LETTRE EN MARGE DU MONDIAL DE FOOTBALL. MONSIEUR LE PRÉSIDENT : « LA PAROLE EST D’ARGENT, LE SILENCE EST ( PARFOIS) D’OR ! »

Publié le 19 Décembre 2022

Dans le droit fil de l’éthique sportive proclamée par les initiateurs de l’esprit sportif et singulièrement Pierre de Coubertin, et combien d’autres encore, soucieux de ne pas mélanger les genres et principalement de dissocier le sport de la politique, le récent mondial nous a, une nouvelle fois, apporté la preuve du contraire.

On sait ce qu’il en fut, notamment avec le régime fasciste italien, en 1934, et avec l’infâme pouvoir nazi, en 1936. Tristes références, convenons-en, mais la grande Histoire est aussi faite de comportements détestables.

« SOFT POWER »

Pourtant, Monsieur le Président, vous ne fûtes pas le dernier à rappeler, aux premières heures de ce récent mondial de football, qu’il ne fallait surtout pas transgresser la règle, en l’occurrence, ne pas mélanger le sport et la politique …  tout en étant, à l’ultime coup de sifflet lors de la finale, le premier à franchir les barrières et fouler la pelouse du stade de Lusail, une perle entre autres impressionnantes et merveilleuses réalisations du richissime Qatar instigateur d’une morale à géométrie (très) variable.  

Et cela, Monsieur le Président, avant d’investir les vestiaires de l’équipe de France.

Mais, qu’importe le flacon (même avec quelques graves imperfections)  pourvu qu’on ait l’ivresse !

Vous avez de ce fait un peu naïvement joué avec ce « soft power » (pour rester dans la note « start-up » que vous chérissez) qui, à la sortie, semble vous avoir réservé un chien de sa chienne. En somme, l’arroseur arrosé !

LE FAIT DU PRINCE

Certes et comme d’habitude, vous saurez vous en remettre après avoir peut-être pincé quelques imprudentes oreilles conseillères du palais élyséen . A moins que vous n’ayez, comme à votre habitude, fait la sourde … oreille et décidé en autocrate.

Mais bon, nul n’est parfait, même dans la chasse jalousement gardée de tout président.

Néanmoins, en croyant bien faire, vous avez, par votre étrange, et quelque peu non maîtrisée déclaration compassionnelle, ajouté au désarroi de ces joueurs n’ayant même pas eu le temps d’enfiler un maillot ; et à celui d’un entraîneur, les bras croisés, comme à son habitude,  résigné et condamné au silence alors que c’était peut-être à lui de prononcer les vrais mots d’apaisement et de circonstance. Mais cela s’appelle aussi le fait du prince. Au nom du meilleur mais aussi et malheureusement du pire.

Vous allez rétorquer, à juste raison, Monsieur le Président, que si vous ne l’aviez pas fait on vous l’aurez reproché. Certes, mais de deux mots ne faut-il pas, en certaines circonstances, choisir le moindre ?

En 1998 - une grande année pour le football français - pour le compte de l'Express le talentueux Plantu proposait ce dessin qui en la circonstance se passe de tous commentaires !

Ainsi, comment, en pareille circonstance, ne pas penser à la Mésopotamie, particulièrement à Babylone et surtout à Nabuchodonosor - personnage de la Bible hébraïque et de l'Ancien Testament, roi de l'Empire néo-babylonien entre 605 et 562 av. J.-C. - s’étant mis en tête de défier le ciel en faisant construire, dans une ville plurilingue, la fameuse tour de Babel. Une démonstration d’orgueil avec une sorte de totalisation du savoir. Cette spécificité n’étant pas le moindre défaut de Babylone et de cette Mésopotamie légendaire qui, aujourd’hui, fait d’elle, et finalement, l’un des berceaux de la civilisation.

DÉLIRE ORATOIRE

Pourtant, les auteurs et romains n’y allèrent pas de main morte pour ternir, lors des conflits médiques ( Athènes contre Perse) l’image de l’Orient, leur ennemi patenté.  

Véritable temple de la fondation du Ciel et de la Terre, la tour biblique inspirée - je cite mes sources -  par l’Etemenanki, une ziggurat ( construction à vocation religieuse constituée de sept étages ) était dédiée au dieu Mardouk.

Et le président, pendant ce temps-là , me direz-vous ?

Il patauge dans son délire oratoire.  Aux antipodes d’une réalité autrement renversante – moralement entendons-nous – pour une poignée de joueurs ruisselants encore sous l’effet de la transpiration (en dépit d’une climatisation se jouant des consignes climatiques) . Analysant un match au demeurant perdu non pas comme on a pu l’entendre parce que c’est le destin, mais plus simplement parce que c’est la cruelle loi du jeu. Face à des joueurs manifestement sourds aux jubilations d’un président qui parait confondre les victoires (peut-être à venir) et la défaite, bien réelle celle-là, qu’il faut digérer. Des joueurs et particulièrement le joueur choisi parce qu’engrangeur talentueux de buts et qui regarde ailleurs alors que le président s’évertue à souffler en vain sur des braises déjà tièdes.

Finalement, un coup de « pub » sinon un ultime pénalty médiatique qui risque, politiquement, de lui porter ombrage.

Comme l’écrivait le Dalaï Lama, voilà le conseil que vous auriez pu, Monsieur le Président, de manière la plus elliptique qui soit, et au-delà de toutes effusions, dispenser à ces joueurs manifestement abattus et au bout du rouleau :

« Remerciez vos ennemis, ils sont vos plus grands maîtres. Ils vous apprennent à faire face à la souffrance et à développer la patience, la tolérance, la compassion, sans rien attendre en retour. »

 

Une belle feuille de route, non ?

 

Bernard VADON

Rédigé par Bernard Vadon

Publié dans #J - 2 - B ( Journal )

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