QUAND LA SYMBOLIQUE D’UN DRAPEAU FAIT DÉBAT ET QUE LES COUILLONNADES FONT RECETTE DE FAÇON MINABLE.
Publié le 7 Janvier 2022
Après avoir été emballé comme un fromage labellisé par Bela de Kristo, l’Arc de triomphe ainsi « momifié », en appelait alors et aussi bien au « constructivisme » de Malevitch qu’au surréalisme et finalement au cubisme d’un Pablo Picasso ou d’un Cézanne.
En tout cas, un incontestable et quasi imparable coup de communication.
Dans ma région natale, en Provence, au fin fond de ruelles qui ajoutent au charme de ce Midi de la France, souvent immortalisé par un langage sinon des mots clés et forts pour illustrer un acte de trop, on appelle cela : une couillonnade.
C’est familièrement mais joliment dit. Et surtout compris par tout un chacun.
L’œuvre de Marcel Pagnol en atteste.
Souvenez-vous de la légendaire réplique de Marius :
« Il se peut que tu aimes la Marine française. Mais la Marine française, elle te dit merde ! »
Le président français – il n’est pas le seul mais les autres ne sont pas présidents - est coutumier de ces dérapages verbaux. Plus ou moins générateurs de réactions souvent violentes. Chirac en Israël sous le coup de la colère avait lui aussi lâché ce (gros) mot libérateur.
FACHEUX DÉRAPAGE
Dans un contexte moins pardonnable parce que venant après réflexion, la récente affaire du remplacement du drapeau français par le drapeau européen en un lieu aussi sensible et mythique que l’Arc de triomphe, en témoigne une fois encore. Et la soudaine prise de conscience de ce fâcheux dérapage ayant entraîné quelques heures plus tard le tout aussi soudain retrait du drapeau de la discorde ( non pas parce qu’il était de trop mais tout simplement parce qu’il y avait une manière d’usurpation d’identité insupportable) ne fait qu’ajouter à la connerie de l’acte.
Certes, il n’y avait pas de quoi fouetter un chat ont clamé en chœur les fidèles du président histoire de minimiser l’événement … Mais dans un autre contexte, associer le verbe transitif emmerder cette fois à l’adresse des non-vaccinés… oubliant que ce terme exprime le fait de souiller d’excréments le (ou les) destinataires, ajoutait, de manière indécente au mépris sinon à la suffisance d’un président trop souvent pris en faute en matière de comportement public.
Un procédé d’une extrême délicatesse … même s’il s’épanouit depuis toujours dans le monde littéraire. De Gide à Giono en passant par Simone de Beauvoir et combien d’autres plumitifs. Sans oublier Voltaire avec Candide. Mais est-ce une raison ?
Pas pour M. Jean-Luc Mélanchon qui, dans la pratique de la couillonnade n’est jamais en reste. Pour preuve, il y a quatre années, son appel à l’autorité présidentielle quant au rejet pur et simple du drapeau européen :
« Je rappelle que notre opposition a cet emblème ne tient pas au fait qu’il prétend être celui de l’Europe, mais parce qu’il exprime une vision confessionnelle de l’Union, et cela à l’heure où plus que jamais religion et politique doivent être séparées.
Le refus du traité constitutionnel de 2005, dans lequel cet emblème était proposé, vaut décision du peuple français sur le sujet. »
UN GRAND SIGNE
Pourtant, la naissance du drapeau européen – qui n’avait pas à flotter en solitaire sous l’Arc de triomphe sinon, à la limite, à côté du drapeau français – est abondamment inspiré de la tradition chrétienne. N’en déplaise à celui qui avec d’autres pseudos supplétifs à la fonction suprême se gargarisent à satiété d’une laïcité à la sauce républicaine. Une insipide querelle de circonstance entre le sabre et le goupillon.
Bref historique :
Arsène Heitz, peintre strasbourgeois, fonctionnaire européen qui a dessiné le drapeau, était un fervent catholique. Il confiera plus tard qu’il avait tiré son inspiration de la médaille miraculeuse de la Vierge Marie, qui la représente entourée de douze étoiles d’or.
Pour faire référence à une rubrique quotidienne d'une chaîne de radio : le vrai du faux.
Référence directe au magnifique texte de l’Apocalypse ( Révélation et non pas catastrophe comme il est souvent et à tort traduit ) de Saint-Jean :
« Le sanctuaire de Dieu, qui est dans le ciel, s’ouvrit, et l’arche de son Alliance apparut dans le Sanctuaire. Un grand signe apparut dans le ciel : une Femme, ayant le soleil pour manteau, la lune sous les pieds, et sur la tête une couronne de douze étoiles. Elle est enceinte, elle crie, dans les douleurs et la torture d’un enfantement. Un autre signe apparut dans le ciel : un grand dragon, rouge feu, avec sept têtes et dix cornes, et, sur chacune des sept têtes, un diadème. Sa queue, entraînant le tiers des étoiles du ciel, les précipita sur la terre. Le Dragon vint se poster devant la femme qui allait enfanter, afin de dévorer l’enfant dès sa naissance. Or, elle mit au monde un fils, un enfant mâle, celui qui sera le berger de toutes les nations, les conduisant avec un sceptre de fer. L’enfant fut enlevé jusqu’auprès de Dieu et de son Trône, et la Femme s’enfuit au désert, où Dieu lui a préparé une place. Alors, j’entendis dans le ciel une voix forte, qui proclamait : « Maintenant voici le salut, la puissance et le règne de notre Dieu, voici le pouvoir de son Christ ! »
Douze étoiles : un nombre évocateur, éminemment symbolique.
C’est d’abord, expliquent les spécialistes, un nombre dit « sublime » par ses diviseurs. Il est également le nombre du temps et de l’espace car il évoque les 12 mois de l’année, les 12 heures du jour et de la nuit, ou encore les 12 signes du Zodiaque composant la voûte céleste. D’autre part, le nombre 12 rappelle aussi les 12 travaux d’Hercule, les 12 dieux de l’Olympe et les 12 chevaliers de la Table ronde dans la légende arthurienne.
Quant au drapeau européen, au-delà des communautés qui l’illustrent, les 12 étoiles évoquent la perfection, la plénitude et l’unité. Pas mal, non ?
Plus historiquement encore, les qualités numériques du 12 font que le système duodécimal (numération en base 12) a longtemps volé la vedette au système décimal puisqu’on comptait douze pouces dans un pied (mesure de longueur), douze pence dans un shilling, ou encore douze deniers dans un sou.
La douzaine (ou « duodénaire ») est pour sa part utilisée dans le langage courant, faisant ainsi du 12 le nombre de l’unité totalisante.
Le nombre 12 est également indissociable du cycle solaire, qui comporte, on le sait, 12 mois. Ce nombre est fondé sur les lunaisons. A l’image du nombre 12, la pleine lune symbolisant la maturité, l’aboutissement, mais aussi l’amorce de la décroissance.
Le nombre 12 éclaire, par ailleurs, le monde tel qu’il est structuré, dans sa perfection quaternaire, sur les trois plans de la terre, de l’homme et du divin. C’est donc le chiffre du monde achevé; abouti dans sa perfection.
Pour les chrétiens, le symbolisme du nombre 12 renvoie aux douze tribus d’Israël (correspondant aux douze fils de Jacob) et aux 12 fruits de l’Esprit Saint :
« Mais le fruit de l’Esprit, c’est la charité, la joie, la paix, la patience, la bonté, la bénignité, la longanimité, la mansuétude, la foi, la modestie, la continence et la chasteté. » (lettre aux Galates 5, 22).
Enfin, le chiffre 12 fait référence aux 12 apôtres de Jésus-Christ ainsi qu’à l’Épiphanie qui intervient 12 jours après Noël, un espace temps nécessaire à la transformation.
Dans le texte de Saint Jean, Marie est présentée comme « une Femme revêtue du soleil, la lune sous ses pieds et sur la tête une couronne de douze étoiles ».
Et, la couleur bleu est associée à la mère de Jésus, qui fait l’objet d’une vénération particulière dans les religions catholique et orthodoxe, le culte marial, ou « hyperdulie » selon le Concile de Trente. Marie - Myriam - est aussi vénérée sinon respectée dans l’Islam. Son nom revient dix-neuf fois dans le Saint Coran.
Saint Bernard de Clairvaux : les douze privilèges de grâce de Marie.
En filigrane de ce drapeau européen sur lequel les étoiles symbolisent les idéaux d’unité, de solidarité et d’harmonie entre les peuples d’Europe "et qui suscite autant de réactions et de passions, Saint Bernard de Clairvaux dont le culte marial n’est pas à mettre en doute nous offre une version d’une extrême élévation :
« Nous pouvons reconnaître, non sans motif, semble-t-il, dans ces douze étoiles, les douze Privilèges de grâce qui font à Marie une Parure unique. En effet, si on distingue en Marie : des Privilèges du ciel, des Privilèges du corps, des Privilèges du cœur ; et si ce trinôme est multiplié par quatre, nous avons à n'en pas douter, la série complète des douze étoiles qui brillent au Diadème de notre Reine.
Pour moi, un éclat particulier rayonne de la Naissance de Marie, de la Salutation de l'ange, de la venue sur Elle de l'Esprit Saint), de l'ineffable Conception du Fils de Dieu.
De même resplendissent d'une beauté éclatante : son premier Rang parmi les vierges, sa Fécondité sans souillure, sa Maternité exempte de fatigue, son Enfantement sans douleur.
De plus, resplendissent en Marie tout autant : la délicatesse de sa Modestie, l'Humilité de son dévouement, la magnanimité de sa Foi, le Martyre de son cœur. »
Dans l’Apocalypse le « grand Dragon, rouge feu » symbolise l’effrayant pouvoir de l’égoïsme absolu, de l’indifférence, de la violence.
De nos jours, ce Dragon se manifeste de façons nouvelles et différentes.
Le pape François en dresse un tableau impressionnant qui va de la nouvelle idolâtrie de l’argent et de la culture de l’exclusion et du déchet à toutes les formes de dégradation de la qualité de la vie humaine, sociale et environnementale. Il représente « tous les vices autodestructifs » (selon l’expression de Laudato si, 59).
L’affaire du drapeau de l’Arc de triomphe n’est qu’un épisode entre autres de ces vices autodestructifs dont parle le pape François. De cette laïcisation importante et utile mais trop sujette aux débordements et au détriment de valeurs élémentaires.
Je ne peux m’empêcher de penser à Blaise Pascal que le silence éternel effrayait ou à Saint-Augustin qui estimait que la foi et la raison conduisent à la même vérité, qui restent tous deux des marqueurs incontournables et pour lesquels le cœur et la raison ne sont systématiquement pas opposables mais peuvent aussi constituer des niveaux d’une seule faculté à connaître.
Nous sommes manifestement à des années-lumière de ces « couillonnades » perfidement liées à un besoin de communication d’une extrême débilité.
Bernard VADON