La France en désarroi, selon Alain Peyrefitte, c’était hier … Aujourd’hui, le mal français s’est aggravé.

Publié le 25 Avril 2015

Alain Peyrefitte et le Général De Gaulle : la Ve République est-elle moribonde ?
Alain Peyrefitte et le Général De Gaulle : la Ve République est-elle moribonde ?

Le dernier livre de Laurent Joffrin ne trouvera pas sa place sur ma table de chevet.

Non pas que je nourrisse quelques griefs à l’égard de cet éditorialiste reconnu et bien en chaire médiatique comme bon nombre de nos confrères, spécialistes en « ménages » - c’est ainsi que dans le métier on désigne ces petits extras qui contribuent à arrondir les fins de mois - mais sa démarche est par trop démagogique pour attiser ma curiosité.

A ce titre, certains, que j’entends déjà, manifesteront leur désapprobation mais au nom de la liberté de penser très tendance en ce moment, il n’en sera pas autrement. Je lui préfère « La France en désarroi » d’Alain Peyrefitte plus en phase entre peurs et espoir thèmes de société récurrents mais quelque peu aggravés par les temps qui courent.

En finir avec les défaitistes

« Le Réveil Français », c’est le dernier rejeton de papier de Laurent Joffrin qui tente de nous convaincre de sa bonne parole dans un contexte politique et économique actuel particulièrement empoisonné.

Il s’y ajoute, de la part de l’auteur, un faible - que je ne partage pas - pour le Président Hollande dont il estime que sa politique a de fortes chances de porter ses fruits.

Pourquoi pas ? Mais il lui faudra mettre les bouchées doubles en raison du temps qui reste.

En fait, l’objectif de Laurent Joffrin, si l’on s’en réfère à ce qui pourrait composer sa quatrième de couverture, est surtout d’en finir avec les défaitistes, les tenants du déclin et autres prophètes de la décadence annoncée à l’image du fameux docteur Knock qui avait pour singulière habitude de rendre ses patients plus malades qu’ils ne l’étaient afin de leur prescrire le maximum de consultations et de médicaments.

Dans le collimateur du directeur de la rédaction du Nouvel Observateur, les Zemmour et autres Houelbecq – qui n’ont pas forcément ma faveur - Cassandre patentés, vendus, selon lui, à la pensée nationaliste et ultra libérale.

Au fond, une querelle de boutiquiers surfant avec délectation sur une situation dont Laurent Joffrin peut dire ce qu’il veut mais qui n’est pas aussi brillante qu’il ne le laisse entendre.

Un petit monde qui n’a d’intérêt que pour le mot croissance qu’à tort ils croient magique alors qu’ils sont victimes de cécité chronique face aux réalités du moment dépendantes de potentialités diverses qui, d’ici à quelques années, vont se réduire comme peau de chagrin.

Une fois de plus on se fiche des leçons du passé.

Peurs et espoir

Pour cette raison, je me nourris toujours avec autant de gourmandise des réflexions d’Alain Peyrefitte qui, en deux ouvrages choc, (« Le Mal Français » d’abord paru en 1976 suivi, seize ans plus tard, de « La France en Désarroi ») a cerné avec un talent autrement consommé et muri les problèmes malheureusement récurrents de notre société.

En l’espace d’une quarantaine d’années, on retrouve la même thématique entre peurs et espoir (le sous-titre qui accompagnait le second livre de l’auteur académicien).

La différence c’est que la situation n’a de cesse de s’aggraver. Comme hier et peut-être plus encore aujourd’hui, la France ne sait plus où elle en est.

Dans « La France en désarroi » les têtes de chapitres sont étrangement visionnaires. Qu’on en juge :

De la crise économique mondiale à la fin du socialisme en France (à l’époque certes mais tout peut encore arriver dans une France en ébullition); en passant par l’écroulement de l’Empire soviétique (miné, encore aujourd’hui, par des conflits locaux) ; les grandes migrations (suivez mon regard côté méditerranée).

Dans ce noir tableau, notre Ve République gaullienne serait-elle moribonde ?

En tout cas et plus que jamais, la phrase de Tocqueville est de circonstance :

« Il n’y a que Dieu qui puisse sans danger être tout-puissant ».

Tout comme le constat tout autant inquiétant de Freud lorsqu’il écrivait : « Malaise dans la civilisation ».

On reste confondu devant pareilles similitudes de situations et l’analyse d’Alain Peyrefitte – qui poursuit scrupuleusement et dans un style séduisant sa revue économique et sociale - est inquiétante.

De la responsabilité ministérielle (caduque devant le prince de l’Elysée) à Matignon (sorte de sismographe réduit à enregistrer les secousses sociales) en passant par l’Etat (représentant l’un des plus importants problèmes à résoudre) ; mais aussi la décentralisation (qui n’équilibre toujours pas les rapports entre Paris et la Province) ; la France maffieuse et le sentiment d’insécurité (qui s’accroît parce que l’insécurité s’est tout simplement accrue) ; l’enseignement qui se voit pointé du doigt par le fait d’une notion d’excellence estimée coupable ( en témoigne la lamentable affaire de la réforme du collège et la disparition subtilement programmée du grec et du latin) ; le racisme (qui scientifiquement n’existerait pas, sinon dans les esprits) ; et enfin l’immigration (un problème grave dont Alain Peyrefitte estimait déjà qu’on doit, à son sujet, faire preuve d’honnêteté intellectuelle, c’est à dire de rigueur, de retenue mais aussi de lucidité sinon, faute de débat, on favorisera l’extrémisme.)

Dans le même lot de remarques, la reconnaissance de la France comme terre d’accueil est souhaitable si toutefois les étrangers veulent bien s’assimiler à elle en se présentant en individus ou en petits groupes et non pas en ethnies massées dans les ghettos.

Vous en voulez encore ?

« Le monde peut à tout moment entrer dans une ère de mutations convulsives et le sentiment européen surtout répandu parmi les élites ne doit pas occulter le sentiment national des peuples au risque de le voir se venger de ce qu’on a pu faire sans eux. » estimait Alain Peyrefitte.

Comme hier et au-delà des indicateurs économiques d’origine gouvernementale, le malaise est latent :

Qu’il s’agisse des institutions, du territoire, de la justice, de l’enseignement, de l’information, de l’immigration, du nouvel ordre mondial ou de l’Europe, il se dessine un sentiment de haine généralisé et nouveau dans l’esprit. Chacun se renvoyant la balle conduit par une inquiétante exaspération.

On pourrait à ce propos y ajouter cette terrible nouveauté liée aux cultures et principalement à la culture orientale et africaine qui fait naître tant d’inimitiés et de conflits sanglants en raison de frontières passoires qui n’autorisent plus la régulation des flux migratoires.

Dans ce magma sociétal, je citerai à nouveau à propos de cette France malade, cet exceptionnel et lucide rapporteur de nos maux en tous genres que fut Alain Peyrefitte :

« La France n’est ni de gauche, ni de droite. Elle est au-dessus. Nous sommes fiers de communier avec son message universel de liberté qui a fait d’elle un des grands acteurs de l’Histoire. En elle seule, nous redevenons frères. »

Le problème par rapport à hier et aujourd’hui, c’est qu’il y a encore loin, très loin, de la coupe aux lèvres.

La faute à qui ?

Bernard VADON

Alain Peyrefitte et Laurent Joffrin : réalité et fiction ?
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Rédigé par Bernard Vadon

Publié dans #J - 2 - B ( Journal )

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