MICHEL BARNIER A L’HÔTEL DE MATIGNON  : « ÊTRE GAULLISTE, C’EST ÊTRE DE SON SIÈCLE »

Publié le 9 Septembre 2024

 

Le nouveau Premier ministre de la France récemment nommé à un poste qui n’aura jamais été aussi stratégique, en l’occurrence Michel Barnier, natif de La Tronche ( ça ne s’invente pas quant à reconnaître ses qualités sinon capacités  !) dans le département de l’Isère Région Auvergne-Rhône-Alpes, est à l’image de cette belle région qui sert d’écrin d’exception et naturel à deux hommes de caractère,  l’ex-champion de ski, Jean-Claude Killy, triple médaillé d'or aux Jeux de Grenoble en 1968ancien responsable du Comité d’organisation des Jeux olympiques d’Albertville, en 1992, déclarant à propos de celui qu’il considère comme « son frère » :

« L'une des clés de sa réussite, c'est son intégrité totale et sa droiture. Il a la peau épaisse et de l'endurance. Il n'est préoccupé que par la France et ce sera son dernier job. Ce n'est pas un opportuniste."

Et Jean-Claude Killy d’ajouter :

« L'ex-commissaire européen a les qualités requises pour ce poste auquel il accède dans un contexte inédit. Il fait montre d'une capacité à dialoguer extraordinaire, il a une capacité d'écoute infinie, ce qui est rare. Et il a l'esprit d'équipe, le vrai, sans se mettre en avant."

Voilà pour la présentation.

Dans un paysage politique bouleversé, Michel Barnier a donc  été nommé, le 5 septembre dernier, Premier ministre de la France par le président de la République et cela, après cinquante et un jour de tractations auxquelles ont participé les différentes forces politiques du pays.

Un suspense pour le moins pénible entretenu par un président familier sinon gourmand de situations emberlificotées.

Ancien député, ministre, eurodéputé mais aussi sénateur, Michel Barnier est, à 73 ans, le Premier ministre le plus âgé de la Ve République. Un retour de l’ancien monde - ce qui n’est pas forcément un mauvais choix - par rapport à celui de la génération dite McKinsey, association à but non lucratif qui viserait à transformer le système, depuis la formation jusqu’à l’emploi, pour former et soutenir l’insertion de personnes éloignées de l’emploi vers des opportunités de carrières qui changent leur vie et leur seraient autrement inaccessibles.

Une décision donc qui découle, dans le contexte du second tour des dernières élections législatives, d’un consensus de circonstance dans la mouvance des vieilles habitudes démocratiques françaises : un front populaire dans le but de barrer la route au rassemblement national. Avec les conséquences désastreuses qui en découlèrent.

Pour une fois, le président, que je ne porte pas spécialement en estime eu égard ses positions souvent dérangeantes - ne s’est-il pas mis dans la tête et dans un tout autre domaine ( nous y reviendrons) de substituer les mythiques et historiques vitraux de l’architecte Eugène Viollet-le-Duc à des œuvres contemporaines que je ne permettrais pas de dénigrer, encouragé dans cette singulière démarche par une ex-ministre de la culture, Rachida Dati - pourrait avoir fait le bon choix. On ne peut pas plaire à tout le monde.

Le rocambolesque et déplacé pastiche - mais c’est vrai que nous appartenons à la caste de ceux qui n’ont rien compris, hallucinés par les déclarations des plus hautes instances religieuses qui en ont rajouté une bonne couche d’hypocrisie après le fameux et déstabilisant tableau de la Cène imaginé par Thomas Jolly  - est un signe en soi.

Comme le déclamait l’inénarrable Coluche :

« Je suis capable du meilleur et du pire. Mais, dans le pire, c’est moi le meilleur. »

En quelque sorte, le pire dans le pire c’est l’attente du pire !

C'était Coluche !

UNE ÉTOILE FILANTE

Mais retour à notre nouveau Premier ministre et à cette séquence impayable en matière d’humour qui devrait passer à la postérité d’un inoubliable passage de témoin entre le jeune et le vieux monde.

Une étoile filante de la politique paradoxalement embarquée dans un bilan sans fin et d’une rare suffisance, à la limite du donneur de leçons ou protecteur d’un successeur qui pourrait lui en donner mais lequel, bon prince, précisant à chaque satisfecit de Gabriel Attal un  « j’ai bien aimé » à la limite de la gouaillerie avant d’espérer prononcer à son tour « quelques mots » provoquant quelques rires étouffés dans l’assistance.

Comme l’écrivait Molière dans Amphitryon : « La faiblesse humaine est d’avoir des curiosités d’apprendre ce qu’on ne voudrait pas savoir ! »     

Bref, un bon moment d’anthologie politique dont pourrait s’inspirer M. Benoît Payan, l’impayable et gaffeur maire de Marseille, se fendant, lors de l’assemblée de rentrée du Parti communiste français de cette réflexion quelque peu décalée et surtout offensante, relative, selon l’édile, à celles et à ceux qui se prétendent gaullistes. Suivez mon regard :

« Le général De Gaulle, dans sa tombe, doit faire des tours quand il les voit par terre, face à celles et ceux qui ont défendu Vichy. Michel Barnier, il y a quelques années,  a proposé un programme présidentiel qui est en tout point compatible avec celui de l’extrême droite. Moi, je suis fier qu’ici, comme ailleurs, nous ayons fait l’union de la gauche, parce que c’est ainsi que nous changeons de destin. »

Emmanuel Macron, fraîchement réélu, nommera au poste de première ministre une femme ( François Mitterrand l’avait devancé dans cette manière de reconnaissance féminine en choisissant  Edith Cresson ) en la personne d’Élisabeth Borne qui devient, de ce fait, la deuxième femme à diriger un gouvernement de la France.

Polytechnicienne expérimentée ayant entamé sa carrière politique au Parti socialiste après avoir occupé trois ministères importants depuis l'arrivée au pouvoir d'Emmanuel Macron en 2017, elle se maintiendra vingt mois au pouvoir avec pour gouverner un rare palmarès, celui des fameux 49.3 qui l’aideront dans l’adoption de différents textes budgétaires mais aussi de la réforme impopulaire des retraites et de la loi controversée sur l’immigration.   

Dans la continuité Gabriel Attal assurera la relève le 9 janvier 2024 en figurant au tableau d’honneur de la république et à 34 ans comme le plus jeune Premier ministre de la Ve République, battant ainsi le record de Laurent Fabius.

La consécration d'un parcours éclair et linéaire pour un pur produit de la « macronie » et une ascension politique qui est allée de pair avec une notoriété grandissante accompagnée du sobriquet pas très flatteur de T.P M.G ( tout pour ma gueule). Une courte carrière pour le jeune frais émoulu de la bande à Macron.

En effet, en juin 2024, après un échec aux européennes où le Rassemblement national arriva en tête par le nombre de voix, Emmanuel Macron créera la surprise ( peu appréciée par le plus grand nombre)  en annonçant la dissolution de l'Assemblée nationale et dans la foulée convoquera les électeurs pour des législatives anticipées. Un scrutin où la majorité présidentielle sera battue par la gauche. 

Gabriel Attal quelque peu décontenancé - on le serait à moins après avoir flirté un court temps avec la gloire - sera resté en poste six mois et sept jours jusqu'à la démission de son gouvernement, le 16 juillet.

Pour la petite histoire gouvernementale, il n'est pas passé loin de ravir à Bernard Cazeneuve le séjour le plus court à Matignon. Il aura, en revanche, été, en qualité de premier ministre démissionnaire, celui qui aura assuré le plus longtemps les affaires dites courantes : 51 jours au total !

ET MAINTENANT ?

"Tout le monde se réfère à De Gaulle. Cela rassure. »

remarque l'historienne Frédérique Neau-Dufour.

L’arrivée de Michel Barnier à Matignon lequel se définit comme un « gaulliste social » est un signe. Je dirais un bon signe. Et cela, indépendamment de certaines de ses positions que je ne partage pas forcément.  S'il avait, un temps, voté en faveur de l'abolition de la peine de mort, il avait, en revanche en 1981, affirmé son refus de la dépénalisation de l'homosexualité et du Pacs. Il n'y a que les imbéciles qui ne changent pas d'avis. Laissons-lui ce recours.

De toute manière, le président de la République n’avait plus trop le choix raisonnable car il y a avait manifestement un blocage avec un maigre espoir d’en voir l’issue :

"Ne pas choisir, c’est encore choisir" estimait Jean-Paul Sartre.

Alors…  

Bref, l’entêtement, à la limite de l’honnêteté intellectuelle manifesté par les tenants d’une gauche sectaire, ne laissait que peu d’espace au consensus.

Parce qu’il est de fait que nous vivons une époque - une dôle d’époque - en perte de repères et que la France n'est plus une grande puissance, comme le général avait permis aux Français de le croire. A juste titre.
Pour l’historienne Frédérique Neau-Dufour, évoquer De Gaulle renvoie une image positive, une image de grandeur, une forme d'honnêteté et de sérieux. C'est un patrimoine politique. Pourtant, il a été contesté de son vivant. Mais aujourd'hui, sa mémoire est devenue un mythe. Tous se réclament du gaullisme.
D’ailleurs, le général n'employait jamais le mot "gaullisme" …  excepté une fois, en 1952, lorsqu’il déclara :

"Chaque Français fut, est, ou sera gaulliste" .

C'était dit comme un défi, une sorte de plaisanterie pendant cette période où il se sentait un peu oublié, mais où il savait qu'un jour, son rôle de libérateur, pendant la Seconde Guerre mondiale, serait enseigné aux enfants à l'école, estime encore et à juste titre Frédérique Neau-Dufour.
 

L'hôtel de Matignon.

Comment alors et finalement définir le gaullisme dont se réclame Michel Barnier, personnalité rassurante et riche d’une longue et fructueuse carrière politique. Peut-être trop pour certains, notamment ceux qui se laissent bercer par ces formes de cultures débridées et de déconstruction venues des États-Unis. Tout à l’opposé de ce que prônait le chef de la France libre :

"C'était une vision de la France et du monde inspirée par le général de Gaulle. Elle reposait sur des idées fortes comme l'indépendance nationale, la grandeur de la France, l'unité du peuple au-dessus des partis politiques et aussi une préoccupation sociale, le gaullisme, pour le général en tout cas, c'était réagir aux circonstances présentes avec ses principes, ses valeurs. » précise Frédérique Neau-Dufour.
En d’autres termes, ce n'était pas pour autant « une doctrine figée ».  Comme le résume son fils, l'amiral Philippe de Gaulle :

« Être gaulliste, c’est être de son siècle. ».

UNE BELLE FEUILLE DE ROUTE

Pour moi, c’est un peu et modestement la synthèse de cette nomination qui rassure certains et en agite inconsidérément d’autres. Et en même temps, la conclusion de cette analyse.

Michel Barnier n’allait pas comme moi à la messe dominicale.

Il a néanmoins et de façon transcendantale été marqué par un père républicain et anticlérical et surtout par l’influence d’une mère fervente catholique de gauche socialement très active qui ne dissimulait pas sa foi et la pratique qui la motivait. Elle a achevé son parcours terrestre chez les Augustins de l’Assomption.

Michel Barnier avait rencontré le pape Benoit XVI  et surtout Saint Jean-Paul II dont le fameux « n’ayez pas peur » l’avait marqué. Ce pape incarnant l’espérance, la même qui anime, aujourd’hui et sur le chemin de l’écoute, Michel Barnier lequel assure ne pouvoir certes accomplir de miracles mais bien décidé à mettre, en démocrate convaincu, tout en œuvre pour gagner son pari.

Il y a en lui, et ce n’est pas un hasard, comme du Robert Schuman, l’un des pères de l’Europe, un homme de conviction au sens large du terme qui estimait :

« Tout dans la création s’articule autour de l’Homme. C’est à cette vérité qu’il faut se référer, surtout aujourd’hui que tout humaniste en arrive à douter de l’humanité. Voilà pourquoi on s’accroche aux bons, à ceux qui surnagent dans ce tourbillon d’égoïsmes et d’instincts primaires, à ceux dont l’exemple nous transmet une confiance nouvelle dans l’avenir. »

Quelle belle et honorable feuille de route.

 

Bernard VADON    

 

 

Rédigé par Bernard Vadon

Publié dans #J - 2 - B ( Journal )

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