, pour cette prochaine Journée mondiale de la paix qui sera notamment marquée par une grand-messe célébrée en la basilique Saint Pierre de Rome :

 « Le Covid-19 nous a plongés dans la nuit, déstabilisant notre vie ordinaire, chamboulant nos plans et nos habitudes, bouleversant l’apparente tranquillité de nos sociétés, même les plus privilégiées, entraînant désorientation et souffrance, causant la mort de beaucoup de nos frères et sœurs », écrit François dans son message.

Et de poursuivre au regard du malaise général, des bouleversements de l’ordre social et économique, du renforcement des inégalités et de l’aggravation de la solitude :

« La pandémie semble avoir bouleversé même les parties les plus paisibles de notre monde, faisant ressortir d’innombrables fragilités. Qu’avons-nous appris de cette situation de pandémie ? Quels chemins nouveaux devons-nous emprunter pour nous défaire des chaînes de nos vieilles habitudes, pour être mieux préparés, pour oser la nouveauté ? ».

Pour le pape François, la leçon première à tirer de cette épidémie mondiale historique – qui aura toutefois, et encore selon lui, eu quelques effets « positifs », comme un « retour à l’humilité » et un sens renouvelé de la solidarité  :

 « Il reste la conscience du fait que nous avons tous besoin les uns des autres et que notre plus grand trésor est la fraternité humaine car personne ne peut se sauver tout seul. Nous avons appris que la confiance dans le progrès, la technologie et les effets de la mondialisation n’a pas seulement été excessive, mais s’est transformée en un poison individualiste et idolâtre, menaçant la garantie souhaitée de justice, de concorde et de paix ».

CONFERENCE EUROPEENNE

Pour François le « temps post covid »  est d’autant plus difficile à vivre qu’il n’est pas celui attendu et espéré, alors qu’une « nouvelle calamité terrible s’est (depuis) abattue sur l’humanité » avec le déclenchement de la guerre en Ukraine, en février 2022.

Conflit à propos duquel il renouvelle avec force son appel à la paix :

 « Défaite pour l’humanité entière cette guerre sème des victimes innocentes et répand l’incertitude, non seulement pour ceux qui sont directement touchés mais aussi tous ceux qui souffrent des dégâts collatéraux. »

En appelant – toujours dans le cadre de cette journée mondiale - à l’organisation d’une grande conférence européenne sur la paix, souverain pontife propose de réexaminer la question de la garantie de la santé publique pour tous de « promouvoir des actions en faveur de la paix et de  prendre soin de notre maison commune , ou encore, de « combattre le virus des inégalités », en développant notamment des politiques appropriées d’accueil et d’intégration.

Le pape François donne surtout des pistes pour s’engager vers un avenir meilleur :

« Nous sommes appelés à relever les défis de notre monde, avec responsabilité et compassion. Ce n’est qu’en nous dépensant dans ces situations, avec un désir altruiste inspiré par l’amour infini et miséricordieux de Dieu, que nous pourrons construire un monde nouveau et contribuer à édifier le Royaume de Dieu qui est un royaume d’amour, de justice et de paix. »

 

Bernard VADON

1968

Rédigé par Bernard Vadon

Publié dans #J - 2 - B ( Journal )

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