Quand le pape François « se paye », aimablement mais fermement, la laïcité à la française ou quand les crèches sont à nouveau sur la sellette.
Publié le 26 Décembre 2024
Si l’on en croit Mgr Éric de Moulins-Beaufort, archevêque de Reims et président de la Conférence des évêques de France (CEF), le pape François considère la laïcité à la française "avec un peu de distance ou une évaluation gentiment critique" (sic).
Un sentiment récemment confié par le Saint Père lors d’une rencontre au Vatican.
A cette occasion, et alors que, selon certaines informations , la Commission européenne recommanderait de ne plus se souhaiter un « joyeux Noël » ( non, vous ne rêvez pas !) les évêques en déplacement à Rome ont, quant à eux, évoqué la réception du rapport de la Ciase, le défi de l’explosion du nombre de catéchumènes en France mais encore le rôle que la CEF ( la Conférence des évêques de France) entend jouer dans les "groupes de travail" du Synode sur la synodalité.
Encourageant, non ?
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Mgr Eric de Moulins-Beaufort
La délégation de la conférence épiscopale française qui a rencontré le pape François, dans un bureau de la Salle Paul VI, était composée de Mgr de Moulins-Beaufort, de Mgr Vincent Jordy, archevêque de Tours et vice-président et du secrétaire de la CEF ainsi que du père Hugues de Woillemont. Selon le service de presse du Vatican, cette visite, qui n’avait rien d’exceptionnel, était néanmoins motivée par la présentation, au souverain pontife, des travaux réalisés par les évêques français lors de leur dernière et traditionnelle assemblée organisée à Lourdes. Jusque-là, rien d’exceptionnel.
Sinon, l’opportunité - hors toute arrière-pensée circonstancielle pour le chef de l’Église catholique - de manifester, à l’occasion de ces échanges, la joie sincère du pape après sa récente visite au peuple Corse, où il avait confié « s’être senti comme à la maison ». Initiative qui, d’ailleurs, suscita une incompréhensible amertume tant du côté des évêques qu’auprès des dirigeants français lesquels espéraient la présence du Saint Père à Paris lors des cérémonies marquant l’inauguration officielle de Notre-Dame; et cela, après cinq années d’importants travaux suite au dramatique incendie du mois d’avril 2019.
Cherchez l'erreur ...
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« Laissez les enfants venir à moi, ne les empêchez pas. » (Marc 10, 14).
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«Les premiers seront les derniers, et les derniers seront les premiers». (Évangile de Marc)
La démarche pastorale l’ayant finalement emporté sur un événement certes important mais non dénué de ces mondanités que le pape François n’apprécie pas spécialement. L’extraordinaire ferveur populaire exprimée sur l’Ile de Beauté - tout ce qu’il aime - ayant eu naturellement raison des velléités du braintrust ecclésiastique et politique de la capitale française et d’ailleurs. Autrement sensible au voyeurisme.
Quelque part, c’est rassurant.
D’ailleurs, un peu plus tard, la mise en évidence, par le pape François, d’une forme de "laïcité à la Corse" , n’a pas manqué d’être comprise par le président de la CEF comme une invitation à réfléchir sur le "lien au territoire" dans la perspective de "contribuer à une vie plus riche et plus dense".
RENOUVEAU DE LA FOI
Le Saint Père, formé à la redoutable diplomatie jésuite mais animé de ce sens de l’humain franciscain, tout en reconnaissant que si la laïcité pouvait être "sensible" en France, notamment dans le cadre de l’école, a souhaité un discours républicain "ouvert" et, le cas échéant, donné en exemple. Suivez mon regard. En tout cas, et si je ne m’abuse, de quoi réconforter et surtout rassurer le président français et ses ouailles après la réouverture de Notre-Dame de Paris. Avec, en filigrane, « un renouveau souhaité de la foi ». D’ailleurs, à propos de cette reconnaissance, Mgr de Moulins-Beaufort a précisé que le pape François avait surtout insisté sur ce qu’il nomme : « la laïcité à la française " … avec un rien de distance sinon une évaluation gentiment critique. Laissant à Mgr Jordy, membre de la délégation, le soin d’insister sur le fait que la laïcité en France n’est pas "monolithique".
Encore à voir … mais bon ne cherchons pas la petite bête.
Au gré de ces échanges à bâtons rompus, Mgr de Moulins-Beaufort a prudemment conseillé de ne pas « donner l’impression que la France est la Corée du Nord ».
Singulière et audacieuse comparaison lorsqu’on on sait que dans ce pays, il est interdit d’apporter des journaux, des magazines et des livres critiquant la Corée du Nord et tout spécialement des magazines et des livres à connotation religieuse. Qui ne se souvient à ce sujet de ces étrangers ayant été arrêtés pour avoir distribué des bibles.
Vive la liberté d’expression ! Pour reprendre un slogan éditorial bien connu.
Quant au second discours du pontife prononcé dans la cathédrale d’Ajaccio devant le clergé corse, le président de la CEF a noté combien le pape avait voulu être "encourageant pour les prêtres". Et qu’en bon prédicateur de retraites, l’éminent locataire du Vatican reste résolument fidèle au principe de l'Ecclésiaste selon lequel :
«Qui aime bien, châtie bien" ! »
Comprenne qui veut. Surtout parmi les cohorte des doctes prélats du Vatican.
Mgr de Moulins-Beaufort a enfin souhaité relever la "faiblesse" du document final du Synode sur la synodalité et singulièrement la place des prêtres et diacres par rapport à celle des laïcs et des évêques :
"Il faut repenser leur place car l’Église en France est amenée à vivre avec beaucoup moins de prêtres qu’elle en a connus".
« Cet intérêt des adultes pour l’Église n’est pas lié aux milieux traditionalistes ou charismatiques. Le grand défi est d’être capable de les accueillir car l’enjeu est déterminant pour des diocèses où leur nombre a pu être multiplié par quatre. » a estimé l’archevêque de Tours.
LA BONNE NOUVELLE
A l’occasion de leur visite à Rome, l’archevêque et ses confrères ont été également reçus par le cardinal maltais Mario Grech qui a insisté sur le besoin de commencer à travailler sur le document final produit par la dernière assemblée synodale en demandant aux prélats français d’avancer sans attendre les documents romains. Les évêques ont été invités à travailler sur les groupes de travail mis en place par le pape François dans le cadre de ce dernier synode ; en particulier, sur la place des femmes, mais aussi sur le rôle des nonces mais aussi l’implantation du numérique.
Enfin, une bonne nouvelle pour l'Église en France, avec la canonisation, équipollente - soit de même sens et de même valeur - par le pape François, de la bienheureuse Thérèse de Saint-Augustin, mère supérieure des carmélites de Compiègne et de ses 15 compagnes, assassinées lors de la Révolution française. Il n’y a pas de hasard … qui d’ailleurs et pour moi n’existe pas. Sinon une volonté qui vient d’ailleurs. Comme un leitmotiv dans nos vies parfois cabossées physiquement et moralement. En somme, comme dirait tout chrétien : selon la volonté du Père.
Fêtées le 17 juillet, la bienheureuse Charlotte et ses compagnes, les carmélites martyres de Compiègne, ont été guillotinées le 17 juillet 1794, à la fin de la "Grande Terreur", terrible période de la Révolution française.
Il convient de se rendre à l’évidence historique :
« Nous sommes en 1792, au cœur de la Révolution française. Les ordres religieux contemplatifs sont menacés de mort. Les carmélites de Compiègne, mises en péril par les révolutionnaires, sont expulsées de leur couvent en septembre. »
Ainsi, l’échiquier pontifical se met en ordre de marche et place, lentement mais sûrement, ses pions. De leur côté, au terme d’une année fertile en événements, les observateurs patentés de la sphère vaticane sans faire, comme on dit familièrement, de plans sur la comète, se plaisent à mettre en évidence quelques hauts dignitaires qui ont nourri la petite chronique des couloirs.
François Bustillo sorte de franc-tireur en soutane figure, en compagnie de quelques autres outsiders, au sein des « protégés » du « patron » de la curie romaine. Un choix inattendu mais qui s’explique par l’action engagée par ce prélat, depuis 2021, auprès des corses ; un instigateur d’exception générant une ferveur dans la foi à laquelle le successeur de Pierre a été particulièrement sensible.
Parmi les autres prétendants, peut-être appelés à figurer au sein des « papabile », on retiendra aussi le souriant cardinal Koovakad, prêtre syro malabar, dont le choix papal, qualifié d’inattendu par les observateurs, a créé la surprise lors du dernier consistoire. Pour mémoire, Georges Koovakad est l’initiateur des voyages du pape depuis trois ans - 14 déplacements à l’étranger, dont le plus long du pape François avec un périple en Asie-Océanie, qui s’est déroulé, non seulement sans difficultés, mais qui a particulièrement réjoui François. Ce cardinal a donc été, lui aussi, choisi par le pontife pour rejoindre le collège des cardinaux à seulement 51 ans… cinq ans de moins que François Bustillo .
Un nouveau « coup » de génie de François dont on rapporte que, par ce choix, il a court-circuité toute la hiérarchie de la Secrétairerie d’État, notamment, le substitut Mgr Edgar Peña Parra.
Lors de leur rencontre avec le pape François, mais aussi avec les cardinaux Victor Manuel Fernández et Robert Francis Prevost, les évêques français ont également souligné l’augmentation importante en France du nombre de catéchumènes mais aussi des "recommençants" - ceux et celles qui demandent la confirmation après une déconnexion totale avec l’Église en France. Sur cette problématique, Mgr Jordy a tenu à souligner l’importance, depuis trois ans, de ce "phénomène français" que le Saint Père n’ignore pas.
Dans cette frénésie « cardinalice » caractérisée aussi par la mise en vedette, lors du dernier Synode, du cardinal Radcliffe - dont je vous recommande d’ailleurs les ouvrages - et qui fait partie de cette promotion papale. Cet éminent prédicateur et essayiste reconnu, ancien supérieur des Dominicains, s’est en effet distingué par sa liberté de ton lors de ce Synode sur la Synodalité. Au point de devenir l’une des personnalités incontournables du processus censé réfléchir à une Église moins cléricale et plus inclusive. C’est d’ailleurs à la suite de sa prestation que le pape a décidé de lui remettre la barrette cardinalice.
Par ailleurs et dans un laps de temps que l’on souhaite le plus long possible, ce prélat britannique, bien qu’âgé de 79 ans, pourrait être, lui aussi, l’une des figures influentes du prochain conclave.
On pourrait ajouter à ces probabilités en raison du précieux temps présent de Noël, le ridicule et sempiternel procès à nouveau intenté, par une caste d’arrière-garde, à certaines mairies françaises. En l’occurrence, celle de Beaucaire mais aussi de Béziers, Montpellier et Perpignan. La liste n’est pas exhaustive. Combien d’autres en effet auxquelles on impose, à défaut de celui de Noël moins guerrier, le fameux bonnet phrygien ; cette forme de personnification nationale de la République française et de son ère des coupeurs de têtes ( qui ne se souvient à ce même propos, lors des derniers J.O. de Paris, de l’insupportable et détestable séquence de la malheureuse Marie-Antoinette d’Autriche déambulant sur les quais de Seine, sa tête sanguinolente fraîchement tranchée, sous le bras !) et cela, sous couvert de révolution avec pour principes, la liberté, l'égalité, la fraternité et … la raison dont son inspirateur, un certain Descartes, laissant une part de ce gâteau de choix philosophique à Platon et Aristote ( auxquels je préfère Emmanuel Kant autrement nuancé dans sa manière de justifier nos actes ) s’est fait le champion pour la postérité.
Aujourd’hui et pour illustration de circonstance, ceux qui ont l’audace de « pécher » démocratiquement en rappelant, simplement, et culturellement, que la fête de Noël, et son ancestrale crèche) au-delà de son implication religieuse, porte aussi dans son message une philosophie qui va bien au-delà de certaines velléités pseudos démocratiques, en prônant un message de paix et d’espérance. En tout cas, pour les adeptes de la Libre pensée et de celle des droits de l’homme qui chaque fois lui emboîte le pas, , un excellent sujet de réflexion sur les notions souvent bafouées du cultuel et du culturel.
Pour preuve complémentaire et de taille, que je tiens pour indubitable, c’était en 1940, en Allemagne, dans un camp de prisonniers français, lorsque des prêtres également prisonniers ont demandé à Jean-Paul Sartre, lui aussi prisonnier et par ailleurs auteur d’une approche philosophique théorique axée sur l’ontologie intitulée de « l’Être et le Néant » suivie, en 1960, de la « Critique de la raison dialectique » de rédiger une méditation pour la veillée de Noël. (1)
Il en résulta un texte magnifique, qui plus est d’un citoyen athée, auteur d’une phrase quasi mythique et qu’il m’arrive parfois de citer tant je la trouve malheureusement exacte :
« L’enfer, c’est les autres ! »
Bernard Vadon
![]() La Vierge Marie. (collection privée)
« Et Joseph ? « Je ne le peindrais pas. Je ne montrerais qu’une ombre au fond de la grange et aux yeux brillants, car je ne sais que dire de Joseph. Et Joseph ne sait que dire de lui-même. Il adore et il est heureux d’adorer. Il se sent un peu en exil. Je crois qu’il souffre sans se l’avouer. Il souffre parce qu’il voit combien la femme qu’il aime ressemble à Dieu. Combien déjà elle est du côté de Dieu. Car Dieu est venu dans l’intimité de cette famille. Joseph et Marie sont séparés pour toujours par cet incendie de clarté, et toute la vie de Joseph, j’imagine, sera d’apprendre à accepter. Joseph ne sait que dire de lui-même : il adore et il est heureux d’adorer ». Ce texte ne manqua pas de déranger les partisans de Jean-Paul Sartre. D’ailleurs, sa compagne, Simone de Beauvoir, essaiera d’en réfuter l’origine. En vain. En 1962, Sartre confirmera en être l’auteur dans la note suivante : « Si j’ai pris mon sujet dans la mythologie du Christianisme, cela ne signifie pas que la direction de ma pensée ait changé, fût-ce un moment pendant la captivité. Il s’agissait simplement, d’accord avec les prêtres prisonniers, de trouver un sujet qui pût réaliser, ce soir de Noël, l’union la plus large des Chrétiens et des incroyants ». Extrait de « Bariona ou le Fils du tonnerre », le texte se trouve intégralement dans l’ouvrage Les Écrits de Sartre de M. Contat et M. Rybalka, NRF 1970]. |