TOUT FICHE LE CAMP A L’EXCEPTION DE L’ESPÉRANCE … ET SI LE MYSTÈRE DE LA NATIVITÉ REDONNAIT DU SENS A NOS ATTENTES ?
Publié le 20 Décembre 2023
Sans faire systématiquement référence savante au premier livre des Maccabées décrivant l’allumage des luminaires lors de l’encénie de l’autel au cœur de la coutume juive – autrement dit le temps de la hanoukka – l’événement a été, cette année et peut-être plus que les précédentes, étrangement actualisé sous les ors de la République par la volonté présidentielle qui a, de singulière manière, ajouté aux dérapages culturels d’un président qui, au fond, n’en a cure !
Parle toujours …
Mais qu’importe le flacon, en l’occurrence la chandelle de circonstance, pourvu qu’on ait (ou aie)à l’ivresse. Honneur au subjonctif présent !
Bref et fort heureusement, la tempête n’aura duré que le temps d’une prière.
Et celui de laisser libre cours au bouffeurs de curés toujours prompts à répliquer en préconisant façon « Canard enchaîné » une messe en latin ( tant qu’à faire) sous les fourches, non pas caudines, mais élyséennes.
Un voeu fort heureusement resté pieux !
LAETATUS SUM
Les chrétiens et singulièrement les catholiques, au nom de la tradition mais surtout de leur foi, n’ont pas eu besoin de prendre le train religieux en marche pour nous éclairer à leur tour dans le respect de l’Avent et dans la mouvance musicale et poétique du roi David avec le « Cantiques des degrés » - Canticum graduum Huic David – « je suis dans la joie quand on me dit : Allons à la maison de l’Éternel ! ». … nos pieds s’arrêtent dans tes portes Jérusalem !
En illustration, le psaume 122 - Laetatus sum - attribué à David chanté – c’est notre choix - par le chœur de l’ Abbaye de Tamié …. « Pitié pour nous Seigneur … » mais aussi par les fraternité monastiques de Jérusalem : « Venez, levez-vous et veiller. » est conforme au récit évangélique.
Ainsi, l’Avent, (du latin adventus, « arrivée ») est-il une longue mais prometteuse période d’attente et d’espérance. Mais surtout une référence historique – au grand dam de ceux qui persistent dans le conceptuel, façon Michel Onfray, lorsqu’il est question de personnages bibliques, Jésus en l’occurrence.
L’Avent, une méditation de quatre semaines précédant la nuit de Noël. Mais aussi le temps des veilleurs , Isaïe notamment, précédant la venue charnelle - l’Incarnation - du Christ.
Le Verbe s'est fait chair ...
Mais aussi une période où l'on se prépare à la parousie, le retour glorieux du Christ à la fin des temps ; un terme que Platon employait déjà pour désigner la présence des idées dans les choses. Une notion par ailleurs exprimée dans le prologue de l’évangile de Saint-Jean : « le Verbe s’est fait chair » … « il a habité parmi nous. »
En somme, un temps fort, très fort qui, en cette prochaine fin d’année, nous interpelle plus que jamais au regard de la multitude des conflits plus barbares le uns que les autres et cela de par le monde ; situation aggravée par le sort aujourd’hui amplement révélé que nous réservons à la terre par pollution interposée.
Les temps précédents étaient compliqués. Mais jamais au grand jamais nous ne sommes parvenus à un tel point de rupture de civilisation avec notamment la fameuse et dérangeante théorie du Genre. Sans parler des débordements migratoires.
UNIVERSALISME RÉPUBLICAIN
Le politologue Olivier Roy voit dans l’émergence des États modernes, entités séculières par définition, le point de départ du processus général de sécularisation qui aboutit en Europe à la mise en place d’une civilisation « Moderne » dans son organisation, mais qui restait culturellement chrétienne :
« Tout État est séculier par principe, et tend à séculariser la religion. Ce processus historique, issu des traités de Westphalie (1648), a progressivement défini une identité chrétienne de l’Europe, en tant précisément que "christianisme sécularisé", qui s’est longtemps maintenue en dépit de l’affaiblissement des pratiques religieuses. Mais la pertinence de ce concept est à interroger depuis les années 1960 et la rupture du consensus moral qu’il sous-tendait et qui animait auparavant en Occident les consciences à la fois chrétiennes et laïques ».
L’universalisme républicain et le principe d’égalité entre les hommes et les femmes est-il autre chose qu’une sécularisation du principe suivant :
« Il n’y a plus ni Juif, ni Grec, ni maître, ni esclave, ni homme, ni femme. Vous n’êtes qu’un dans le Christ Jésus » (Lettre aux Galates 3, 28). L’idée de séparation entre le fait religieux et le pouvoir temporel, qui déboucha au XIXème siècle en France sur l’idée de laïcité, est-elle elle-même autre chose qu’une émanation de cette célèbre phrase de Jésus : « Rendez donc à César ce qui est à César, et à Dieu ce qui est à Dieu » (Matthieu 22, 21 ; Marc 12, 17 ; Luc 20, 26) ?
Selon cette fois Antoine de Crémiers :
« La Modernité fonctionnant comme un chancre sur le cadavre des Traditions, va disparaître en même temps que la Tradition. À partir du moment où les réserves de Traditions sont mortes, ce qui est la période actuelle, la Modernité inévitablement meurt avec ».
Aujourd’hui, qui s’en plaindra, toutes les différences sont acquises (jusqu’aux différences de sexe, ainsi que le met en avant la « théorie du genre »).
La liberté de choisir entre le bien et le mal inscrite dans la Bible, qui engendra le désir de « jouissance paisible de son indépendance privée » (Montesquieu) et la « liberté des Modernes » définie par Benjamin Constant au fondement de la théorie libérale, aboutit à l’époque post-Moderne au désir d’auto-engendrement. L’individu refusant toute contrainte extérieur à lui-même concernant ses prises de décisions, et se considérant comme seul porteur et créateur du sens (et jusqu’à la négation de l’idée même de nature humaine, à partir de l’existentialisme sartrien).
DE LA GRÂCE A L’AMOUR
En cette ultime semaine du temps de l’Avent je ne pouvais pas ne pas être sensibilisé par ce témoignage du pape François après son voyage apostolique en Albanie. C’était hier, en 2014. L’Albanie, était le dernier pays européen à être sorti du communisme.
Pendant des décennies ce peuple a vécu sous la terreur d’un dictateur fou, un certain Enver Hoxha et les Églises chrétiennes furent particulièrement persécutées.
« Venez à moi, vous qui peinez sous le poids du fardeau. (Mathieu chapitre 11 verset 28)
Héros de la résistance à ce régime, Ernest Simoni, ordonné prêtre en 1956, fut rapidement arrêté et emprisonné. D’abord condamné à mort, il verra sa peine commuée en travaux forcés dans des mines de chrome. Libéré au bout de 18 ans, il travaille dans les égouts de Sköder, une ville du nord de l’Albanie et ne retrouvera la liberté qu’en 1991, après 27 années de détention !
Lorsque le pape François vint à Tirana, capitale de l’Albanie, ce vieux prêtre de 88 ans raconta au Saint-Père comment, tout au long de ces années, il avait gardé espoir en s’appuyant sur « la grâce divine et l’amour de Jésus ».
Pour ne pas se laisser contaminer par un désir de vengeance, il s’est efforcé de consoler et de réconcilier ses compagnons d’infortune et même ses geôliers.
François fut profondément bouleversé. Jusqu’aux larmes et tomba dans les bras d’Ernest.
Deux ans plus tard il le nommait cardinal.
Le rouge, couleur du sang et de l’amour.
Pour le frère Jean-Jacques Pérennès, mon confesseur du jour :
« Quand nous désespérons de Dieu et trouvons qu’il est loin, voire absent, pensons à ces héros de l’espérance, qui n’ont jamais désespéré, envers et contre tout. La force de l’Église vient d’abord de ses martyrs, de ces hommes et de ces femmes qui ont aimé et cru, au-delà du raisonnable. Normal qu’un cardinal albanais soit habillé en rouge, couleur du sang et de l’amour. »
Bernard VADON