SOUVENIR, SOUVENIR … Quatre ans avant la visite du pape François à Budapest … le Maroc et la Hongrie en harmonie en l’église de Marrakech.

Publié le 30 Avril 2023

En ce jeudi 27 juin 2019, assistance nombreuse et de qualité, autour de S.E Cristobal Lopez Romero, aujourd’hui cardinal archevêque de Rabat et de S.E. Erik Miklos Tromler, ambassadeur de Hongrie, pour écouter Bach, Haendel, Puccini, Liszt, Gounod et les autres sans oublier Souad El Bair, du Lotus group, conceptrice d’un cocktail en parfaite adéquation.

C’était hier, il y a presque quatre ans.

Est-il nécessaire de rappeler combien la musique et particulièrement la musique à caractère spirituel aide à mieux appréhender la réalité divine et la foi qui s’y rapporte. Ce qui ne l’empêche pas de tenir aussi sa place – et quelle place – dans le contexte culturel et artistique. Ce qui fut le cas jeudi 27 juin 2019 dans le cadre d’un concert organisé en l’Église des Saints-Martyrs de Marrakech.

Retour sur Histoire :

En 1956, Denise Masson, islamologue réputée, fit transporter, par bateau, l’orgue relevé de l’Église Saint Léon à Paris afin d’en doter celle des Saints-Martyrs de Marrakech. 

Durant une quinzaine d’années, la généreuse donatrice en sera la titulaire jusqu’à ce qu’elle ne puisse plus assurer ce service se contentant alors de jouer sur le Cavaillé-Coll qu’elle avait fait installer dans son Ryad, l’instrument ayant fait une traversée maritime commune avec celui de l’église. 

L’orgue des Saint Martyrs, quant à lui, fut un temps oublié puis abandonné.

Jusqu’à ce que quelques esprits curieux ne s’inquiètent de son état. Parallèlement et afin de donner caractère officiel à leur démarche, ils créeront, en 2002, l’Association des amis de l’orgue de l’Église de Marrakech, toujours opérationnelle.

Cette dernière engage alors un travail préliminaire d’expertise sous l’autorité de deux facteurs d’orgue. Leur diagnostic s’avérant positif, une première phase en vue de la restauration fut décidée. L’objectif visant à faire à nouveau « sonner » l’instrument. 

Grâce à la compréhension de quelques donateurs, les fonds nécessaires à une première rénovation furent rapidement réunis et quelques semaines plus tard l’orgue « s’exprima » à nouveau pour la plus grande émotion de ses sauveteurs. L’animation des offices y gagna en qualité et quelques artistes acceptèrent même de venir se produire dans l’église afin de contribuer, à leur manière, aux travaux complémentaires de remise en état mais aussi à perpétuer le souvenir de celle qui a donné à ce lieu une partie de son âme :

« La musique c’est du bruit qui pense. » écrivait joliment Victor Hugo.

Je lui préfère personnellement cette réflexion du grand Pablo Casals :« La musique chasse la haine chez ceux qui sont sans amour. Elle donne la paix à ceux qui sont sans repos, elle console ceux qui pleurent. »

Et mieux encore, celle de Léonard Bernstein qui estimait :

« On ne vend pas la musique, on la partage.»

Ce 27 juin 2019, la formule de cette figure de légende de la musique américaine au talent polyvalent, chef du prestigieux philharmonique de New-York et qui a porté à la postérité le mythique « West Side Story » de Robert Wise, ressurgissait dans les mémoires à la faveur de l’événement musical alors  proposé conjointement par l’ambassade de Hongrie à Rabat et les Amis de l’orgue – le seul orgue en état de fonctionnement au Maroc – de l’Église des Saints-Martyrs de Marrakech.

D’autant que les instigateurs de ce beau projet muri ces derniers mois, aussi bien à Rabat qu’à Marrakech et Budapest, n’ont pas manqué d’insister sur cette notion de partage autant des passions que des sentiments mais qui, contrairement à la définition de Goethe considérant au nom de la raison qu’elle se limite à quelques hommes d’élite, estiment pour leur part que dans son universalité elle s’adresse plutôt au plus grand nombre.

La preuve en a été faite grâce aux 300 personnes environ qui se pressaient dans la nef et sur les bas-côtés de l’église des Saints-Martyrs de Marrakech à l’occasion de cet événement musical.

Le partage précisément se justifiait par la diversité d’un public riche de singularités ethniques et sociales au sein desquelles marocains et africains figuraient en bonne place. La communauté chrétienne en général et catholique en particulier, invitant à l’unité par le truchement cette fois de l’art et en l’occurrence de la musique.

Les hymnes nationaux – le marocain interprété par la chorale des étudiants africains, accompagnés à l’orgue par Michel Chanard et le hongrois, joué à l’orgue par Samuel Marcell Tüzes et chanté par la mezzo-soprano hongroise,  Piroska Hajnal soutenue vocalement par quelques hongrois présents -  appelaient à la symbolique de chacun des pays accueillant et accueilli.

Retour en suivant à une oeuvre universelle qui sans pour autant sacrifier à ses origines sacrées n’a pas perdu de ses caractéristiques théâtrales. Ce qui n’est ni une critique et encore moins un défaut.

Il n’empêche que cet oratorio, indissociable du temps pascal et de la résurrection du Messie, où le mot qui la désigne (« Alleluia ») outre sa répétitivité - 70 fois lors de son exécution -  a, ce jour-là , invité à une joie communicative portée par l’interprétation très personnelle qu’en donnèrent les choristes africains.

La notion de partage qui fut un peu le maître mot de cette rencontre fut longuement évoquée par S.E. l’ambassadeur de Hongrie à Rabat, Miklos Erik Tromler lequel, après avoir salué la nombreuse assistance, s’attarda sur les circonstances à l’origine de cette initiative à laquelle il associa à part égale les Amis de l’orgue de Marrakech et avec infiniment de reconnaissance son président sans oublier le consulat général de France à Marrakech.

Bernard Vadon, en quelques mots et considérant que l’ambassadeur avait, en quelque sorte, quasiment tout dit, s’attarda sur les circonstances de l’événement, les difficultés inhérentes à ce genre d’initiative, les motivations de tous ceux qui souhaitent et s’emploient avec des moyens malheureusement limités mais animés de la pensée de Nietzsche affirmant que la vie sans musique est tout simplement une erreur, une fatigue, un exil. 

Tout événement même modestement d’exception se doit de respecter la règle d’où la création d’un motet à la gloire de la Vierge Marie – un texte de Bernard Vadon sur une mélodie de Charles Gounod, arrangement pour orgue de Michel Chanard - interprété par la soprano Isabelle-Christiane Kouarogo et intitulé « Laudate Maria » accompagnée à l’orgue par Michel Chanard avant que la partition, à peine éditée par la Maison d’éditions musicales Fortin-Armiane à Paris, ne soit offerte à l’archevêque de Rabat ainsi qu’à l’ambassadeur de Hongrie. 

Les artistes à la tribune.

Les deux organistes occupant le haut de cette belle affiche – Samuel Marcell Tüzes, jeune titulaire de l’orgue de l’une des nombreuses églises de Budapest et Michel Chanard titulaire de l’orgue de Bagnols-sur-Cèze, en France et de l’orgue de Marrakech – alternèrent leurs prestations respectives en solistes ou en accompagnement, pour le premier, de la mezzo- soprano Piroska Hajnal à la belle tessiture centrale et une richesse de timbre enveloppante et chaude, et pour le deuxième, de la soprano Isabelle-Christiane Kouraogo proche de la soprano léger à la colorature puissante et expressive. 

De J.S Bach à Listz en passant par Johan Kaspar Kerll, Johann Caspar Fischer, le « Salve Regina »de Puccini et « Capricio »de Frescobaldi, le très émouvant « Dignare Domine » de Haëndel chanté par Pirtoska Hajnal accompagnée à l’orgue par Samuel Marcell Tüzes, aux œuvres choisies de Charles Gounod et Luigi Cherubini, jouées par Michel Chanard, ce programme étant à même de satisfaire Platon pour qui la musique donne une âme à nos cœurs et des ailes à la pensée. 

Nul ne peut contester le fait que la nourriture est un facteur de socialisation. La Cène n’est-elle pas le lieu par excellence du partage et de la communion et ne sommes-nous pas dans un lieu au demeurant béni ? 

En offrant dans les jardins de l’Église – via sa société le Groupe Lotus à Marrakech et son généreux président – un cocktail aussi riche en variétés salées et sucrées que raffiné, Mme Souad El Bair, directrice commerciale du groupe, a superbement – le savait-elle ? en tout cas, elle l’a certainement pressenti – illustré ce lien étroit unissant les nourritures terrestres et spirituelles.  Un lien également symbolique dans un quartier où se côtoient un minaret et un clocher. 

La décoration n’était pas en reste. 

Le blanc, subtile attention - couleur préférée du président de l’association des amis de l’orgue - dans l’obscurité naissante nimbait les arbres du jardin discrètement mais élégamment éclairé par des bougies créant à terre un chemin de lumière que deux projecteurs nichés dans les feuillages parvenaient à peine à estomper.

Les tables nappées blanches évidemment, des compositions florales immaculées ajoutaient à l’élégance de ce plateau où la dernière note du concert envolée l’assistance n’eut qu’à choisir et combler agréablement ce temps de restauration alors qu’un serveur de thé dans la plus pure tradition vestimentaire et gastronomique du pays proposait souriant son breuvage, évoquant, sans le savoir, l’Art Poétique de Paul Verlaine :

« Que ton vers soit la bonne aventure Éparse au vent crispé du matin. Qui va fleurant la menthe et le thym. Et tout le reste est littérature »

Ou plus simplement, « à la marocaine » :

« Le thé à la menthe doit être amer comme la vie, mousseux comme l’amour et sucré comme la mort ».

 Bernard VADON

Rédigé par Bernard Vadon

Publié dans #J - 2 - B ( Journal )

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