POUR L’ACADEMICIEN JEAN-MARIE ROUART : LES ILLUSIONS DE LA LAÏCITÉ OU QUAND L’ISLAM EST REVELATEUR DE NOS FAILLES !

Publié le 12 Octobre 2023

La tonitruante et quelque part affligeante affaire de l’abaya figure comme l’un des exemples de la singulière façon dont une partie de la société, et non la moindre en termes quantitatifs, manipule à satiété le principe de liberté quelque peu mis à mal au regard des événements tragiques qui secouent actuellement notre monde occidental autant que moyen-oriental. A en faire perdre la raison au plus érudit des locuteurs. Même si, pour faire référence à William Shakespeare, dans Macbeth, l’inquiétude présente est moindre que l’horreur imaginaire.

Entre l’injustice hypocrite, qui, selon Albert Camus amène les guerres et la peur qui les fait naître, comme l’écrit de son côté le philosophe Alain, il est préférable de s’inspirer d’Albert Einstein à savoir de lutter contre la racine du mal et non contre les effets.

C’est en tout cas mon sentiment. Mais au cœur de l’actualité n’est-il déjà pas trop tard ?

Cultuel ou commercial ?

Quant aux tenantes et farouches défenseuses de cette sorte de foulard que le roi du Maroc, Hassan II qualifiait de « chiffon » (NDRL) mettant au défi les adeptes du foulard de trouver, dans les textes sacrés, quelque référence que ce soit à cet attribut, et déclarant, en prime, pour faire bonne mesure dans sa pensée, que les marocains ne s’intégreraient jamais dans un autre système social, culturel et cultuel différent du leur. (sic)

Sans pour autant rejeter le principe de relations, et le cas échéant de participation culturelle ou commerciale, le message était alors clair et sans ambigüité. Il l’est toujours. Sinon plus par les temps qui vont.

DOGME PROTECTEUR

Problème, et pour revenir au propos, la laïcité, en France, est en permanence en embuscade.

Et l’académicien Jean-Marie Rouart se distingue parmi ceux qui ne se privent pas de fustiger les illusions de cette fameuse laïcité. Surtout lorsqu’elle est érigée en dogme protecteur face à l'islamisme.

La laïcité : aux confins du ridicule !

À contre-courant de ceux qui se contentent de s'abriter derrière le laïcisme ou le séparatisme pour faire face à la montée de l'islam, l’académicien s'interroge sur nos propres responsabilités dans cette dérive.

Et pan dans le mille ! 

 « L'islam n'est-il pas, d'une certaine façon, le révélateur de nos failles et de la fragilité de notre assise morale et philosophique ?

Ne sommes-nous pas aveuglés par ce que nous sommes devenus ?

Consommateurs compulsifs, drogués par un matérialisme sans frein ni horizon, s'acheminant vers une forme de barbarie moderne, ne mésestimons-nous pas nos carences culturelles et nos faiblesses spirituelles ?
Au fond, c'est moins l'essor de l'islam qu’il convient de stigmatiser que l'abandon de notre propre modèle de civilisation. »
estime l’académicien.

Car, pour Jean-Marie Rouart, le véritable défi à relever n'est pas seulement d'ordre religieux ; c'est notre civilisation qui est en cause. Carrément !

Rappelant à cet effet et en manière d’explication, que notre nation s'est constituée autour d'un État, du Livre, de la littérature et d'une religion porteuse de valeurs universelles.

Et de préciser l'importance des piliers de la civilisation chrétienne pour faire contrepoids à d'autres modèles et préserver notre identité.

Vous me suivez ?

À ses yeux, ( je le cite) ce qu'il appelle la " mystique laïcarde " n'est qu'une illusoire ligne Maginot contre l'islam.

Dans l’un de ses livres – « Ce pays des hommes sans Dieu » paru au mois d’octobre 2021 et que je conseille en lecture – manifestement qualifié d’écrit d’un « chrétien déchiré » ayant du mal à se reconnaître dans l’Église de l’après Vatican II, Jean-Marie Rouart refuse de s'avouer vaincu et s'interroge toutefois sur les moyens de conjurer le déclin d'une civilisation d'inspiration chrétienne menacée autant par l'islam que par elle-même. Et d’affirmer, en prime si l’on peut dire vulgairement, que l'athéisme, si respectable soit-il, reste tout autant impuissant à remplacer la croyance.

Un point de vue qu’évidemment nous partageons.
Considérations somme toutes intéressantes à l’heure des « rézosociaux », je dirais, pour ma part, des « zérosociaux»:

« Ceux-là même qui  s'excitent, animés par des gnomes intellectuels, allumeurs de feux follets inconscients des conséquences que leur haine ainsi exposée peut provoquer, où des généraux, gradés divers et autres serviteurs de la nation, appellent à un sursaut dont on n'est pas très sûr de la teneur, où un gouvernement aux abois est prêt à délivrer un blanc-seing antidémocratique à certaines forces obscures et agissantes pour assurer son maintien au pouvoir.
Ici, malgré le thème polémique, c'est le calme et la sérénité... »

Et Jean-Marie Rouart de défendre une idée simple :

« Pas de civilisation sans croyance mystique, donc sans dieu. La France, (« sans parler de l'Europe au sens construction d’un « machin technocratique marchand et sans âme »), est chrétienne et même catholique. »

Qu’on se le dise.

Même si, personnellement, je crains que ce ne soit qu’une vaine mise en garde.

« Qu'on le veuille ou non, ce sont nos références culturelles. » assure, en répons, le docte académicien.
D'où son questionnement, ( dans cet ouvrage précisément ) à savoir comment s’extraire de ce piège qui se referme doucement mais inexorablement sur nous ; coincés que nous sommes entre un athéisme sans avenir car, sans dimension mystique et d'autres religions plus dynamique, l'islam, notamment, particulièrement cité et commenté dans cet essai, mais qui conserve sa force et sa vigueur, en apparaissant comme la seule religion capable de s'imposer en France.

Un rien troublant et gravement déstabilisant qui, au-delà de la pertinence du propos, tournant résolument le dos à la polémique, interroge aujourd’hui notre conscience. Qu’on le veuille ou non.

Pas évident en effet de concilier une vérité révélée ainsi qu’un code de conduite ou une boussole morale (NDRL) avec les paradigmes du moment.

Jusqu’à mon latin, enseigné en classe de sixième, qui s’y perd. Je le concède honteusement !

Alors, dans ce contexte, la métaphysique pourrait-elle représenter une réponse parmi d’autres ?

Il y a bien les outils du moment, de Google à ChatGPT, que l’on dit aptes à harmoniser les textes et réalité.
Mais voilà …

ROUAGES SECRETS

Quant à la question de savoir si notre âme choisit un certain nombre d’épreuves afin d’évoluer :
« Je n’en sais rien. Mon idée serait un peu celle de François Mitterrand : Je crois aux forces de l’esprit. Les âmes des défunts demeurent quelque part et il doit y avoir une sorte de continuité – c’est pourquoi je suis sensible au culte des ancêtres, aux sagesses du passé, à la culture grecque et chrétienne. Mais ma spiritualité est forcément celle d’un artiste : elle est avant tout dirigée vers la création. C’est le travail de toute une vie de réussir à établir ce parallèle entre vie spirituelle et création. Notre plus haute expression, c’est la création. C’était écrit. Mais c’est parce que nous ne faisons que devancer un appel mystérieux... Je crois au destin, je crois à l’existence des Parques ! Quant aux épreuves que nous traversons durant notre vie, elles participent de l’enrichissement de notre personnalité. Quelqu’un qui n’a pas vécu divers malheurs est peut-être quelqu’un d’insensible, qui ne cherche pas à s’épanouir. La souffrance est constitutive de l’âme humaine. Et si l’on veut devenir un grand styliste, il faut tenir compte de ce fait, et ressentir une formidable empathie pour l’espèce humaine. »

Alors, qu'est-ce qui décide de notre destin? Pourquoi les choses arrivent-elles?

Quelle est la part de la volonté, du hasard et de la fatalité dans l'accomplissement d'une vie?

Selon l’éditeur du romancier et essayiste :

Dans ce roman autobiographique, où alternent le romantisme et l’humour, Jean-Marie Rouart s'interroge sur le mystère de la destinée et tente d'en comprendre les rouages secrets.

Il met son coeur à nu et avoue ses faiblesses : une adolescence à l'horizon bouché, un bac inlassablement raté, l'amour pour une jeune fille qui ne cesse de le tromper, la médiocrité dans une chambre de bonne à échafauder des rêves au-dessus de ses moyens.

Par quel sortilège conjurer le mauvais sort ?

Comment passer de la pauvreté parmi les pêcheurs de Noirmoutier à la fréquentation des heureux du monde, de l'humiliation des livres refusés jusqu’à l'Académie française? .

Jean-Marie Rouart défend pourtant une idée simple en réitérant sa formule en forme de slogan :

« Pas de civilisation sans croyance mystique, donc, sans dieu. »

La France répétons-le (il ne parle même pas de l'Europe au sens de « ce machin technocratique marchand et sans âme » - comme il la qualifiait précédemment et qui d’ailleurs me ravit -  est chrétienne et même catholique. Qu'on le veuille ou non, ce sont nos références culturelles.
Comment alors sortir de ce piège qui se referme doucement mais inexorablement sur nous, coincés que nous sommes entre un athéisme sans avenir car sans dimension mystique et d'autres religions plus dynamiques ?

Plutôt qu'écouter les nains médiatiques, cités précédemment, il est préférable de passer quelques heures en compagnie de Jean-Marie Rouart pour initier un débat toujours riche et animé dès qu'il s'agit de religion, de laïcité, d'Islam et surtout, sinon en conclusion, de fin de civilisation.

Voilà qui est clair.

SIMILITUDE

J.M.R. par sa famille a baigné dans l'Art, dès sa prime jeunesse, mais également dans la littérature et l’éducation chrétienne.
Aujourd’hui il déplore l'affaiblissement de notre langue et des valeurs universelles de la religion chrétienne dont nous sommes tous porteurs, le niant ou feignant parfois de l'ignorer.
La laïcité devient alors une nouvelle religion…  et sur du vide, l'Islam s'installe.

 

« Alors Hérode, voyant que les mages s’étaient moqués de lui, entra dans une violente fureur. Il envoya tuer tous les enfants jusqu’à l’âge de deux ans à Bethléem et dans toute la région, d’après la date qu’il s’était fait préciser par les mages. Alors fut accomplie la parole prononcée par le prophète Jérémie : Un cri s’élève dans Rama, pleurs et longue plainte. C’est Rachel qui pleure ses enfants et ne veut pas être consolée, car ils ne sont plus. » (Mt 2, 16-18)

Qui se souvient des massacres de la Saint- Barthélemy, cet événement des guerres de Religion résultant d'un enchevêtrement complexe de facteurs, aussi bien religieux et politiques que sociaux, conséquence des déchirements de la noblesse française entre catholiques et protestants ?

Sans occulter pour autant un autre massacre des Innocents, celui-là. Épisode relaté dans l’Évangile selon Saint-Mathieu, en même temps que la fuite en Égypte : le meurtre de tous les enfants de moins de deux ans dans la région de Bethléem. Selon le récit évangélique, ce massacre a été commis sur l'ordre d'Hérode – qui régnait sur la Judée fort de ses compromissions avec l’Empire romain – craignant à la naissance de Jésus l'avènement d'un roi des Juifs comme l’avaient annoncé les mages. Qu’importe, au fond, si l’historicité de ce récit est aujourd’hui remise en cause. Et si, d'après certains auteurs, il serait calqué sur un passage de l'Ancien Testament lorsque Pharaon ordonna la mort de tous les nouveau-nés israélites mâles, avant que Moïse ne survienne pour le salut du peuple.

En ce 21ème siècle, la similitude de l’événement est étrange. Sinon inquiétante … ou révélatrice.


Certes, notre belle civilisation est fatiguée mais Jean-Marie Rouart est convaincu d'un rebond, même s’il faudrait revenir bien en arrière pour y parvenir.

J’ajouterais, modestement, bien en arrière  :

« Oui, la société a évolué. Ce que je regrette, peut-être, aujourd’hui, c’est que les choses n’ont fait qu’empirer. La marchandisation de la vie arrive au galop, par exemple, avec la PMA, et tout ce qui touche au trafic des embryons… Je trouve ça extrêmement dommageable pour l’homme. La société qu’on est en train de construire, où chaque individu doit trouver une solution à son particularisme me parait quand même aller vers une forme d’anarchie totale. Une société doit avoir des règles pour la communauté. Je regrette aussi l’affaiblissement de la langue française, qui est un chef d’œuvre en péril, et l’affaiblissement des notions spirituelles, dont tout le monde se fiche aujourd’hui. Je ne parle pas des églises, mais de la nécessaire conception spirituelle des choses qu’il faut avoir, comme dans le domaine amoureux notamment. La « houllebecquisation de l’amour » …c’est-à-dire que l’amour ce n’est pas seulement Meetic ou Youporn. Une élévation peut exister, des rencontres qui sont d’un ordre spirituel et pas seulement sexuel. Je reprends la phrase de Romain Gary qui disait « Moi, je n’ai pas vraiment de morale, j’ai une esthétique ». Mais malgré tout cela, je me dis que le plus grand des défauts serait de se séparer de son temps, de ne pas l’apprécier, car on ne peut pas changer d’époque….alors il faut la vivre de toute sa ferveur, en se disant qu’il y a, dans cette époque, des gens exceptionnels de nature à vous faire aimer la vie ! »

Alors, messianiques, les Français ?

« Je pense que la France a une mission spéciale, qui est à la fois éthique et esthétique. Et qui vient, pardon d’être pédant, de Rome et du christianisme. C’est pour cela que la France a attiré des personnes comme Ionesco ou Romain Gary. Ils sont venus en France parce que la langue française, la littérature française, représentaient pour eux quelque chose d’incomparable.  Mais le but de la France, sa mission, ce n’est pas de défendre sa propre civilisation, c’est d’essayer d’aller au-delà, de rechercher la civilisation idéale. D’où l’impossible point de rencontre avec les Américains, qui, eux, veulent imposer leur modèle. En revanche, les Français ont ce côté messianique universaliste. » affirme Jean-Marie Rouart.

Et ce dernier de définir la mission d’un écrivain :

« La France est en train d’être avalée, à la fois dans un magma européen dont les contours ne sont pas très bien dessinés, et dans une mondialisation, qui risque de nous faire perdre nos valeurs. Je pense que le rôle d’un écrivain n’est pas d’être heureux mais d’essayer de faire aimer la vie. Nous sommes là pour essayer de montrer la force de l’esprit. Cet esprit, c’est ce qui peut relier les hommes entre eux, et ce qui peut, en même temps, les rassurer. »

Malheureusement, ce que l’on entend aujourd’hui, ce n’est plus tellement la voix des écrivains que celle des footballeurs et autres bateleurs de foires produits d’un consumérisme effréné… 

Souvenons-nous de Charles Péguy :

«Les poètes construisent, les politiques détruisent.»

On soupçonne le président du moment - qui use sinon abuse parfois dans ses discours du «chacun- chacune» et du «celles et ceux», formulation qui peut se comprendre politiquement mais qui n’est pas, grammaticalement parlant, heureuse - d’être favorable à l’écriture inclusive. Pourtant, un président de la République en France, qui plus est, passionné de philosophie, devrait savoir à quel point l’État et la langue française sont liés de manière consubstantielle. Bref.

Détériorer la langue, c’est détériorer l’État. Altérer ce qui fait sa force. Et, à terme, amener les Français à ne plus se comprendre. Les inciter à employer, ce qui est déjà le cas, une langue à deux vitesses: l’une pour les érudits, et une autre, sabir informe et dégradé, à l’usage du plus grand nombre abandonnés à leur sort.

Sans une rapide et drastique reprise en main, on condamne le français à devenir une langue morte comme le latin ou le grec. Dont acte !

ETRE LA FRANCE

Il y a quarante ans, le philosophe Emil Cioran dont l’influence - de Diogène de Sinope, Michel de Montaigne, la Rochefoucauld, Kant et autres Schopenhauer, Paul Valery et Henri Bergson, Thérèse d’Avila (mais oui !) était grande -  se désolait face à l’invasion du franglais:

«Aujourd’hui que leur langue est en plein déclin, ce qui m’attriste le plus, c’est de constater que les Français n’ont pas l’air d’en souffrir. Et c’est moi, rebut des Balkans, qui me désole de la voir sombrer. Eh bien, je coulerai, inconsolable, avec elle!»

Emil Cioran

« Quelqu'un a dit du français que c'est une langue honnête; pas moyen de tricher en français. L'escroquerie intellectuelle y est quasi impraticable."  écrit encore le philosophe.

Il n’est (peut-être) pas trop tard pour entendre l’avertissement de Cioran. Pour ne pas donner le coup de grâce à la langue française. Pour répondre à ces interrogations, Jean-Marie Rouart partage avec douceur et pour le plus grand plaisir du lecteur, des sujets aussi divers que la pensée de Jacques Maritain ou le témoignage des Moines de Tibhirine mais aussi de son expérience dans le cadre de la défense de Omar Raddad sans parler des concepts profonds du Cardinal Ratzinger : de la survie de l'âme à l'existence de la Providence de la beauté de notre civilisation modelée par le Christ dans sa morale, sa culture et son héritage offert au monde.
Comment la France saura-t-elle résoudre les questions posées par l'arrivée de l'Islam sur ses terres alors qu'il lui semble naturel de nier le fait religieux ou de le regarder d'un oeil tantôt indifférent, tantôt suspicieux comme le vestige d'une arriération mentale ? 
Serions-nous à une croisée des chemins à l'image de notre civilisation lorsque l'Islam frappait à la porte à Constantinople, en mai 1453 ?

Croyons-nous vraiment que notre présent soit devenu éternel par la grâce du temps court de la religion du progrès ?

S’impose alors une maigre consolation : Charles De Gaulle qui se faisait une certaine idée de la France et qui confiait de façon – sa façon – énigmatique :

 « Être la France, cela vaut la peine ! »

Certes, mais c’était De Gaulle.

Bernard VADON

 

 

 

Rédigé par Bernard Vadon

Publié dans #J - 2 - B ( Journal )

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