L’ABSTENTION ÉLECTORALE EN FRANCE EN POLE POSITION CROISSANTE. DÉCRYPTAGE. 

Publié le 17 Juin 2022

 

Au-delà des grands mots et belles tirades, et autres théories si brillantes soient-elles sur le droit démocratique et le civisme – parfaitement complémentaires d’ailleurs – on oublie peut-être l’essentiel et notamment celui qui, insidieusement mais inéluctablement, conduit à l’abstention.

Auguste Comte.

Dans son plan de travaux scientifiques pour réorganiser la société, Auguste Comte – philosophe et sociologue francais fondateur du positivisme – estimait :

«La politique ne saurait avoir pour objet de faire marcher l'espèce humaine, qui se meut par une impulsion propre, suivant une loi aussi nécessaire, quoique plus modifiable, que celle de la gravitation. Mais elle a pour but de faciliter sa marche en l'éclairant ».

En quelque sorte, l’idéal en la matière.

Pierre-Auguste Caron Beaumarchais.

Si ce n’était tenir compte d’une réalité dont un autre auteur et non des moindres – Pierre-Auguste Caron Beaumarchais – assurait (et comment ne pas le croire) :

« Au-delà des grands mots et autres théories si brillantes soient-elles sur le droit démocratique Ah ! la politique c’est l’art de créer des faits ; de dominer, en se jouant, les événements et les hommes ; l’intérêt est son but ; l’intrigue son moyen : toujours sobre de vérités, ses vastes et riches conceptions sont un prisme qui éblouit. »

AFFLIGEANT

Aujourd’hui, les prétendants au pouvoir devraient en prendre de la graine.

D’autant que l’on assiste au spectacle affligeant, sans distinction de « personnalités » histoire de ne pas faire de jaloux et, au fond, d’affirmer que ce joli monde est animé des mêmes ambitions.

En clair, une pitoyable « comedia del arte »  dont Molière soi-même n’aurait pas souhaité s’inspirer.

Mais qu’importe le flacon même s’il ne dispense pas l’ivresse.

Edgar Morin.

D’aucuns parleront, peut-être et à juste titre, de situation complexe sinon de « pensée complexe » telle que l’analyse Edgar Morin, le créateur de ce concept propre, selon celui-ci, à aider les dirigeants à mieux comprendre le monde qui les entoure :

« Une tentative pour aider les gens à comprendre ce qu'ils appellent complexe. Elle a pour but de relier ce qui, dans notre perception habituelle, ne l'est pas. Elle nous éclaire sur la connaissance qui est un phénomène, dont nous avons besoin pour prendre des décisions, affronter la vie dans tous les domaines. Car le plus grand risque, dans la vie, c'est de se tromper dans ses choix. ».

Tout ce dont se moquent nos candidats actuels aux postes de députés auxquels on brûle de poser une autre question aussi rituelle que facile :

« Que répondez-vous à ceux, toutes générations confondues et notamment aux jeunes gens, qui ne peuvent plus envisager la politique autrement que comme le lieu d’affrontement des cynismes et des opportunismes ? ».

Silence radio, comme on dit.

LA PERTE DES SENS

Ainsi, de fil en aiguille, s’est constituée une société industrielle soutenue par une économie capitaliste qui impose ses outils technologiques et financiers non plus comme des moyens mais comme des fins.

Ivan Illich

En tout cas, d’accord ou pas d’accord, c’est le constat établi par Ivan Illich - prêtre devenu philosophe, penseur de l'écologie politique et figure de la critique de la société industrielle – auteur (chez Fayard) de « La perte des sens » dont je retiens à dessein, ces quelques mots :

« Je plaide pour une renaissance des pratiques ascétiques, pour maintenir vivants nos sens, dans les terres dévastées par le «show», au milieu des informations écrasantes, des conseils à perpétuité, du diagnostic intensif, de la gestion thérapeutique, de l’invasion des conseillers, des soins terminaux, de la vitesse qui coupe le souffle. »

Pas évident, mais pourquoi pas ?

Ivan Illich est l'un des premiers à avoir dénoncé le productivisme, le culte de la croissance, l'apologie de la consommation et toutes les formes d'aliénation nées du mode de production capitaliste.

Dans son essai intitulé "La convivialité" il montre comment l'organisation de la société tend à produire des consommateurs passifs, qui ont délégué aux institutions le pouvoir de décider et renoncé à assumer la responsabilité des orientations de leur société. Une analyse critique en forme de manifeste.

L’objectif : réveiller politiquement les citoyens endormis, afin qu'ils se réapproprient leur destin.

Un thème repris par Edgar Morin dans son introduction  à la pensée complexe :

« Alors que ce système montre aujourd’hui ses limites techniques, nous ne savons pas, sur le plan des idées, être conviviaux. »

Tiens, tiens !

POUVOIR D’ÉTAT

La politique fait, on le sait, partie intégrante de l’histoire de la société humaine.

Il y a quelques millénaires, elle était déjà synonyme de pouvoir et d’exercice de celui-ci au sein de collectivités constituées dont on connaissait les composantes.

La première définition implique que la question centrale, voire unique, de la politique, c’est bien la notion du pouvoir d’État.

Une définition au demeurant simple qui traverse toute l’Histoire du monde jusqu’aux choix les plus élémentaires dont celui d’un élu et présentement d’un député, par exemple. Une conception malheureusement et souvent cynique de la politique, faite de concurrences, de rivalités, de brutalités.

Le but : conquérir le pouvoir, s’y installer et l’exercer comme on l’entend…

Tout le problème est là. Aujourd’hui, plus que jamais seul le résultat compte. A n’importe quel prix. Trahison comprise.

La situation dans laquelle se trouve les (bonnes) raisons de ne pas accomplir ce que certains désignent, non sans une certaine condescendance, comme un devoir civique, est bien réelle. Jusqu’à imaginer de le rendre obligatoire sans pour autant garantir son vote par des moyens électoraux parfaitement légaux et justes. La proportionnelle par exemple pour ce qui concerne la France. Un sujet brûlant.

Dans ce contexte, le dérèglement climatique, conséquence de la suractivité humaine – et économique – à travers les inégalités sociales engendrées quant à elles par une économie de marché biaisée – n’arrange rien et laisse cependant supposer que le système convivial pourrait être une solution.

D’aucuns y réfléchissent.

 Léon Gambetta

"La politique est l'art du possible." confiait Léon Gambetta - Membre du gouvernement de la Défense nationale en 1870 puis chef de l'opposition, l'une des personnalités politiques les plus importantes des premières années de la Troisième République – qui complétait ce principe au demeurant élémentaire et respectueux de l’humain en précisant :

"Ce qui constitue la vraie démocratie, ce n'est pas de reconnaître des égaux, mais d'en faire."

Jacques Chirac aimait à dire que les promesses n'engagent que ceux qui y croient et Henri Queuille – qui fut en son temps président du Conseil - d’écrire que la politique n’est pas l’art de résoudre les problèmes mais de faire taire ceux qui les posent ou encore qu’il n’est aucun problème en politique qu’une absence de solution ne puisse résoudre.

Des remarques judicieuses qui pourraient illustrer la piètre qualité des récents débats télévisuels et autres échanges sur la question de savoir qui serait le (ou la) mieux placé (e) pour participer aux affaires du pays.

Au-delà de cette déception télévisuelle – où l’on entend tout et son contraire -  qui pourrait constituer une explication supplémentaire à la relative désertification des scrutins, nous ne pouvons que former le vœu que ce ne soit pas des prêches stériles dans le désert empoisonné de la politique du moment mais une prise de conscience sérieuse et peut-être déterminante contre le fléau compréhensible, explicable et malheureusement justifié de l’abstention.

Bernard Vadon 

 

 

Rédigé par Bernard Vadon

Publié dans #Articles

Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :