L’invasion de l’Ukraine par la Russie : un troublant relent « d’Apocalypse Now »… L’Église à la rescousse.

Publié le 26 Février 2022

L'Ukraine – plus de 600.000 km2 et près de 45 millions d’habitants -  un vaste pays d'Europe de l'Est, réputé pour ses églises orthodoxes, ses côtes longeant la mer Noire et ses montagnes boisées. Sa capitale, Kiev, abrite la cathédrale Sainte-Sophie, surmontée d'un dôme en or et dotées de mosaïques ainsi que de fresques du XIe siècle.

La cathédrale Sainte Sophie : magnifique et emblématique. 

Surplombant le Dniepr, la laure des Grottes de Kiev est un vaste monastère et lieu de pèlerinage chrétien qui renferme tombeaux, reliques et catacombes scythes où reposent des moines orthodoxes momifiés. Voilà pour la présentation basique.

Mais encore et surtout l’Ukraine, une terre chrétienne, constituée à 70% d’orthodoxes, 15% de catholiques et 5% de protestants, malgré les persécutions religieuses orchestrées en Union Soviétique de 1928 à 1991.

Insupportable spectacle .

Outre son président actuel de confession juive il ne faut pas oublier que l’histoire des juifs d’Ukraine se confond avec celle des juifs de Pologne. La communauté également importante compte environ 500.000 membres et représente 1% de la population. De nombreuses stèles disséminées dans le pays rappellent les sacrifiés du fascisme lors du deuxième conflit mondial.

Enfin, une république parlementaire aujourd’hui prise en tenaille entre une nation totalitaire dirigée par une personnalité imprévisible – quoique – et une Europe constituée d’autres nations démocratiques celles-là. Et cependant toutes, d’un côté comme de l’autre, économiquement solidaires mais fragilisées par des structures économiques et militaires leur accordant peu de marge de manœuvre.

GRAVISSIME

Interdite sur ordre de Staline, l’Église gréco-catholique ukrainienne a vécu une véritable résurrection à partir de 1989.

Toute une communauté désemparée !

C’est tout le problème aujourd’hui compliqué par l’incompatibilité d’humeur soudaine et à ce titre gravissime avec le maître de la Russie. Terriblement gravissime :

« Ce que nous voulions tous éviter est arrivé : l’Ukraine est en état de guerre. Nous soutenons l’Église en Ukraine depuis 70 ans et nous ne l’abandonnerons pas en cette période si critique et difficile », a déclaré au jour même de l’attaque Thomas Heine-Geldern, président exécutif de l’AED international, Fondation pontificale, fondée en 1947 dans un esprit de réconciliation chargée de soutenir les chrétiens partout dans le monde, là où ils sont confrontés aux persécutions et difficultés matérielles.

Ainsi, joignant le geste à la parole - au contraire des responsables des pays occidentaux prisonniers pour certains de leurs réflexions ou divisés face au problème et dépassant les consultations diplomatiques de tous bords -  au-delà des beaux discours sans effets, les responsables de cette louable ONG, considérant que le pays et singulièrement ses habitants, pour beaucoup victimes collatérales et innocentes, se trouvant dans une urgence vitale, ont décidé de débloquer, en urgence, un million d’euros pour soutenir les actions de l’Église sur place. Une spontanéité et une attention non calculée face à une population souffrante et désemparée après le déploiement des forces russes dans les régions de Louhansk et de Donetsk alors que le président ukrainien Zelensky applique la loi martiale dans tout le pays.

AIDE D’URGENCE

Alors, prier certes – en l’occurrence pour la paix -  et c’est le moins qu’elle puisse proposer au nom de ses principes, l’Institution et singulièrement l’AED – souvent clouée au pilori par une société de plus en plus frileuse – est aujourd’hui consciente de la gravité de la situation. Et agit en ce sens :

« L’aide d’urgence que nous apportons à la population est essentielle, tant sur le plan matériel que sur le plan psychologique », estime Benoît de Blanpré,  Directeur de l’AED - France.

Et d’ajouter :

« L’Église en Ukraine sait combien nous sommes proches de ceux qui souffrent. Dès 1953, nous soutenions les catholiques ukrainiens en exil et persécutés par Staline. Aujourd’hui, nous ferons tout notre possible pour les aider dans cette nouvelle épreuve. »

Cette Église compte aujourd’hui près de 4 879 prêtres et religieux, et 1 350 religieuses pour cinq millions de fidèles. Une église particulièrement rajeunie pour laquelle l’AED s’est considérablement investie depuis 70 ans.

La colombe de la paix : c'était hier, pourquoi pas aujourd'hui ?

A ce titre, elle fournira une aide d’urgence aux quatre exarchats – provinces -  gréco-catholiques ainsi qu’aux deux diocèses latins d’Ukraine orientale, couvrant Kharkiv, Zaporizhya, Donetsk, Odesa et Krym.

UNE ASSISTANCE TOTALE

Grâce à cette aide d’urgence, l’AED s’est engagée à soutenir les 57 prêtres et les 54 religieux et religieuses qui travaillent dans le diocèse de Kharkiv afin qu’ils puissent subvenir à leurs besoins quotidiens - nourriture, eau, gaz, électricité -  mais aussi et surtout venir en aide à ceux qui dans ce conflit ont tout perdu :

« La situation s’aggrave un peu plus chaque jour. Nous vivons dans l’incertitude permanente. Les prix augmentent, surtout pour les produits de première nécessité. La situation dans le diocèse est très difficile. Ceux qui restent viennent demander de l’aide aux prêtres et aux sœurs » a confié Mgr Pavlo Honcharuk, Évêque de Kharkiv.

À l’Ouest du pays, Mgr Mokrzycki, métropolite et archevêque catholique romain de Lviv, déclare :

« Nous sommes prêts à accueillir toutes ces personnes dans nos églises pour leur fournir de la nourriture et de l’eau. Par ailleurs, nous avons organisé des cours de premiers secours pour les prêtres, les religieux et les laïcs afin de procéder aux premiers soins des blessés. »

UNE DÉROUTE DEVANT LES FORCES DU MAL

Les ukrainiens sont très attachés à leur culture ainsi qu’à leurs racines spirituelles. N’en déplaisent aux libres penseurs. En témoignent les nombreux saints et bienheureux dont, au XIe siècle, Saint Vladimir de Kiev qui fut un meurtrier avant de devenir un saint. En 988, Vladimir se fit baptiser dans la région du Dniepr avant d’épouser une princesse byzantine. Il évangélisa son peuple, détruisit les temples païens et construisit des églises. Sa mort, en 1015, précéda sa canonisation au XIIIe siècle. Les Églises catholique et orthodoxe le célèbrent en qualité de saint. Pour sa part, Sainte Olga était Princesse de Kiev mais aussi la grand-mère de Saint Vladimir. Après l’assassinat de son époux, elle exerça la régence avant de se faire baptiser à Constantinople, en 945. 

Le pape François s'est rendu personnellement à l'ambassade de Russie prés le Saint-Siège pour faire part de sa vive préoccupation ...

Appelé saint Antoine des Grottes, Saint Antoine était un ermite au XIe siècle. Après un passage au Mont Athos, il s’installa dans les grottes de Berestovo et fonda le monastère la Laure des grottes de Kiev (Perchersky). Il encouragera son disciple Saint Théodose à suivre la Règle du Studion de Saint Ephrem, et obtiendra du prince Iziaslav, la colline dominant les grottes. Patriarche de tous les moines de Russie,  Saint Théodose, mais aussi Saint Ephrem de Kiev, et bien d’autres saints ukrainiens orthodoxes, furent ses compagnons et furent reconnus par l’Église catholique et l’Église orthodoxe.

Enfin, Saint Josaphat Kuntsevych, Évêque basilien, mort en martyr à Vitebak, en 1623, fut le témoin du rattachement d’une partie de l’Église d’Ukraine à Rome, en 1596 pour constituer l’Église gréco-catholique. A vingt ans, il entra au monastère de la Sainte Trinité, à Vilnius, royaume polono-lituanien, dans un monastère de l’Ordre basilien et prit le nom de Josaphat. A trente ans, il en devint l’un des supérieurs. Déplorant la séparation des catholiques romains et orthodoxes, il oeuvra pour leur réunification avant d’être nommé évêque de Polock mais au cours d’une émeute provoquée par des intégristes orthodoxes, il sera lynché et jeté dans le fleuve. En sa qualité de martyr, il fut canonisé le 29 juin 1867. Ses reliques sont déposées sous l’autel Saint Basile dans la basilique Saint Pierre de Rome. Comme lui, vingt-cinq bienheureux ukrainiens furent victimes de persécutions religieuses diligentées par la République socialiste soviétique d’Ukraine à l’encontre de l’Église grecque catholique.

Par la jeunesse vient la promesse d'un avenir meilleur ... en principe !

Enfin, c’est au terme de la Seconde Guerre mondiale, en 1946, que Joseph Staline rattachera l’Église grecque-catholique ruthène ( ancienne appellation de l’actuelle Ukraine) à l’Église orthodoxe de Russie, qui se trouvait était alors sous le contrôle du Parti communiste. Parmi ces martyrs, un grand nombre  sont morts pour rester fidèles à la tradition catholique et au pape. Quant aux communautés catholiques qui ne se rallièrent pas  au patriarcat orthodoxe, elles furent mises hors la loi. Ces martyrs ont été béatifiés par Saint Jean-Paul II, le 27 juin 2001 lors de son voyage en Ukraine.

Quant au pape François, dans son encyclique « Fratelli Tutti », publiée en 2020,  outre ce titre hautement révélateur du message évangélique, il ne lésine pas sur la légitimité des peuples et son appréciation sur la guerre est résumée en quelques mots d’une rare intensité résumant ce que d’autres gouvernants s’escriment aujourd’hui en vue d’un apaisement hypothétique à vainement développer eu longues phrases belles certes mais désespérément creuses :

« Toute guerre laisse le monde pire que dans l'état où elle l'a trouvé. La guerre est toujours un échec de la politique et de l'humanité, une capitulation honteuse, une déroute devant les forces du mal »,

  Bernard VADON

 

 

Rédigé par Bernard Vadon

Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :