L’Affaire : L’abbé Pierre : quel gâchis !

Publié le 26 Septembre 2024

Suite à la parution d'un rapport, en juillet dernier, mettant gravement en cause l'Abbé Pierre pour des faits d'agressions sexuelles, René Poujol, ancien directeur de la rédaction du Pèlerin - hebdomadaire chrétien - ami et biographe de l’Abbé Pierre, avait réagi, dans une lettre ouverte publiée sur son blog avec cette manière d’entrée en matière empruntée à Robert Desnos :

« Un jour, je te décevrai,  ce jour-là, j'aurai besoin de toi !"

Comme bon nombre de mes confrères, la fibre professionnelle s’est également manifestée suite à ces révélations. Le morceau - pardonnez-moi ce vocabulaire vulgaire - était en effet de choix tant pour la gent médiatique qu’anticléricale toujours gourmande de scandales. Personnellement, à cette nécessité sociétale sinon de volonté d’en parler, s’opposait l’autre sensibilité autrement plus importante, celle d’appartenir à la grande communauté chrétienne et catholique, en particulier. Riche de valeurs. N’en déplaise aux « bouffeurs de curés » comme on les nomment parfois. Ou tout simplement, anticléricaux patentés.

Sauf que pour ce faire, le curé, en l’occurrence, était,  cette fois, d’exception. Le coup était rude. Plus encore. Mais voilà !

On ne prend jamais trop de précautions dans un terrain pareillement miné. Sacrément miné ! Et loin de moi, la volonté de défendre l’indéfendable.

Fallait-il, comme le souligne l’essayiste Christiane Rancé, accorder plus d’attention aux propos de Roland Barthes, publiés en 1957, sous le titre de Mythologies dans lesquels l’éminent sémiologue soulignait l’importance des attributs physiques de l’abbé, « qui s’était fait la tête de l’emploi pour réunir les chiffres de la légende et ceux de la modernité ». De la bonté du regard à la coupe de cheveux franciscaine et la barbe missionnaire, « tout cela complété par la canadienne du prêtre-ouvrier et la canne du pèlerin ». En clair, l’apostolat se présente dès la première minute tout prêt, tout équipé pour le grand voyage des reconstitutions et des légendes ».

Lors du dernier Festival de Cannes le biopic de l’abbé Pierre intitulé une vie de combats était projeté dans la sélection officielle hors compétition  La Fondation Abbé Pierre se réjouit du choix du Festival de Cannes 2023 qui fait figurer le biopic L'Abbé Pierre, « Une vie de combats » dans sa Sélection officielle, Hors Compétition.

Le film réalisé par Frédéric Tellier avec notamment à l’affiche Benjamin Lavernhe et Emmanuelle Bercot a remporté un honorable succès. Un film qui  « raconte »  l’abbé Pierre « tel qu’il était connu de ses proches à savoir un homme complexe, habité par de grandes questions et de grandes douleurs, mais avant tout un guerrier contre l’injustice et la misère ». Selon Laurent Desmard, dernier secrétaire de l’abbé Pierre et président d’honneur de la Fondation Abbé Pierre et président d’honneur de cette fondation :

 « Ce film a également la qualité de mettre en lumière le combat qu’il a mené et que la Fondation Abbé Pierre poursuit sans relâche, car nous comptons encore plus de 4 millions de personnes non ou mal logées en France. Il a également pour vertu de faire émerger à l’écran un personnage qui peut incarner — pour celles et ceux qui le découvrent comme pour celles et ceux qui s’en souviendront — un héros ordinaire portant l’idée qu’une société plus fraternelle est possible. » précise encore Laurent Desmard. 

Une carrière cinématographique bien engagée mais qui, à la lumière de témoignages qui n’ont de cesse de se multiplier quant à mettre en lumière le singulier comportement de l’ecclésiastique, n’aura vraisemblablement pas d’avenir. Que ce soit sur les chaînes de télévision ou en salles. Dommage, car tout dépendait de la manière de le présenter. Sous forme de débat, par exemple.

Bref avant même d’avoir commencé sa carrière le film est enterré. Au grand dam de ceux - à commencer par le réalisateur se considérant comme trompé - qui ont financièrement contribué à ce que ce film voit le jour.

Quant à l’affaire proprement dite et toujours selon le quotidien La Croix, les conclusions du rapport d’accusations, établi par un cabinet spécialisé, auraient peut-être permis d'éclairer des points obscurs sur le comportement du prêtre. Malheureusement, elles avaient (sic) ces accusations un "caractère inachevé". Et d’en conclure que le rapport en question constituait, certes, une compilation de témoignages de victimes présumées mais non restitués dans leur intégralité. Alors …

Pour faire bonne mesure, ce même quotidien relève également l’absence d’éléments importants et notamment des précisions relatives à l'état de santé de l'Abbé Pierre et à sa place dans l'Église lors des faits.  Sans parler de l’absence d’éléments contradictoires … et pour cause, le fondateur d'Emmaüs est aujourd'hui décédé !

Selon le quotidien, l’absence d’informations sur la personnalité ambiguë du prêtre est donc à priori regrettable et risque de ne jamais être connues. Dommage pour la vérité.

Conséquence : comme toujours, en pareil cas, personne n’a rien vu - ou presque - de quelque autorité civile ou religieuse que ce soit.

Quant à la direction générale d’Emmaüs international - se défendant d’éventuels reproches de nature politique - on est jamais trop prudent en pareil cas - elle s’est en quelque sorte défaussée en confiant l’affaire à ce même cabinet de conseil et de formation qui, en l’espèce, ne fait pas dans la dentelle.

 Dans son Épitre aux Romains - 11,33 saint Paul s’exprime à dessein :

« Quelle profondeur dans la richesse, la sagesse et la science de Dieu ! Ses décisions sont insondables, ses chemins sont impénétrables ! »

Enfin, pour en rajouter aux principes fondamentaux du groupe choisi pour enquêter, celui-ci se serait vu confier une importante session de formation sur la lutte contre les violences sexuelles et sexistes au travail ainsi que contre les discriminations. Bon courage.

L’objectif fixé à cet organisme de conseil -  fort généreusement rémunéré soit dit en passant - visait, selon le Conseil d’État, à former «4 000 agents de la justice administrative sur deux ans, sur l’égalité et la façon d’éviter les comportements sexistes ».

De quoi générer quelques grognements au sein de l’institution publique dont quelques membres ne s’embarrassaient pas pour dénoncer à nouveau, et particulièrement dans cette démarche, l’influence déviante du wokisme…  vous savez ce mouvement qui vise à mettre en œuvre des changements progressistes dans la société. Et prône, par exemple, la création de l'écriture inclusive ( qui envisage notamment de favoriser l’égalité des sexes en réformant la langue). Et, notamment, notre incomparable langue française qui serait, selon ces réformateurs de pacotille, inégalitaire et sexiste. Ainsi, le fait que le masculin l'emporte sur le féminin est une discrimination. Dixit les « wokes ». N’importe quoi !

Honnêtement, qui aurait le culot de contredire ceux qui dénoncent ce genre d’action !

"Santo Subito" ou le fruit de la liesse populaire.

Mais revenons à notre « pasteur » déchu : fort de cette avalanche d’accusations et toujours autant abasourdi par l’événement, entre la réaction du pape François ignorant le scandale mais qualifiant sévèrement « l’abbé » de « terrible pécheur » tout en laissant le soin, au fondateur de « La parole libérée », de le considérer comme un malade, j’ai tenté, difficilement, de comprendre l’action de celui que, hier encore, la rue n’était pas loin de béatifier - selon la fameuse formule « Santo subito » - au mépris,, ou à l’ignorance affichés de ce que Nelson Mandela pensait des valeurs. Tout simplement :  

« L’honnêteté, la sincérité, la simplicité, l’humilité, la générosité, l’absence de vanité, la capacité à servir les autres - qualités à la portée de toutes les âmes - sont les fondations de notre vie spirituelle. »

Quant à Jean Guitton, éminent philosophe, critique religieux, auteur de l’histoire de la pensée et dont les œuvres philosophiques et apologétiques (science des preuves de la divinité dans le christianisme dont il est un grand penseur) font toujours autorité, il nous donne, outre-tombe, son sentiment. Et celui-ci mérite plus que réflexion : 

«  Toutes les époques ont leurs lacunes et leurs erreurs. Si l’on me demandait quel est le défaut majeur de la nôtre, je répondrai que c’est la confusion et le renversement des valeurs. »

Il ne croyait pas si bien dire !

Finalement, au terme de compilations fouillées pour tenter de comprendre la meilleure, la plus admirable sinon la plus déchirante explication, je l’ai trouvée dans ce courrier écrit par René Poujol, ancien directeur de la rédaction du Pèlerin, ami et biographe de l’Abbé Pierre et que j’évoquais précédemment. Qui mieux que ce proche aurait pu trouver le véritable sens de la voix de Dieu ?

Aussi, je me suis autorisé à porter à la connaissance de mes abonnés cette « lettre ouverte à  mon ami Henri ( Grouès ) dit l’abbé Pierre » :

« Voilà l'abbé, la bombe a explosé. J'étais au courant de son largage depuis la veille. Connaissant nos liens d'amitié, des responsables d'Emmaüs avaient eu la délicatesse de me prévenir. J'ai su à l‘instant même que je ne commenterais pas l'info qui allait déferler sur les réseaux sociaux ni répondre aux sollicitations des médias. Pas le cœur à ça!

J'ai ouvert mon ordinateur et tapé le titre de ce billet: « Lettre ouverte à mon ami Henri, dit l'abbé Pierre. »

Je n'ai pas eu le courage d'aller plus loin, ne sachant pas par où commencer. Je savais que j'allais devoir peser chaque mot, chaque tournure de phrase, chaque silence: par respect pour celles qui affirment avoir été victimes de tes actes et que nous devons écouter et soutenir; par respect pour toi qui n'est plus là pour t'expliquer; par respect pour nous tous qui t'aimions. Tu vois, déjà, je renonce au choix du présent pour ne contraindre personne…

Depuis, j'ai lu La Vie et la Croix ! Je sais!

Alors, je peux t'écrire. 

« Tu t'étonneras peut-être de ce tutoiement soudain, toi qui l'a tellement utilisé à mon égard comme tu le faisais souvent, même au-delà de tes proches. Jusqu'au jour de ta mort j'ai toujours choisi le "vous". Par respect. N'imagine pas que le respect ait disparu. Non! Simplement ces révélations te font tout de même tomber de ton piédestal et nous rend peut-être plus proches encore.

Je suis en colère l'abbé. En colère contre toi. Je me sens plus trahi que trompé, ne t'ayant jamais interrogé sur ces questions. Comment aurais-je osé le faire? 

Souviens-toi, le 11 avril 2006, je suis venu te voir à Alfortville. Un homme menaçait alors de révéler dans les médias qu'il était ton fils biologique. A ma requête, tu as accepté de me dire "ta vérité". Je me suis engagé à garder cet entretien secret aussi longtemps qu'il ne passerait pas à l'acte. Mon désir était de pouvoir te donner un jour la parole si ces révélations survenaient après ta mort. Ce qui fut le cas.

Dans le Pèlerin du 24 mai 2007, quatre mois après ta disparition, alors que sortait en librairie l'abbé Père (1) je publiais ton témoignage. :

Je l'affirme et réaffirme : jamais il ne m'est arrivé aucune union avec sa mère." (2) Ce soir, je m'interroge: disais-tu vrai ? Souviens-toi, fin juin début juillet 1989, je passais avec toi quelques jours à Saint-Wandrille où tu pensais t'être définitivement retiré. Au terme d'un long entretien que j'allais publier à l'automne pour les quarante ans d'Emmaüs, je t ‘interrogeai sur la "réputation de sainteté" qui te collait à la peau. Tu m'avais répondu :

"Ça m'humilie. Je connais trop mes faiblesses et mes insuffisances." Puis, après un long silence: "

Je te dirai à propos de ma prétendue sainteté ce que Jeanne d'Arc répondait à ses juges qui lui demandaient si elle était en état de grâce :

« Si j'y suis, Dieu m'y garde, si je n'y suis pas, Dieu veuille m'y mettre."

Au début de ce mois, l'abbé, le Festival de la correspondance de Grignan t'avait mis, au côté de Charles de Gaulle, Nelson Mandela, Marie Bonaparte, Louise Michel et quelques autres sur la liste des "héros" auxquels on rendait hommage. Je me suis acquitté de la mission qui m'avait été confiée. Le soir, dans la cour du château, cinq-cents spectateurs ont fait une standing ovation au comédien Bruno Puzulu qui les avait émus aux larmes en lisant, pendant plus d'une heure, un choix de tes lettres où tu apparaissais dans la vérité de ta force et de tes fragilités. L'après-midi, dans mon intervention, j'avais cité cette carte, reçue parmi deux mille autres, lors de la parution de l'album qui t'était consacré à l'automne 1989 :

"Dieu merci, vous m'aurez permis de connaître un saint de mon vivant."

Alors oui, je t'en veux, l'abbé. 

Je t'en veux pour ces femmes que tu as humiliées par des gestes déplacés qui n'étaient pas dignes de toi. Je ne me ferai pas, ici, juge de leur souffrance! Je t'en veux pour toi, d'avoir ainsi foutu en l'air, par inconscience, une vie de combat contre la misère et les injustices. N'est-ce pas toi qui disait :

 "Qui dira au Prince son fait si le prophète lui devient semblable ?"

Le prophète mort parlait encore… 

Je t'en veux pour tous ceux qui voyaient en toi ce héros de Kipling qui sait "être peuple en conseillant les rois". Souviens-toi des premiers vers du poème :

 "Si tu peux voir détruit l'ouvrage de ta vie. Et sans dire un seul mot te mettre à rebâtir."

Trop tard!

Tu n'es plus là, l'abbé! Et je me sens fatigué.

En trois ans, j'ai appris le suicide d'un ami prêtre, Adrien, qui a éclairé mon adolescence et béni mon mariage. Il avait fait de la prison pour faits d'agressions sexuelles sur des jeunes filles et terminé sa vie comme un clochard, errant sur les quais de la Garonne, à Toulouse, avant de mettre fin à ses jours. Qui l'a soutenu?

 J'ai découvert les accusations portées contre mon ami le frère André Gouzes, déjà plongé dans un Alzheimer profond, puis appris que les responsables de l'Ordre dominicain disaient ici ou là que le dossier "était vide" sans jamais s'exprimer publiquement sur le sujet, préférant se réfugier derrière le silence du Procureur de la République de Rodez. J'ai découvert les anciennes pratiques sacramentelles sacrilèges de mon évêque Michel Santier, dont j'avais la confiance, et je frémis aux rumeurs des conclusions possibles d'un nouveau procès canonique. 

Et toi, aujourd'hui!

Le jour où j'ai recopié dans mes carnets de lecture cette phrase de Robert Desnos, je n'imaginais pas avoir à en faire un tel usage. Écoute-toi parler, l'abbé :

"Un jour, je te décevrai, et ce jour-là, j'aurai besoin de toi."

J'essaie d'être là! 

Dans l'article que la Vie te consacre cette semaine, je lis:

"Tout l'intérêt de la période actuelle est la libération de la parole, dans la société comme dans l'Église catholique. Les gens ne meurent plus avec leurs secrets: l'époque a changé." 

Tout cela est sans doute vrai mais cette dernière phrase me terrifie!

Je repense à Malraux :

"Pour l'essentiel, l'homme est ce qu'il cache: un misérable petit tas de secrets."

Une société de liberté peut-elle survivre au vertige collectif de la transparence? Qui d'entre nous peut se sentir à l'abri ? 

Le 6 juillet, lors du festival de la correspondance de Grignan, Boris Cyrulnik observait que dans nos sociétés modernes les nouveaux "héros" (thème des rencontres) étaient désormais les victimes. A l'image du Christ diront certains! Alors, je m'interroge: comment respecter la souffrance des victimes et leurs droits légitimes, sans détruire l'œuvre de leurs agresseurs qui ne sauraient être réduits aux actes coupables, parfois criminels, qu'ils ont pu poser?

Rien ne peut faire que ce qui a été, de beau, de bon et parfois de grand, n'ait pas été. Que deviendrons nous si au motif de déboulonner les idoles, toutes les idoles, nous en venons à renier ceux qui nous ont fait grandir? 

Mais tu connais, comme moi, dans la Bible, cette terrible prophétie d'Ézéchiel (18,24):

"Si le juste renonce à sa justice et commet le mal, imitant toutes les abominations que commet le méchant, vivra-t-il ? On ne se souviendra plus de toute la justice qu'il a pratiquée, mais à cause de l'infidélité dont il s'est rendu coupable et du péché qu'il a commis, il mourra."

Moi, je ne peux oublier ce que je dois à Adrien Terris qui a éclairé de sa confiance mes années d'adolescence. Pierre Soulage disait de l'écrivain Joseph Delteil, dans des circonstances similaires :

"Il a tellement cru en moi que moi-même j'ai fini par y croire."

Je ne peux oublier d'avoir vécu à l'abbaye de Sylvanès, grâce à la Liturgie chorale du peuple de Dieu du frère André Gouzes, des triduum pascal où je me suis senti pénétré du mystère de Dieu tout en faisant une véritable expérience de la communion des saints. J'en conserve la chair de poule. Je ne peux oublier que Michel Santier fut aussi l'homme du redéploiement de notre cathédrale de Créteil, de notre synode diocésain, du dialogue avec nos frères protestants, juifs et musulmans.

Je ne peux oublier de toi, l'abbé, ces moments où, en fin de journée, tu me proposais de "rester" parce que tu allais célébrer l'eucharistie sur un coin de table. Je ne peux oublier cette conviction qui t'a fait vivre, qu'en tout homme – fût-il le dernier des salauds – est un trésor, retrouvée presque mot pour mot dans la bouche de Robert Badinter expliquant sa vocation d'avocat. Je ne peux oublier ce que tu m'as fait comprendre de la radicalité du combat pour la justice venant se substituer à trop de mièvreries caritatives. Car si, comme tu l'avais découvert, "Heureux ceux qui sont persécutés pour la justice, car le royaume des Cieux est à eux." est écrit au présent, contrairement à la plupart des Béatitudes rédigées au futur, c'est bien que le Royaume est déjà là, mais que ne peuvent s'en prévaloir que ceux qui mènent âprement ce combat. 

Je sais, l'abbé : certains vont lire dans mes propos une indulgence coupable à ton égard. Parce que j'étais et reste ton ami. Non! Je n'ai aucune indulgence. Mais je sais le poids du mal dont aucun d'entre nous n'est quitte et qu'il y a péché – au sens étymologique de se tromper de cible – à se laisser fasciner exagérément par lui. J'ai lu que l'Église de France disait sa honte et sa compassion pour les victimes. Elle sait comme personne avoir honte des turpitudes des autres. Sans jamais se remettre vraiment en question – notamment dans son approche de la sexualité et du célibat ecclésiastique – parce qu'il y va – dit-elle – de la compréhension du plan de Dieu sur l'humanité. 

L'abbé, combien de fois m'as-tu dit :

"Lorsqu'on a vaincu la peur de la pauvreté, de la souffrance et de la mort, alors mais alors seulement, on devient un homme libre."

Tu as vécu dans la pauvreté. J'en puis témoigner. Te voilà désormais dans la pauvreté la plus extrême, dépouillé de cet ultime orgueil qu'avec notre assentiment tu avais emporté avec toi dans la tombe.

Te voilà nu. Définitivement nu ? 

Mais quel gâchis, l'abbé, quel gâchis. »

Et pourtant n’est-ce pas ce dernier qui dans « Mémoire d’un croyant » écrivait :

“Le péché c'est vouloir ne plus dépendre de Dieu, affirmer que notre destinée se réalise par nos seuls efforts, sans l'aide divine. C'est prétendre discerner seul ce qui est bien de ce qui est mal, et que l'on peut accéder au salut par soi-même.”

Bernard VADON

 

  1. Jean-Christophe d'Escaut, L'abbé Père. Éditions Alphée 2007. 
  2. En réalité, cette formulation figure dans la lettre que l'abbé Pierre m'a remise ce jour-là et qui reprenait, signé par lui, l'essentiel de notre conversation. 

Rédigé par Bernard Vadon

Publié dans #J - 2 - B ( Journal )

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