AU MAROC, LA CITÉ MILLÉNAIRE ET THERMALE DE MOULAY-YACOUB  AJOUTE, PAR LA SPÉCIFICITÉ DE SES EAUX, A LA FABULEUSE SAGA D’UN ROYAUME LÉGENDAIRE RÉSOLUMENT TOURNÉ VERS LA MODERNITÉ.

Publié le 3 Janvier 2025

« le Maroc ressemble à un arbre dont les racines nourricières plongent profondément dans la terre d’Afrique et qui respire grâce à son feuillage bruissant aux vents de l’Europe. ».

Sur le plan de la politique internationale, l’œuvre de Hassan II fut très importante et tenait dans cette phrase - en ouverture de cet article - qu’il aimait à répéter. Personnellement, et en amoureux sinon farouche défenseur des arbres, elle me comble.

D’autant que les racines du Maroc sont effectivement et incontestablement sahariennes. C’est pourquoi, le recouvrement de l’ancien Sahara espagnol fut une cause non négociable pour Hassan II. De fait, en 1975, confronté aux hésitations espagnoles, et inquiet - déjà ! - des manœuvres algériennes, le roi Hassan II eut alors l’idée géniale d’envoyer des centaines d’hommes et de femmes reprendre pacifiquement possession de cette partie du territoire national indument perdue lors des partages coloniaux. En l’occurrence, le Sahara Occidental.

En quelque sorte, une façon très césarienne de rendre au Maroc ce qui, de droit, lui appartient !

Historiquement, jeudi 6 novembre 1975, la marche fut donc lancée, baptisée «La Marche verte» à laquelle participeront des centaines sinon des milliers de marocains, brandissant le Coran Une foule impressionnante portée par un incroyable enthousiasme se mouvant dans une mer de drapeaux représentatifs du royaume chérifien.

Un défi qui, plus tard, sera relevé par Mohammed VI jusqu’à en faire une cause nationale. Un pari en fin de compte gagné avec, tout récemment, la France trop longtemps restée muette et qui, à la remorque de nombreuses autres grandes puissances, dont les États-Unis, fut enfin convaincue de devoir ajouter sa voix en faveur de la reconnaissance de ce Sahara Occidental en sa qualité intrinsèque de terre marocaine.

Dans un autre contexte, à l’instar de cette cité thermale située à proximité de la ville de Fès qu’il nous avait été donné de découvrir il y a une trentaine d’années, le Maroc recèle quelques trésors cachés.

Un voyage entre amis, au demeurant improbable, qui nous a permis, il y a peu et à quelques vingt kilomètres de la cité impériale de Fès, au Nord-Est du Maroc - une ville dépositaire de treize siècles d’Histoire, capitale culturelle réputée pour sa médina fortifiée abritant les médersas Bou Inania et Al Attarine datant du XIVe siècle - de redécouvrir au travers d’une authentique saga un trésor, parmi tant d’autres,  qui ajoute à l’attrait du Maroc.     

Là, au creux d'une vallée cernée de montagnes dénudées, nous était apparu, dans un paysage quasi lunaire, raviné et aride lui servant de décor austère, le village sacré de Moulay-Yacoub regroupant quelques maisons sans caractère particulier, accolées les unes aux autres à flanc de montagne. Des constructions basiques allant jusqu’à défier les lois élémentaires de l’équilibre. Spécificité qui incitèrent les premiers résidents à avoir recours à de robustes baudets pour se déplacer - aujourd’hui encore à la tâche - imbattables lorsqu’il s’agit, pour ces sympathiques équidés, de se jouer, en tous points de la cité, de ruelles pentues souvent périlleuses.

Depuis des siècles, des pèlerins nourrissent leurs dévotions de ces sources chaudes, à priori miraculeuses, jaillissant des entrailles de la terre et auxquelles, ils confient leurs détresses physiques sans oublier les guérisseurs locaux. Ceux-ci officiant au cœur de cette modeste et banale ville, à deux pas du tombeau de Lalla Chafia, la fille d’un sultan qui, si l’on en croit la légende, mourut désespérée parce que son père voulait la marier contre son gré.

Pas très original dans ce pays où sévit parfois un patriarcat quasi institutionnel !

Ce sera, histoire millénaire sinon transcendantale oblige, aux anges d’emporter, via les nuées et en état de dormition, le corps de la jeune vierge au sommet de la montagne qui domine le village de Moulay-Yacoub.

Depuis ce drame, les pèlerins qui veulent exaucer un vœu, à l’heure de midi, marchent, en priant, jusqu’au tombeau afin de confier leurs détresses à la sainte endormie.

Ces temps ne sont plus quant à leur intensité spirituelle mais certaines valeurs perdurent - et c’est tant mieux - dans cet environnement d’exception que nous avons, non sans bonheur et curiosité aiguisée, redécouvert.

Les eaux chaudes de Moulay Yacoub -  faut-il le rappeler -  sont exceptionnelles de par leur minéralisation et leur température. Mais aussi par leur débit important tenu comme étant parmi les plus importants dans le monde du thermalisme. En tout cas, une eau minérale considérée parmi les plus riches du Maroc en raison de ses vertus thérapeutiques ajoutées. Une eau hyperthermale proche de  l’eau de mer avec la singularité supplémentaire d’être soufrée.

Parfait exemple de ce thermalisme, les premières descriptions sérieuses qui interpellent sont historiquement celles, en 1569, du géographe Nicolas de Nicolay, qui s’attarde sur celles de Vichy - un autre lieu de référence en la matière. Quant à Nicolas Dortoman, médecin à Montpellier, il s’intéressera, avec un égal intérêt, aux eaux de Balaruc - dans le sud-est du département français de l'Hérault en région Occitanie - déjà connues dans l'Antiquité. Balaruc-les-Bains était, en 1579, consacrée au thermalisme sous le nom antique de Maimona.

 Un thermalisme en pleine explosion et d’autant plus intéressant qu’il regroupe l’ensemble des activités liées à l’exploitation et à l’utilisation des eaux thermales. Que ce soit à des fins récréatives ou de santé. Une activité d’exception qui concerne aussi bien l’Histoire et l’économie que les acteurs  chargés de valoriser le patrimoine mais aussi l’ensemble des moyens mis en œuvre lors des cures dans ces stations équipées selon des règles strictes. Il en résulte une économie de marché dans la ligne fixée par l’économiste démocrate français, Léon Walras, qui avait, au 19eme siècle, une approche économique conciliant les mathématiques et ses idéaux républicains. Ce qui après la Révolution de 1848 n’était pas forcément gagné :

« L'ensemble de toutes les choses, matérielles ou immatérielles, qui sont susceptibles d'avoir un prix parce qu'elles sont rares, conforte la théorie de la richesse sociale qui rassemble toutes les choses susceptibles d'avoir un prix parce qu'elles sont précisément rares, c'est-à-dire à la fois utiles et limitées en quantité » estimait-il.

En attendant le thermalisme, lentement mais sûrement, traçait un chemin déjà en vogue, si l’on peut oser l’expression. Ainsi, en mai-juin 1676, Marie de Rabutin-Chantal, autrement connue sous le nom de Madame de Sévigné, célèbre épistolière française, se rendit pour la première fois à Vichy pour une cure de quinze jours. Dès cette période, on commence à acheminer des bouteilles cachetées vers la capitale et en septembre 1687, elle décidera de suivre une amie à Bourbon mais se fait livrer chez elle son eau de Vichy dont on retrouvera plus tard quelques similitudes au Maroc.

La célèbre femme de lettres sera l’involontaire précurseure, cette fois dans les années 30 et à Moulay Yacoub, de personnalités prestigieuses telles qu’André Gide et Henry de Montherlant. Moulay-Yacoub étant cependant déjà réputée pour soigner les rhumatismes, certains eczémas, urticaires, cellulite, les névralgies et névrites mais aussi les sciatiques ainsi que les affections chirurgicales osseuses ou d’origine gynécologiques. 

D’ailleurs, dans une lettre datée du 24 Avril 1931, Henry de Montherlant écrira, à propos de l’un de ses livres en phase d’édition et dont la trame avait pour décor la région de Fès :

« Mon prochain volume, « la Rose de sable », va déchainer la colère et la calomnie... ».

Finalement, l’auteur de « La Reine Morte » mais aussi de « Pitié pour les Femmes », renoncera à publier ce roman pour des raisons supposées « patriotiques » mais en réalité ne voulant surtout pas que la charge anticolonialiste qu’il contenait causât quelques désagréments au protectorat français de l’époque. En effet, la quasi-totalité du récit a pour décor le Maroc et que toute la trame y est « marocaine » :

« Si on devait faire une lecture symbolique du roman d’Henry de Montherlant, au-delà d’une lecture politique qui révèlerait l’attitude anticoloniale de cet auteur, on dirait que son personnage, jeune officier, représente la France, incarne la France, et que la jeune « amante » symbolise la résignation du Maroc sous le protectorat, son hostilité latente, son refus de se laisser appréhender dans son intimité, sa sourde résistance, sa froide révolte. » note Abdejlil Lahjomri, secrétaire perpétuel de l’Académie du Maroc.

Et d’ajouter, à cette démonstration anthropologique, cet autre constat de Jacques Berque - sociologue et anthropologue - estimant, dans son ouvrage « Le Maghreb entre deux guerres », que l’esthétisme (un mouvement artistique et littéraire britannique qui émergea au XIXe siècle)  d’Henry de Montherlant, même bienveillant, méconnait totalement ce mouvement de l’Histoire ; et que son personnage évolue plutôt en faveur des indigènes  appartenant à une  « race vaincue et moribonde » que l’influence européenne ne fera qu’achever.

Sans commentaire !

Ce fameux « indigène » ainsi qualifié mais fort digne d’intérêt, n’en reste pas moins emprisonné dans sa défaite, croulant sous le poids de sa ruine, éveillant chez l’observateur, une pitié distante et hautaine qui ne coûte rien lorsque la bienveillance est gratuite et artificielle. Une facette assez détestable d’un colonialisme florissant.

Dans le même esprit anthropologique, une étude porte sur un ensemble de textes issus d’œuvres référentielles, proposée, cette fois, par André Gide, l’auteur de « La symphonie Pastorale » et des « Nourritures Terrestres ». Ce dernier évoquant les femmes du Sahara, avec, si l’on peut oser, comme grille de lecture commune, l’expression de la masculinité de l’écrivain. En effet, c’est au Sahara qu’André Gide s’intéressera aux femmes du désert.

Il est d’ailleurs intéressant de se demander si ce sentiment de décalage par rapport à une norme sociale établi, induit à terme les femmes. En fait, André Gide pose un regard différent et à rebours de celui des touristes qui circulent dans le Sahara, et, de ce fait, il semble avoir quelques difficultés à considérer en égales les femmes sahariennes.

Un sentiment quelque peu singulier. Non ?

Ou alors, le désert saharien, espace à l’époque mal cartographié et au climat hostile, aurait-il été (c’est Sylvain Venayre -  historien français, spécialiste du XIX e siècle et de l'histoire des représentations qui avance cet argument) un lieu propice à l’avènement de l’aventure pour un homme du début du XXe siècle et qui, fort de ce concept, lorsqu’il marche vers le Sahara, se draperait en aventurier. Question. 

En guise d’explication, ou de rattrapage, quant à ce rapprochement de l’aventure au sens physique et de la quête personnelle d’identité, Sylvain Venayre définit l’aventure en question comme « une mystique moderne. Ce qui me remémore l’œuvre de Philippe Sollers ( l’un des plus grands penseurs de notre temps) dans son ultime confession littéraire intitulée « La Deuxième Vie »  paru, l’an dernier, chez Gallimard, et qui écrit : 

« Si j’en crois la Théologie, j’ai droit, après ma résurrection, à un Corps Glorieux, dont je connais les principaux caractères : impassibilité, clarté, agilité et subtilité. » ajoutant : 

 « C’est seulement lorsque la puissance se heurte au néant, lorsqu’elle ne trouve même plus d’adversaire à se ‘fabriquer’, qu’elle s’effondre en son essence et en elle-même. » 

A contrario -  et cela me conviendrait mieux humainement parlant - Michelle Perrot,  historienne et professeure d’université française, autrice de « Mon histoire des femmes » a montré en quoi l’émancipation politique des femmes a coïncidé avec leur sortie des espaces qui lui étaient jusqu’alors traditionnellement dévolus et en tout premier lieu, la maison. Leur investissement, en d’autres sphères autrement masculines, dont la politique et la presse notamment, prêtant moins à conflits.

Finalement, pour André Gide, l'Afrique du Nord fut l’ébauche d’une seconde naissance par le fait qu’il en reviendra porteur d'une nouvelle dimension intérieure qui eut, à terme, une influence notable sur une grande partie de son œuvre. Une sorte de contrepoids à la part morale, protestante, parfois mystique héritée de son éducation. Une influence qui pourrait - surtout aujourd’hui - dépasser une certaine forme de raison. Pour preuve, ce qu’il écrivait dans son journal, le 24 février 1946 :

« Le monde ne sera sauvé, s'il peut l'être, que par des insoumis. »

Il fallait oser, même si depuis ce temps pas si immémorial que cela, certains de nos contemporains s’en sont, commodément sinon malheureusement, inspirés.

 Suivez mon regard en direction de la sphère politique française actuelle !

Aujourd’hui, avec plus d’un million de visiteurs par an, la station thermale de Moulay Yacoub est  mondialement connue pour la qualité de ses eaux thérapeutiques et réputée pour les bienfaits des eaux de sa source sulfureuse jaillissant de plus de 1500 mètres de profondeur … à la température de 54°C !

Une spécificité qui n’a pas échappé aux responsables de stations thermales européennes et particulièrement françaises dont Luchon - en Haute-Garonne -  une renommée deux fois millénaire qui consacre les vertus thérapeutiques et qui se trouve toujours à la place que lui avait assigné Strabon, le célèbre géographe grec, qui proclama, dès le début de notre ère, les sources de Luchon comme étant  « des eaux excellentes ». Historiquement, en 1867, le Prince Impérial, fils de Napoléon III et de l’Impératrice Eugénie, séjourna à la station thermale de Luchon où il fut soigné aux Thermes. La réputation de Luchon fut alors établie et les Thermes de Luchon se développèrent en suivant. Dés 1860, le traitement des voies respiratoires sera développé ainsi que les pulvérisations, le humage sans oublier les insufflations. Mais c’est au Maroc, sur le site de Moulay Yacoub-Fès, que la ville de Vichy, appelée parfois autrefois Vichy-les-Bains -  située dans le centre de la France, précisément dans le sud-est du département de l'Allier, en région Auvergne-Rhône-Alpes - grâce à une eau particulièrement riche en sels minéraux et oligo-éléments, qu’elle a forgé et exporté sa réputation internationale en développant un thermalisme à la française et toutes les activités qui s’y rapportent, sous la raison sociale de « Vichy- Célestins ».

 

Propriété du Groupe Roxane auquel, en 1993, se joindra le groupe Castel qui lui-même le cèdera à une entreprise japonaise, la maison mère est basée dans le sud-est du département de l'Allier, en région Auvergne-Rhône-Alpes. Inscrite au patrimoine mondial de l'UNESCO, aujourd’hui dans le décor  de la cité marocaine de Moulay Yacoub, elle sert de miroir au « Vichy Thermalia Spa Hôtel », une expérience communautaire d’exception alliant plaisir gastronomique, santé thermale et reconnexion avec soi-même. Et remise en florme.

Accolé aux Thermes historiques, le complexe inclut à ce jour un centre thermal et un Spa de 4 000 m² ainsi qu'un hôtel 4 étoiles de 100 chambres. Mais encore, un restaurant international et diététique, un bar, un kids club (espace pour les enfants) ainsi qu’une piscine extérieure animée et chauffée à 34 degrés tout l’hiver. 

Située au Nord-Ouest de Fès, dans la région de Fès-Meknès, au milieu d’un paysage qui ne manque pas d’interpeler par la singularité de ses montagnes et la frugalité d’une végétation rabougrie. Cette dernière ajoutant au sentiment de paix qui émane de ce lieu aux vertus thermales de son eau soufrée connue à travers tout le royaume et bien au-delà.

Un environnement qui sied admirablement à Moulay Yaâcoub, ville de moins de 5000 habitants, située dans les collines au Nord-Ouest de Fès, dans la région de Fès-Meknès, particulièrement prisée par les marocains qui vont y chercher un bonus de santé mais aussi, et pour un grand nombre, honorer la personne de Moulay Yacoub.

Une figure qui continue d’intriguer les historiens.

En effet, comment se fait-il qu’un saint puisse attirer autant de pèlerins et cela depuis des siècles, et qu’il soit aussi mal signalé dans les archives des chercheurs ?

Pour exemple, aucune trace de ce personnage ne figure dans la riche encyclopédie du Maroc El Maâlama.

Aussi, et comme souvent dans une société à tradition orale, le mythe prend le pas sur la réalité historique et donne libre cours aux légendes et aux symboles. A l’imagination, sinon au rocambolesque.

La plus ancienne référence à la station thermale de Moulay Yacoub remonterait au temps de Juba II, roi de Numidie de 30 à 25 av. J.-C. puis de Maurétanie, de 25 av. J.-C. à 23 après J.-C. Outre son règne réussi, c’était un érudit et un auteur très respecté.

Au début de l’ère chrétienne, alors que le puissant roi amazigh aurait fait siennes certaines coutumes romaines, voulant rivaliser avec l’empereur de Rome, Juba II s’intéressera à la construction de ses propres Thermes.

Géographiquement parlant, à quelques kilomètres d’un de ses lieux de résidence,  en l’occurrence Volubilis - existe une source d’eau chaude « prête à l’emploi ».

Le site prendra alors l’appellation latine de « Aquae Ioubae » (littéralement, « les eaux de Juba ») en abréviation : « Aquioub ».

La ressemblance phonétique pourrait laisser croire à une récupération postérieure par les Arabes lesquels, arrivés huit siècles plus tard, étaient déjà familiers du nom sémite de Jacob qu’ils auraient tout naturellement transformé en Yacoub.

Pas évident.

Car cette hypothèse, aussi séduisante soit-elle, n’explique pas forcément la vénération que vouent les musulmans au personnage de Moulay Yacoub.

Aussi, l’historien Lotfi Bouchentouf s’est-il penché, pour le compte du prestigieux magazine « Zamane » -  mensuel historique consacré à l'Histoire du Maroc et publié en deux versions linguistiques, francophone et arabophone -, sur le cas passionnant de Moulay Yacoub.

Il en ressort que les informations, glanées dans les ouvrages d’hagiographie « El manakibs » et dans « Kitab tachaouf » de Ibn Zyati, font ressortir trois récits distincts.

Les deux premiers font état d’un adepte du soufisme, devenu un saint vénéré par les pèlerins. Plus précisément, sous le règne des Almohades et cela pendant la seconde moitié du XIIe siècle.

Un homme se distinguera en devenant un majdoub (dans le soufisme, un majdoub est celui qu’une force supérieure divine appelle à lui).  A la différence de l’érudit qui, volontairement, consacre sa vie à la spiritualité pour se rapprocher de la Vérité.

Le majdoub serait donc, au cœur de cette saga incroyable, une sorte d’élu de Dieu ayant accédé au rang des personnages vénérables. Une fois les signes divins interprétés, ce majdoub, précisément  nommé Yacoub, entreprendra la démarche classique d’un érudit en devenant ermite.

Ainsi, à une vingtaine de kilomètres de la capitale de Fès, un site qui aurait parfaitement correspondu à ce bien-être souhaité, en l’occurrence l’actuel Moulay Yacoub, en raison de ses sources d’eau chaude providentielles jaillissant naturellement à 54°C , deviendra vite un lieu de villégiature et de recueillement recherché.

Au fil des siècles, les visiteurs de plus en plus nombreux sont devenus d’authentiques et sincères pèlerins espérant, par leurs prières, la bénédiction du saint local et leurs vœux exhaussés.

Ce qui ne retire en rien à la confusion liée à l’origine précise du nom Moulay Yacoub.

Le Maroc est alors placé sous le règne du sultan almohade Yacoub El Mansour (1184–1198) … à ne pas confondre avec Moulay Yacoub El Mansour Adahbi (sultan saâdien du XVIe siècle).

En ce cas, pour quels autres motifs, le nom de Moulay Yacoub ne ferait-il pas simplement référence au souverain de l’époque ?

Une hypothèse au demeurant pertinente mais qui reste une hypothèse.

Sinon qu’un second récit se déroulant à quasiment la même période que le premier, nous apprend que le fameux Moulay Yacoub serait l’un des fils du sultan (almohade) Yacoub El Mansour.

Issu de l’élite dirigeante, le Moulay Yacoub en question ne serait cependant pas un majdoub.

Pour autant et séduit par la philosophie soufie, il décidera, sciemment, d’abandonner tous les privilèges liés à son rang. Un « sacrifice » qui ne va pas manquer d’accroître son  prestige religieux.

Manifestement bien joué !

Néanmoins, pour mieux saisir la popularité de Moulay Yacoub, il faudrait toutefois revenir sur le sens de la quête spirituelle des soufis. En effet, selon ces derniers, toute existence procède de Dieu, et Dieu seul est réel. Le monde créé n’est que le reflet du divin. Seule, une initiation permet de pénétrer derrière l’apparence des choses. La démarche, effectuée par ce prince, est d’autant plus exceptionnelle, qu’il renonce surtout à la tentation du pouvoir politique.

On ira même jusqu’à raconter, de façon certes anecdotique, que Moulay Yacoub vêtu d’habits rapiécés  - marqaraa, en arabe - se serait rendu dans la région de Sidi Harazem pour parfaire son initiation. Le vêtement d’indigent, sinon de miséreux, qu’il portait représentant le symbole du renoncement aux biens matériels et du dévouement à la spiritualité.

Bref, une fois parvenu à destination, ce Moulay Yacoub aurait ensuite profité, comme celui du premier récit, de la singularité et de l’attractivité du lieu pour parfaire sa popularité.

Enfin, le troisième récit apparait autrement plus conforme au surnaturel. Au sens propre du terme : hors du monde naturel et en dehors du domaine de l'expérience en échappant aux lois fondamentales de la nature. Il s’intègrerait en tout cas de manière plus évidente dans ce contexte où l’imagination vient parfois à la rescousse d’une histoire soudain incohérente parce que n’entrant pas systématiquement dans la norme du rêve dont Paul Valéry disait  :

« Le rêve est le phénomène que nous n'observons que pendant son absence. Le verbe rêver n'a presque pas de présent. Je rêve, tu rêves. »

S’il est donc difficile de trouver des écritures fondées s’y référant ;  en revanche, on peut trouver une explication dans les contes populaires où les barrières sémantiques sont moins rigides.

Pour illustration,  l’aventure d’un djinn (jenn) répondant au nom de Sidi Blal appartient au peuple de ces djinns (ou jnoun) qu’on appelle msakher. En d’autres termes, des personnes vouées au service commun.

Explication ésotérique ou tout bonnement cartésienne car pour en arriver là, le djinn a vraisemblablement dû commettre une erreur (néanmoins car dans le récit cette faute de Sidi Blal n’est pas précisée). Une faute qu’il doit donc en obéissant aux ordres d’un saint.

En l’occurrence, ce sera à Moulay Abdelkader Jilani (Jilali pour les marocains) auquel Sidi Blal devra rendre des comptes.

De fait, considéré comme le seigneur des saints à l’apogée de Bagdad, Jilani - l’ancêtre des membres de la zaouïa Kadiria - sans autres formes de procès, et comme il se doit de jugement,  a, de façon péremptoire, ordonné à Sidi Blal de se rendre au bout du monde arabo-musulman afin d’expier sa faute. Sa mission - on dirait aujourd’hui sa peine plancher ou peine minimale incompressible imposée par la loi - consistant, pour Sidi Blal, à réchauffer les eaux d’un site bien précis … en l’occurrence, celles de Moulay Yacoub.

Vous me suivez ?

Sidi Blal obéit et se rend à l’endroit désigné pour accomplir sa tâche.

Cependant, dubitatif, Jilani ne lui accordant, apparemment, aucune confiance, chargera un certain Yacoub de surveiller le djinn dans sa tâche.

Vous me suivez toujours ?

Qu’importe, en tout cas une légende opportune qui apporte bien des réponses à certaines expressions utilisées encore aujourd’hui sur le site. La plus célèbre étant le « bared ou skhoune à Moulay Yacoub » en clair, une commande que l’on passe lorsqu’on prend son bain à la station thermale.

Finalement,  Sidi Blal régulera la température de l’eau sur ordre de Moulay Yacoub d’où l’invocation de son nom.

 

Bernard VADON

( à suivre ci-dessous) 

 

 

 

A partir de ces préceptes, au fond simples sinon élémentaires, en tout cas pour toute personne convaincue du mystère, les pèlerins respectueux d’un protocole quasi institutionnel, procèderont par une sorte de supplication adressée aux habitants du lieu (moul lmakane) en sollicitant leur indulgence et la barakah. Obtenir une bénédiction et par extension, avoir de la chance.

A savoir, toutefois, que dans cette recherche d’absolu, les seigneurs et maîtres peuvent être, soit des saints soit des djinns considérés comme des créatures surnaturelles issues de la mythologie arabique préislamique et reprises, plus tard, dans la théologie et la mythologie islamiques. Ils n’existent pas seulement dans la tradition musulmane mais aussi dans la sensibilité spirituelle païenne ou chrétienne ultérieurement absorbée par l'Islam.

Selon le Coran, furtifs à l’œil et entendables, ils sont quand même doués du libre arbitre et seront jugés de conserve avec les humains au jour du jugement dernier.  Créés à partir d’un feu sans fumée, on retrouve leur trace dans le Coran - Sourate 51 - Verset 56 - où Dieu écarte solennellement tous doutes à leur sujet :

« Je (Dieu) n'ai créé les Djinns et les Hommes que pour qu'ils M'adorent. »

Autant dire que les djinns occupent une place importante dans la croyance des marocains, et font l’objet de nombreux mythes dont l’influence sinon le pouvoir sur les eaux de Moulay Yacoub est total.

Si l’on s’en tient à la croyance populaire la conjonction des trois éléments eau, feu et soufre,   en un même lieu, constitue l’endroit propice à l’apparition des djinns. Le site de Moulay Yacoub en constitue indubitablement le site parfait. D’autant qu’à des époques plus lointaines, les gens n’étaient pas capables d’expliquer rationnellement le phénomène des sources chaudes.

Ce n’est donc pas un hasard - qui, de toutes façons et je le rappelle, en tout cas pour moi, n’existe pas  - si les innombrables hammams marocains font encore l’objet de tant de mythes.

Ne serait-ce que la fameuse superstition liée à l’écoulement de l’eau chaude dans les canalisations des maisons marocaines, surtout à une heure tardive. Une opération (qui serait) tout simplement assimilé à un appel aux djinns !

La station thermale moderne « Vichy Thermalia Spa Moulay Yacoub »  est opérationnelle depuis mars 1962, date de son inauguration par le Roi Hassan II.

Son fondateur, le docteur François Cléret - ancien médecin de Mohammed V et de Hassan II - dévoila les secrets de sa naissance en confiant s’y être intéressé suite aux bienfaits reconnus de ses eaux sur les maladies de la peau. Convaincu des propriétés singulières de celles-ci, il fera analyser les molécules sulfurées de l’eau de Moulay Yacoub par des chimistes. Les résultats dépasseront toutes ses espérances. En effet, les composants de l’eau, faiblement radioactifs, l’investissent d’une qualité exceptionnelle :

«Peut-être la meilleure du monde » devait-il alors déclarer.

Découvrant aussi que ces eaux soulageaient également les infections respiratoires, il  décida d’en informer le souverain Hassan II lequel, confiait-on, aurait été affecté par des problèmes d‘ordre respiratoires.

Grâce ou pas à cela, en tout cas le nouveau Moulay Yacoub est en route.

En effet, le roi séduit par l’importance que pourrait prendre le site débloque les capitaux nécessaires à un réaménagement total du site de Moulay Yacoub.

De son côté, le docteur Cléret s’occupe de la réalisation du projet et fait appel à un expert de ses amis, le docteur Molinéri, alors responsable de la station thermale de Luchon. Ensemble, ils décident d’augmenter le débit en effectuant un forage risqué. Cette délicate étape franchie, le docteur Cléret aménage deux pavillons distincts précisant :

« J’en voulais un pour le traitement des maladies respiratoires et un autre pour les dermatoses» . Convaincu de la potentialité du site, le docteur Cléret promeut sa construction dans le but d’accueillir, non seulement les marocains, mais également les étrangers.

Parmi ces découvreurs, il serait injuste de passer sous silence l’action, vers 1930, de l’un des pionniers du thermalisme marocain, le docteur Edmond Secret qui, lors d’une conférence-excursion à Moulay Yacoub, organisée avec l’association « Les Amis de Fès », le 10 avril 1938, avait déjà tenté de rechercher l’origine lointaine des bains de Moulay Yacoub.

 

De son côté, Marcel Bouyon, journaliste au Progrès de Fez, donnera un compte-rendu de la conférence intitulée :  « Moulay Yacoub guérisseur » expliquant dans son article que le docteur Secret avait relaté la journée d’un baigneur berbère à Moulay Yacoub  depuis son arrivée sur les lieux jusqu’à sa guérison : 

 « Le docteur Secret a ensuite tenté de rechercher l’origine lointaine des bains de Moulay Yacoub et trouva un rapprochement phonétique très curieux entre « Aqua Youba » – les eaux de Juba II, roi de Maurétanie au premier siècle de la chrétienté – et Moulay Yacoub. Les romains, qui utilisaient alors, dans la métropole et en Afrique du Nord, toutes les ressources minérales et thermales, les connaissaient sans aucun doute. Moulay Yacoub -Aqua Youba – tout près de Volubilis et les traces de l’aqueduc qui traverse la plaine du Saïs, des sources du Bou Rkeiss en direction de Moulay Yacoub, ne peuvent s’expliquer que par une canalisation indispensable à l’alimentation en eau potable de cette station thermale. Après analyse de quelques textes arabes et l’évocation de la tribu berbère des « Aït Youb » dans laquelle le culte de ce saint a subsisté,  à travers les siècles, le Dr Secret s’intéressa à la question de la composition et de l’utilité des eaux de Moulay Yacoub sur place ou transportées à Fès »

Localisée, selon le chercheur, à quelques 1500 mètres sous terre et circulant ensuite à une profondeur allant de 1 à 6 kilomètres avant de traverser des terrains d'origine jurassique et du trias puis d’alimenter au cours de son périple, la source du village de Moulay-Yacoub, au coeur des montagnes du Pré-Rif,  le docteur Secret assurant encore et si nécessaire combien :

 « La qualité de cette eau améliore nettement les peaux psoriasiques. Le bain ayant pour effet de nettoyer les squames ( lamelles de cellules cornées à la surface de la peau .

Précisant encore :

« L'eau se caractérise par une très légère radioactivité naturelle et de ce fait, a des propriétés anti-inflammatoires ». 

Médicalement parlant, il se confirmait donc bien que les bienfaits de l’eau thermale de Moulay Yacoub - récupérée à 54°C avant d’être refroidie à 38°C environ puis d'être utilisée dans le Centre Thermal - étaient reconnus en rhumatologie et dans les pathologies de la sphère ORL, des rhinites aux rhino-sinusites en passant par les pharyngites, les amygdalites, les maladies broncho-pulmonaires mais également en dermatologie pour ce qui touche aux soins des psoriasis, des séquelles de brûlures et à certaines acnés et névrodermites.

Cependant et avant la découverte des constituants physicochimiques de ces eaux, les guérisons étaient attribuées à un magicien surnaturel sinon divin. La composante mystico-religieuse étant en quelque sorte matérialisée par le Marabout du saint qui inspira naturellement son nom au village ainsi que par le tombeau de Lalla Chafia érigé sur une colline dominant le site. La croyance populaire donnant lieu à un véritable pèlerinage thermal et à des fêtes collectives marquées par des danses autour de la piscine et des sacrifices d’animaux près du sanctuaire.

Retour aux superstitions et autres croyances ?

« Je ne peux m’empêcher de citer Hassan II qui estimait qu’il ne faut pas perdre son temps à avancer des arguments de bonne foi face à des gens de mauvaise foi.»

Comprenne qui veut.

En 1965, C. Cabaret, dans sa thèse sur les eaux thermales marocaines, mentionne cinq sources thermales comportant le nom de Moulay Yacoub. Il ira jusqu’à établir l’hypothèse que celui-ci a pu être donné par analogie avec la composition des eaux ou par référence aux légendes se rattachant à la première et la plus importante de ces sources, où se trouve actuellement le Marabout de Moulay Yacoub. Les habitants attribuant aussi le nom de Moulay Yacoub en souvenir d’un sultan Moulay Yacoub qui aurait été guéri à la source, mais on ne sait à quelle dynastie il appartenait.

La notion de mystère est préservée.

Garcia Lorca n’estimait-il pas que toutes choses ont leur mystère, et que la poésie, c’est le mystère de toutes les choses ? Et cela, en écho à Edgar Morin qui affirme que l’homme porte le mystère de la vie qui, elle, porte le mystère du monde.

La boucle est assurément bouclée.

Claude Boussagol, quant à lui, dans une communication intitulée : « Moulay Yacoub, légende, tradition et médicalisation », faite à Fès, à la séance du 29 mai 1993, et commune à l’Association marocaine d’Histoire de la Médecine et à la Société française d’Histoire de la Médecine, se borne à considérer que différents récits et légendes attribueraient les guérisons à un personnage présenté comme étant un individu riche et puissant ayant fait vœu de pauvreté mais aussi à un saint homme menant une vie exemplaire. Pour finalement convenir de ce que :

« Toutes ces légendes s’accordent pour faire de Moulay Yacoub un saint homme ayant exercé, au moins pendant une partie de sa vie, la profession de « guerrab » (ou porteur d’eau), qu’il  plaçait dans une « choukara » (sacoche) percée les produits de son commerce laissant ainsi aux pauvres qui le suivaient la possibilité de récupérer les pièces de monnaie qui tombaient derrière lui. » L’image est incontestablement belle.

Certains affirment enfin que Moulay Yacoub serait mort au cours d’un voyage vers les Lieux Saints et aurait été enterré en Égypte. Pour d’autres, sa sépulture serait au Djebel Kandar.  Mais selon une autre hypothèse - ce qui authentifierait le merveilleux de cette étrange mais passionnante affaire -  son mausolée serait bien à Moulay Yacoub, ce village sans prétention architecturale - ô combien ! - où, par le miracle de la source mystérieuse qui y jaillit, ce saint de l’Islam, patron des porteurs d’eau, continuerait de dispenser ses bienfaits. Une hypothèse qui écarte toute éventuelle confusion intellectuelle avec le Sultan almohade, Abou Ben Youssef Ben Mansour, ayant vécu au 13ème siècle et qui aurait, tout simplement, bénéficié, comme aujourd’hui, des dons de cette eau quasi miraculeuse.

Sinon, outre les légendes, on retrouve peu de documents concernant Moulay Yacoub.

Les premières mentions écrites concernant les vertus de la source, semblent exister à partir du 9ème siècle. Plus tard, dans l’ouvrage historique « Al Quirtas »  de l’historien Ali Ibn Abi Zaraa, décédé en 1326, il est fait mention, à la fois des bienfaits de l’eau de Moulay Yacoub et du décès du Saint qui veille sur elle.

Moulay Yacoub est également cité dans le livre des grandes maisons de Fès de l’historien Ismaïl Ibn Al Ammar qui fût employé au palais des Mérinides. Il y mentionne : « la rivière qui descend du mont béni où fut enterré le Marabout Yacoub El Mansour ».

Enfin, au 16ème siècle, plusieurs ouvrages consacrés à la région de Fès font allusion aux sources thermales de Khalouan (Sidi Harazem) ainsi qu’à celles de Moulay Yacoub. Ce saint de l’Islam avait aussi pour nom, Yacoub El Mansour Ibn Al Achqar El Bahlouli de la tribu des Bahlouli de la région de Fès, décédé en 689 de l’hégire (1291 de l’ère chrétienne. Ce qui correspond à la période des Mérinides et aux premières mentions connues des vertus thérapeutiques des eaux et des pouvoirs de leur saint-patron.

De quoi réconcilier chacun.

Mais si toutes ces mentions peuvent, dans leur imprécision, laisser place à des interprétations variées, il semble, en revanche, que les historiens spécialisés se soient souvent accordés sur l’identité de ceux qui ont donné leur nom à ces lieux.

N’est-ce pas l’essentiel ?

Finalement, au-delà de sérieuses études sur la question, pour leur plus grand nombre confirmées par la science, on pourrait s’en tenir à la légende populaire - qui souvent rejoint la vérité scientifique - laquelle affirme qu’il n’y a bien souvent que la foi qui sauve. La merveilleuse foi.

Saint-Augustin, l’un des quatre Pères de l’Église, enseignait :

 “Crois et tu comprendras ; la foi précède, l'intelligence suit.”

En manière de preuve (s) , je n’ai rien trouvé de plus convaincant.

Bernard VADON

 

Vichy Thermalia - Spa Hôtel - Moulay Yacoub - BP 2426 - Fès Principale - 31 650 Moulay Yacoub - Fès.

Tél : +212(0) 535694064

www.moulay-yacoub-vichythermalia.fr

Rédigé par Bernard Vadon

Publié dans #J - 2 - B ( Journal )

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