LE PAPE FRANCOIS SOUS LE CIEL MAROCAIN EN UNION DE PENSÉE AVEC LE ROI MOHAMED VI. RETOUR SUR ÉVÉNEMENT.

Publié le 31 Mars 2019

 LE PAPE FRANCOIS SOUS LE CIEL MAROCAIN EN UNION DE PENSÉE AVEC LE ROI MOHAMED VI. RETOUR SUR ÉVÉNEMENT.

 

 

Préambule façon Pape François :

« Le grand risque du monde d’aujourd’hui, avec son offre de consommation multiple et écrasante, est une tristesse individualiste qui vient du cœur bien installé et avare, de la recherche malade de plaisirs superficiels, de la conscience isolée. Quand la vie intérieure se ferme sur ses propres intérêts, il n’y a plus de place pour les autres, les pauvres n’entrent plus, on n’écoute plus la voix de Dieu, on ne jouit plus de la douce joie de son amour, l’enthousiasme de faire le bien ne palpite plus. Même les croyants courent ce risque, certain et permanent. Beaucoup y succombent et se transforment en personnes vexées,  mécontentes, sans vie. Ce n’est pas le choix d’une vie digne et pleine, ce n’est pas le désir de Dieu pour nous, ce n’est pas la vie dans l’Esprit qui jaillit du cœur du Christ ressuscité. » 

Le pape François sur la place Saint-Pierre à Rome, la veille de son voyage au Maroc. 
 

 

RENCONTRE ENTRE ISLAM ET CHRÉTIENTE

Au Maroc, on dénombre environ 30 000 chrétiens composant une communauté qui ne cesse de grandir pour la plus grande satisfaction de l’église du Maroc hier encore réduite à sa portion congrue et qui, du fait de la venue de plus en plus importante d’étudiants et de migrants d’Afrique subsaharienne, jeunes pour la plupart, se refait une santé.

D’ailleurs ce n’est pas sans raison si la migration - 50.000 migrants auraient déjà été régularisés - fut l’un des thèmes, pour ne pas dire le thème principal, évoqué par le Pape François et le roi Mohamed VI à l’occasion de la visite du Saint Père qui à cette occasion a vivement souhaité rencontrer les responsables catholiques de Caritas Maroc – mouvement caritatif opérationnel dans plus 200 pays – expression latine signifiant « amour de l’autre ».Une belle démarche concernant l’accueil aux migrants victimes, pour un trop grand nombre, de dérives politiques ou de dérèglements économique et climatique.

Face à l’insuffisance de structures de nombreux centres à vocation identique sont en activité dans de nombreuses villes et campagnes du Maroc comme à  Témara, au Sud de Rabat, où Les Filles de la Charité - qui vivent et travaillent avec des musulmans, prient autrement mais se retrouvent tous devant le même Dieu Unique - ont vécu cette rencontre comme un rêve. 

Imaginez : le pape François en personne ! 

Pour l’archevêque de Rabat, Monseigneur Cristobal Lopez Romero, cette visite est un signe. Et l’incongruité de la pluie, qui lors de l’arrivée du pape s’était invitée alors même que la longue silhouette blanche apparaissait à la coupée de son avion, fut assimilée à une grâce du ciel dans un pays où l’eau est souvent une hôtesse expressément attendue et, génère des prières appropriées lorsqu’elle vient à manquer. Ce qui est souvent le cas. La pluie qui n’a pas affecté l’enthousiasme de la foule très importante massée sur l’esplanade de la Tour Hassan pour entendre les deux hommes en leur qualité de chef religieux s’accorder sur le fait que « les valeurs des religions monothéistes peuvent contribuer à la rationalisation et à l’amélioration de l’ordre mondial ». Un dialogue à très haut niveau spirituel et humain :

 « La présence du Saint Père et sa volonté de rencontrer des migrants est un message en lui- même. D’ailleurs, nous ne disons pas les "migrants" mais les personnes qui migrent. Nous oublions trop souvent que ce sont des personnes qui ont des droits humainsLepape est notre père, notre frère aîné. Il vient pour nous donner du courage pour vivre ici l’Évangile et pour être chrétien à part entière » a estimé l’archevêque de Rabat. 

Ensemble, face aux épisodes de fondamentalisme violent …

 

Le dialogue interreligieux fut l’autre défi de cette visite papale. Sa rencontre avec les élèves de l’institut de formation des imams à Rabat – considéré comme la vitrine de la réforme de l’islam conduite par le Maroc - est autrement significative de la volonté commune de dialoguer. La belle séquence musicale réunissant des artistes représentant les trois religions monothéistes et chantant en choeur devant le roi Mohammed VI et le pape François, dans l’auditorium de l’Institut Mohammed VI de formation des imams, morchidines et morchidates ajoutait qu’on le veuille ou non à la dimension du projet commun nourri par les deux chefs d’État.

Accompagnés par l’Orchestre Philharmonique du Maroc avec Dina Bensaïd au piano, la chanteuse Caroline Casadesus, fille du chef d’orchestre Jean-Claude Casadesus, a interprété l’“Ave Maria” de Caccini, alors que le muezzin Smahi El Hadni, appelait à la prière musulmane (“Allahu Akbar”) avant d’être tous deux rejoints par Françoise Atlan, qui a chanté la prière juive (“Adonaï”) et que les trois artistes lancent la note finale main dans la main. Poignant et prophétique :

 « Le roi est un leader religieux, commandeur des croyants ‘Amir Al Mouminine », aussi cette visite n’est-elle pas seulement politique. C’est une rencontre entre l’islam et le christianisme et cela devrait donner une impulsion très forte pour le dialogue interreligieux » estime Monseigneur  Cristobal Lopez Romero, archevêque de Rabat.

 

La musique : ce langage universel …

L’Église catholique du Maroc fête cette année ses 800 ans de présence dans ce pays. Les relations diplomatiques officielles entre le royaume et le Vatican commencèrent en 1976 et ce n’est qu’après la visite du roi Hassan II au Vatican, en 1980, que l’Église catholique obtiendra, trois ans plus tard, un statut légal l’autorisant à exercer publiquement et librement ses activités au Maroc.

M. Abdelouhab Maalmi, premier ambassadeur marocain au Vatican, a donné le ton et la juste mesure de cette visite papale  :

« Le Maroc est une plaque tournante du dialogue interreligieux depuis le début des années 1980, avec l’Égypte et la Turquie. Cette visite confirme les relations entre le Maroc et le Vatican, notamment au sujet du statut légal du Maroc qui demande à être détaillé et mis en exécution sur le plan fiscal, de la liberté de la pratique et de la gestion des biens par l’Église . »

Chaleureux contact avec les chrétiens du Maroc.

 

Discuter de la liberté religieuse est une des attentes des chrétiens marocains convertis. Si le prosélytisme est interdit par la loi, leur présence et leur pratique discrètes sont tolérées. Ils ont même été reçus en 2017 par le Conseil national des droits de l’homme, institution étatique marocaine. Dix jours avant la venue du pape François, la Coordination des chrétiens marocains a quant à elle appelé les autorités marocaines et le Saint-Père à « dialoguer avec la plus grande sincérité sur le sujet de la liberté religieuse pour les citoyens marocains » dont ils estiment être privés. (sic)

En effet, si la liberté de culte est garantie par la constitution marocaine, la liberté de conscience n’y est pas inscrite. Singulier et troublant.

Dès le début de son pontificat, le pape François avait intentionnellement fait du dialogue, « sa marque de fabrique » :

« L’unique façon de grandir pour une personne, une famille, une société, l’unique manière et de faire progresser la vie des peuples, est de favoriser la culture de la rencontre(..) Ou bien, on mise sur le dialogue ou bien, nous perdons tous. » estime t-il.

C’est on ne peut plus clair.

 

Lors de son voyage au Paraguay, en juillet 2015, en présence des représentants de la société civile, le pape François avait expliqué, sans retenue – ce n’est pas son genre et sa méthode de se défiler -  sa conception de cette « culture de la rencontre », une véritable « charte du dialogue » dans laquelle il met en garde contre le « dialogue-théâtre » :

 

« Si tu ne dis pas réellement ce que tu sens, ce que tu penses, et si tu ne t’engages pas à écouter l’autre, à ajuster progressivement ce que tu penses, le dialogue ne sert pas, c’est un vernis. »

Monseigneur Cristobal Lopez Romero et le pape François : le dialogue. 

 

Ainsi, pour le pape François, la culture de la rencontre présuppose de reconnaître que la diversité n’est pas seulement bonne, mais qu’elle est nécessaire et indispensable : 

 « Je vais dialoguer mais l’autre est dans l’erreur.  Aussi, avec des présomptions que l’autre est dans l’erreur, il vaut mieux retourner à la maison et ne pas entamer de dialogue. »

écrivait-il, en novembre 2013, dans son exhortation apostolique intitulée « Evangeli Gaudium »ou encore « La Joie de l’Évangile » :

«  La relation avec les croyants de l’Islam acquiert à notre époque une grande importance. Ils sont aujourd’hui particulièrement présents en de nombreux pays de tradition chrétienne, où ils peuvent célébrer librement leur culte et vivre intégrés dans la société. Il ne faut jamais oublier qu’ils « professent avoir la foi d’Abraham, adorent avec nous le Dieu unique, miséricordieux, futur juge des hommes au dernier jour ».[198] Les écrits sacrés de l’Islam gardent une partie des enseignements chrétiens ; Jésus Christ et Marie sont objet de profonde vénération ; et il est admirable de voir que des jeunes et des anciens, des hommes et des femmes de l’Islam sont capables de consacrer du temps chaque jour à la prière, et de participer fidèlement à leurs rites religieux. En même temps, beaucoup d’entre eux ont la profonde conviction que leur vie, dans sa totalité, vient de Dieu et est pour lui. Ils reconnaissent aussi la nécessité de répondre à Dieu par un engagement éthique et d’agir avec miséricorde envers les plus pauvres. »

Et de poursuivre sur ce thème :

«  Pour soutenir le dialogue avec l’Islam une formation adéquate des interlocuteurs est indispensable, non seulement pour qu’ils soient solidement et joyeusement enracinés dans leur propre identité, mais aussi pour qu’ils soient capables de reconnaître les valeurs des autres, de comprendre les préoccupations sous-jacentes à leurs plaintes, et de mettre en lumière les convictions communes. Nous chrétiens, nous devrions accueillir avec affection et respect les immigrés de l’Islam qui arrivent dans nos pays, de la même manière que nous espérons et nous demandons à être accueillis et respectés dans les pays de tradition islamique. Je prie et implore humblement ces pays pour qu’ils donnent la liberté aux chrétiens de célébrer leur culte et de vivre leur foi, prenant en compte la liberté dont les croyants de l’Islam jouissent dans les pays occidentaux ! Face aux épisodes de fondamentalisme violent qui nous inquiètent, l’affection envers les vrais croyants de l’Islam doit nous porter à éviter d’odieuses généralisations, parce que le véritable Islam et une adéquate interprétation du Coran s’opposent à toute violence. »

Quant à l’appel commun du pape François et du roi Mohammed VI visant à préserver la ville sainte de Jérusalem, sa dimension spirituelle et son identité culturelle, nous y souscrivons pleinement mais il ne manquera pas de faire grincer quelques dents !

 

TOLERANCE RELIGIEUSE

Au-delà de l’invitation royale, le pape François au Maroc est surtout venu tendre la main à l’islam et aux migrants, une problématique qui lui est chère. De quoi ragaillardir une communauté évaluée à 30.000 fidèles et lui redonner espoir. 

La visite du pape François au Maroc : un moment fort. 

Le dialogue interreligieux et les migrants ont été en effet  au cœur des échanges entre  le pontife argentin et son homologue musulman, le roi Mohamed VI, chef d’État et chef religieux sunnite. 

Le pontife argentin – et son milliard 300.000 catholiques – était très attendu  par la communauté des ressortissants des pays d’Afrique subsaharienne, étudiants et migrants. Plus de 10.000 fidèles dont une proportion notable d’occidentaux ont participé à la Sainte Messe présidée par le Pape François et concélébrée par de nombreux évêques et prêtres dans le cadre du complexe sportif du stade Moulay Abdellah. Comme il le fit  lors de son voyage aux Émirats arabes unis, le Saint Père a réitéré ses appels à la tolérance religieuse avec en filigrane de sa pensée, les attentes des minorités chrétiennes et des musulmans convertis, qui espèrent toujours bénéficier pleinement de la liberté de culte inscrite dans la Constitution marocaine. Un vœu que la Coordination des chrétiens marocains souhaite ne pas voir continuer de rester à l’état de voeu pieux :

« Nous aspirons à un Maroc libre qui assume sa diversité religieuse en respect de la Constitution marocaine qui stipule que l’islam est la religion d’un État en mesure de garantir à tous le libre exercice des cultes ». 

Précision de circonstance :

Le Code pénal marocain ne prévoit pas la peine de mort pour les apostats de l’islam, contrairement, par exemple, à celui des Emirats arabes unis mais au Maroc « la règle du jeu, c’est la discrétion »précise un responsable religieux à Rabat. 

A bon entendeur …

Un sujet toujours sensible puisqu’il y a un peu moins d’une année l’islamiste Mustapha Ramid, ministre d’État chargé des droits humains, avait tout bonnement considéré que la liberté de conscience était « une menace » pour la « cohésion » du Maroc. 

Pas moins !

Il faut toutefois aller plus avant dans la nuance en notant que si la conversion volontaire n’est pas un crime, le prosélytisme, en revanche – acte volontaire consistant à « ébranler »  la foi d’un musulman ou le convertir à une autre religion »-  peut être puni jusqu’à trois ans de prison : 

« Ce qui est condamnable, c’est le prosélytisme agressif »nuance avec prudence M. Chakib Benmoussa, ambassadeur du Maroc en France. 

Cela dit et pour être intellectuellement honnête, accordons-lui cette autre appréciation : 

« La visite du pape François est un moment fort, aussi bien pour lutter contre les courants de fanatisme, de repli identitaire, d’intolérance mais aussi (…) pour l’interaction positive entre les religions, les peuples et les civilisations ».

Il est infiniment regrettable que les louables intentions d’en haut ne sont pas toujours relayées correctement au bas de l’échelle. Les témoignages d’excès de zèle - pour être aimable avec les « exécutants » - sont encore trop nombreux. Formons le vœu que l’exemplarité et l’altérité, célébrées par le pape et le roi en union de pensée, soient entendus par tous. Sans exception.    

Le pape François avait failli venir à Marrakech, en décembre de l’année dernière, lors de l’adoption, par plus de 150 nations, du Pacte mondial sur les migrations initié par les Nations Unies. Ce texte visait à renforcer la coopération internationale pour une « migration sûre »et avait alors déchaîné les passions, sinon la fureur pour certains, dans plusieurs pays avant sa ratification finale à New York.  

On espérait la venue du souverain pontife dans la ville ocre ne serait-ce que pour célébrer les 800 ans de présence chrétienne au Maroc. Une prochaine fois, peut-être. 

La question des migrants est un sujet tout aussi sensible au Maroc lequel revendique une politique d’accueil « humaniste »mais encore trop à géométrie variable dans la pratique sinon dans les méthodes répressives. Cependant l’accueil de ces exclus a au moins le mérite d’exister.

Il n’empêche que Mgr Santiago Angelo Martinez n’y est pas allé par quatre chemins, en prélude à la venue du pape, en confiant sans atermoiements ses attentes :

« J’espère que la visite du pape apportera du progrès sur cette question », avait-il en effet déclaré.

L’avenir seul répondra…

Quant à la sainte messe célébrée dans le stade omnisports de Rabat archi-comble, elle constituait une manière de synthèse forte et intense, non dénuée parfois d’émotion, du message de miséricorde et de paix ; une passerelle qui enjambe les murs de la honte dénoncé par le Saint Père homme de foi et de dialogue dont le Maroc, par sa dynamique d’accueil et la volonté de son roi et de  son peuple peut constituer le terreau.

  

Pendant la sainte messe célébrée dans le stade omnisports archi comble. de Rabat

 

FLEUVE DE JOIE

En guise d’au-revoir ce retour sur l’exhortation apostolique et en particulier sur ce magnifique texte du pape François intitulé « Evangeli Gaudium »ou encore « La Joie de l’Évangile » publié au mois de novembre 2015 : 

« Sur la croix, quand le Christ souffrait dans sa chair la dramatique rencontre entre le péché du monde et la miséricorde divine, il a pu voir à ses pieds la présence consolatrice de sa Mère et de son ami. En ce moment crucial, 

avant de proclamer que l’œuvre que le Père lui a confiée est accomplie, Jésus dit à Marie : « Femme, voici ton fils ». 

Puis il dit à l’ami bien-aimé : « Voici ta mère » Ces paroles de Jésus au seuil de la mort n’expriment pas d’abord une préoccupation compatissante pour sa mère, elles sont plutôt une formule de révélation qui manifeste le mystère d’une mission salvifique spéciale. Jésus nous a laissé sa mère comme notre mère. C’est seulement après avoir fait cela que Jésus a pu sentir que « tout était achevé ». 

Quand Jésus commence son ministère, Jean s’exclame : « Telle est ma joie, et elle est complète » (Jn 3, 29). Jésus lui-même « tressaillit de joie sous l’action de l’Esprit-Saint » (Lc 10, 21). Son message est source de joie : « Je vous dis cela pour que ma joie soit en vous et que votre joie soit complète » (Jn 15, 11). Notre joie chrétienne jaillit de la source de son cœur débordant. Il promet aux disciples : « Vous serez tristes, mais votre tristesse se changera en joie » (Jn 16, 20). 

Et il insiste : « Je vous verrai de nouveau et votre cœur sera dans la joie, et votre joie, nul ne vous l’enlèvera (Jn 16, 22). Par la suite, les disciples, le voyant ressuscité « furent remplis de joie » (Jn 20, 20). 

Hommage émouvant : le pape François a salué Frère Jean-Pierre, rescapé du massacre de Tibhrine.

 

Le Livre des Actes des Apôtres raconte que dans la première communauté ils prenaient « leur nourriture avec allégresse » (Ac_2, 46). Là où les disciples passaient « la joie fut vive » (8, 8), et eux, dans les persécutions « étaient remplis de joie » (13, 52). Un eunuque, qui venait d’être baptisé, poursuivit son chemin tout joyeux » (8, 39), et le gardien de prison « se réjouit avec tous les siens d’avoir cru en Dieu » (16, 34). 

Pourquoi ne pas entrer, nous aussi, dans ce fleuve de joie ?

Bernard VADON  

 

Rédigé par Bernard Vadon

Publié dans #J - 2 - B ( Journal )

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