Le ramadan 2016 va s’achevant … un temps pas comme les autres.

Publié le 3 Juillet 2016

Le ramadan 2016 va s’achevant  … un temps pas comme les autres.

Avec tout le respect que l’on doit à cette pratique cultuelle, il n’y a pas de honte particulière - en non musulmans - d’en apprécier, d’une façon plus terre à terre, les éventuels bienfaits … ou inconvénients.

Pas évident, en effet, pour le commun des mortels, de suivre cette pratique du ramadan sans quelques difficultés sinon sans quelques concessions vénielles à la rectitude de la règle.

D’aucuns s’en défendent parvenant même à faire de ce mois sacré un moment fort qu’ils avouent vivre sans le moindre problème.

Grâce leur soit rendue.

D’autres, par leur nature, sont moins enclins à se plier aux exigences du jeûne. Et de ce fait, souffrent d’autant plus lorsque le souffle de la spiritualité qui devrait être le nerf de la foi, ne les inspire pas.

Ceux-là ne sont certainement pas les moins méritants évitant souvent de justesse les harcèlements policiers. Une mission de conseil serait plus appropriée sans aller jusqu’à la liberté de conscience chère – et c’est tant mieux – aux occidentaux.

Mégapole touristique

Le non musulman, quant à lui, retrouve un autre bonheur de vivre dans une sorte de quiétude étrange sinon de torpeur non moins étrange qui enveloppe la ville aux premières heures de la journée et jusqu’à son terme.

Tout ce qui préside à l’économie du pays passe à la vitesse inférieure. A commencer par les marchands de limonades ou autres liquides (généralement occidentaux) dont la plupart ont tiré leurs rideaux, au moins durant la journée, se rattrapant, certes, la nuit venue mais avec une ambiance plus mesurée.

Les malaxeurs de ciment ont, quant à eux, remisé leurs engins de chantiers et mis leur personnel en semi vacances se réservant les leurs – les plus nantis en général - hors les frontières. En tout cas, ceux qui sont moins à cheval sur la conduite religieuse de circonstance.

Ainsi, l’espace d’un ramadan, Marrakech perd-elle ses attributs de mégapole touristique devenue au fil des ans infernale.

Les pics de pollution sont sensiblement à la baisse. Les boulevards et les rues ont des allures d’artères de modestes cités bourgeoises délaissées par cette modernité habituelle et meurtrière dans tous les sens du terme. Particulièrement ce dernier dimanche 3 juillet …

Le bonheur, quoi. Enfin presque !

La conférence des oiseaux – en tout cas dans le quartier de l’Hivernage - a retrouvé droit de cité prenant l’avantage sur les avertisseurs d’automobiles. Seules, les calèches et leurs chevaux s’invitent au chapitre musical de la rue … mais quel chapitre et quelle autre mélodie !

Le temps d’hier

Cependant, la nuit venue, les temps modernes, façon Chaplin, reprennent un peu de leurs droits : quelques jeunes (mais aussi de moins jeunes) débridés, après une journée de privations, s’énervent sur leurs machines à deux ou quatre roues. Les belles berlines et les « gros cubes » rugissant redeviennent les rois de la ville.

Bonjour les tympans fragiles.

Les moins argentés tirent à tout va sur leurs « clopes ».

Une chanteuse, encore dans le quartier de l’Hivernage, vocifère dans un micro déformant épouvantablement sa voix … bref, la drôle de vie se désolidarise d’un quotidien qui l’a quelque peu brimée durant une journée et comme au Maroc, on crie plus souvent qu’on ne parle, les DJ et autres agitateurs de services en tous genres, donnent de la voix et du décibel à hue et à dia.

Les chauffeurs de taxis sont parmi les maîtres du genre, les caissières des hyper perdent la notion des chiffres, les interlocuteurs tous services confondus et sollicités vous répondent évasifs entre deux bâillements abandonnant au personnel de maison, il faut bien compenser sa nuit blanche, le soin, si l’on peut dire, de jouer de l’oreiller toute la journée mais aussi ce technicien de surface (entendez balayeur de rues) affalé sur son balai.

La liste n’est pas exhaustive.

On se perd en conjectures quant à ces comportements singuliers qui sont à mille lieues de la recherche du mieux prônée par la religion. En tout cas, dans l’approche de la tolérance et du respect des autres. Peut-être aussi dans une autre façon de voir son quotidien.

Plus prosaïquement, dans la gentillesse et les attentions.

Alors, on cherche ses repères dans quelque bréviaire coranique ne serait-ce que pour tenter de comprendre cette soudaine déviance sourde à ces moments inspirés qui devraient être marqués par le recueillement et la méditation. Le partage au sens large du terme accordé – attitude malheureusement constatée - à ce vieil homme relégué à la porte du riad familial.

En clair, un réel besoin de sérénité et non pas une infernale nuisance en totale inadéquation avec la spiritualité que l’on pourrait estimer de circonstance.

La fête, semble t-il, devrait être réservée au terme de la dernière nuit de jeûne.

Enfin et modestement me semble t-il.

La Mamounia, l’un des derniers survivants de l’hôtellerie d’antan à Marrakech ayant gardé ses lettres de noblesse en la matière, a laissé à ses concurrents – parmi eux, le Sofitel n’est pas le seul fauteur de trouble mais non le moindre - le soin de se perdre dans des pratiques plus proches de celles de Las Vegas que de celles, plus respectables, du Ritz londonien, du Crillon parisien ou encore du Danieli de Venise.

Suivez mon regard, testez vos oreilles et cherchez un sommeil de toute évidence introuvable !

Semaines particulières

Ce n’est qu’au tout petit matin, alors que le jour se prépare, que les mélodieuses psalmodies en plain-chant, depuis la foultitude des minarets disséminés en médina, donnent la mesure de ce que sera ce nouvel acte de résistance aux facilités offertes par la modernité.

En ce domaine aussi, l’exception confirmant la règle, j’ai quelques bons et sympathiques amis musulmans répondant à mes attentes quant à la mystérieuse problématique que pose la foi et qui vivent leur temps de jeûne avec infiniment de discrétion et d’efficacité religieuse. Dans la recherche d’une foi intérieure.

Une égale amplitude silencieuse qui, le soleil couché, a tout autant suspendu le temps - celui d’apprécier une harira (la soupe traditionnelle du ramadan) bien méritée - avant que la mythique place Jemaâ El Fnaa, le jour levé, ne reprenne ses esprits.

Plus question alors de manger et de boire. Ce dernier détail, et non des moins préoccupants, suscitant, à divers égards et n’en déplaise, bien des interrogations qui ne sont pas toujours injustifiées.

Dans ce tohu-bohu culturel plus que cultuel, la véritable osmose avec Dieu, s’est fait la belle.

Pourtant, on aimerait participer à des nuits de ramadan – il en existe mais trop confidentielles - exclusivement dédiées à la connaissance et à ce titre, adhérer à l’exhortation du poète :

« Vivez si m’en croyez, n’attendez à demain, cueillez dés aujourd’hui les roses de la vie … » et surtout prier à sa façon mais avec conviction tout en se laissant enivrer par les envoûtants effluves des galants de nuit du jardin, savourer en fond sonore les accents de « l’apologétique de l’ivresse et de l’épicurisme » portés notamment par cette musique soufie magnifique de spiritualité.

Rien n’est plus important sinon le souvenir que nous garderons alors de certains vrais moments forts.

Celui d’une cité sous influence lunaire soudain et miraculeusement revenue, pour quelques semaines particulières, au temps d’hier qui fait dire aux amoureux d’un fabuleux passé oublié :

Marrakech a retrouvé son âme jusqu’alors perdue.

Bernard VADON

Le souvenir de certains moments forts ... de la prière à la collation marquant la rupture du jeûne.
Le souvenir de certains moments forts ... de la prière à la collation marquant la rupture du jeûne.
Le souvenir de certains moments forts ... de la prière à la collation marquant la rupture du jeûne.
Le souvenir de certains moments forts ... de la prière à la collation marquant la rupture du jeûne.
Le souvenir de certains moments forts ... de la prière à la collation marquant la rupture du jeûne.
Le souvenir de certains moments forts ... de la prière à la collation marquant la rupture du jeûne.

Le souvenir de certains moments forts ... de la prière à la collation marquant la rupture du jeûne.

Rédigé par Bernard Vadon

Publié dans #J - 2 - B ( Journal )

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