« PARDONNEZ-NOUS NOS OFFENSES » L’église en accusation : Fallait-il en arriver là !

Publié le 10 Novembre 2021

A Lourdes, une semaine durant 120 prélats français sans oublier le nonce apostolique représentant le Saint Siège, participaient traditionnellement à leur assemblée générale plénière d’automne sous la présidence de leur président, Monseigneur Éric de Moulins-Beaufort, par ailleurs archevêque de Reims.

L’ordre du jour de cette traditionnelle assemblée plénière des évêques de France du temps d’automne  - une autre se tenant en mars – organisée dans la cité mariale de Lourdes, comportait deux questions importantes sinon majeures au regard de l’actualité et relatives à la pauvreté - dans le droit fil de l’encyclique papale « Laudato Si » sur le thème de : « La clameur de la Terre, la clameur des pauvres » ; et surtout, sur l’explosif rapport Sauvé  ( Commission CIASE) mettant en exergue les abus sexuels dans l’Église et singulièrement la pédocriminalité.

Les évêques avaient également à « plancher » sur le fonctionnement des services de la Conférence des Évêques de France, la vie des prêtres, l’enseignement catholique mais aussi sur l’économie, les finances et le Secours Catholique.

TEMPS DE MEDITATION

La veille, à l’initiative de leur président, les évêques étaient invités à un temps mémoriel et pénitentiel sinon de recueillement sur les marches de la basilique du Rosaire. Un temps fort de méditation pour prendre conscience de leurs responsabilités dans ce nouveau drame qui affecte de façon « systémique » l’Institution qu’ils représentent et dont ils sont en charge.

Monseigneur Éric de Moulins-Beaufort sur les marches de la basilique N.D du Rosaire : pardonnez-nous nos offenses.

L’archevêque de Reims, en quelques mots lugubrement rythmés par le tintement du glas de la basilique, a exprimé – à sa façon – les conséquences physiques et psychiques subies par les victimes. Singulièrement des enfants.

La reconnaissance du désastre, la prise en considération des dommages de toutes sortes et la repentance représentant l’essentiel de ces tristes aveux.

La messe du 32e dimanche du temps ordinaire célébrée en la basilique N.D. du Rosaire à Lourdes, solennisait en quelque sorte ces paroles de contrition que d’aucuns, à tous niveaux, souhaitent voir au plus tôt suivies d’effets.

Pour moi, le souvenir de Vatican II et l’usage mesuré qu’au fil des années on a pu en faire alors même que ceux qui l’avaient instrumenté souhaitaient un renouvellement sinon un rajeunissement de l’institution, pourrait aujourd’hui et à la lumière de ce qui se passe  faire naître quelques regrets. Mais cela est une autre affaire.

Monseigneur André Dupuy : Une analyse à la hauteur de l'enjeu.

En confiant la réflexion évangélique de ce dimanche à Monseigneur André Dupuy, chapelain au sanctuaire de Lourdes – pour lequel  la foi est un choix inconditionnel pour reprendre un de ses thèmes récents – le défi en la circonstance était de taille. Nul doute que le président de la conférence des évêques de France en était conscient et que souhaitant vraisemblablement une analyse hors le sérail il avait trouvé et surtout réussi à convaincre un prédicateur à la hauteur de l’enjeu.(1)

D’ailleurs, Mgr André Dupuy, dans un premier temps, ne dissimula pas sa stupeur lorsque Monseigneur Éric de Moulin-Beaufort lui proposa cette tâche sinon ce fardeau.

Si l’intéressé a finalement accepté – il s’en est publiquement confié -  c’est que, selon ses propres termes : « la chaire n’est pas le prétoire. »

Dont acte.

CONVERSION

L’introduction de cette homélie pour le moins inattendue dans l’esprit paraissait aussi improbable que courageuse. De la part de ce prédicateur averti et particulièrement brillant, il fallait un peu s’y attendre. Tout le monde risquait d’en prendre pour son grade. Manifestement, Dieu se trouve toujours là où on ne l’attend pas. Démonstration :

« Église combien tu es contestable et combien je t’aime! Combien tu m’as fait souffrir et combien je te suis redevable Que de fois tu m’as scandalisé.et pourtant tu m’as fait comprendre la sainteté. »

Pour Monseigneur Dupuy,  les textes de ce dimanche traçaient, opportunément, un authentique chemin de conversion. Le prédicateur – que je connais bien pour écouter occasionnellement mais toujours avec bonheur dans cette même basilique ses méditations – revient à l’un de ses modèle de circonstance. En l’occurrence Carlo Caretto :

 « Un Jean-Baptiste des temps modernes qui n’a jamais recouvert de silence ce qui devait être connu. »

Suivez mon regard.

Référence au fondateur des petits frères de l’évangile – Carlo Caretto aujourd’hui disparu qui fut le président de l'Action Catholique Italienne et fondateur dans le même esprit que Charles de Foucauld, en 1956, des « Petits Frères de l'Évangile » un auteur prolixe et notamment des « Lettres du désert » dont Mgr Dupuy se nourrit régulièrement. Entre autres ouvrages.

 

Carlo Caretto : "Un Jean-Baptiste des temps modernes."

Car, selon le Frère Caretto, vivre avec Dieu, c’est comme deux époux qui se disent tout et sont heureux. Explication :

« Dieu a été le Chemin. Il m’a pris par la main et m’a montré la route. Que de fois j’ai pu vérifier que c’était Dieu qui me tenait par la main ! J’étais tenté de penser que c’était moi qui dirigeait mes pas, mais les occasions ne m’ont pas manqué de faire l’expérience que Dieu me guidait, et que sans Lui je serais retombé dans le néant. » 

AUTHENTICITE : LE MAÎTRE MOT

L’authenticité – pour employer un terme dont Mgr Dupuy émaillera plusieurs fois son propos – on la découvre dans l’Évangile du jour du Seigneur, celui de Marc :

« Malheur à vous, scribes et pharisiens hypocrites ».

Ainsi, c’est bien au nom de l’authenticité que Jésus fustige l’hypocrisie du gratin religieux de Jérusalem. Elle dissimule mal l’abîme entre la piété affectée des scribes imposteurs et de leur conduite odieuse.

C’est encore au nom de l’authenticité que Jésus met en lumière le geste de la veuve du temple qui en dépit de son indigence donne ses dernières piécettes au trésor du temple.

Et Mgr Dupuy de l’associer opportunément à l’attitude touchante de la veuve de Sarepta qui, mille ans avant celle du temple de Jérusalem, donna son dernier pain au prophète Elie.

Deux femmes, deux pierres vivantes de l’Église. Exemplaires.

Leur générosité partait tout simplement du cœur.

Et le prédicateur de ne pas s’embarrasser de formules alambiquées pour délivrer le fond de sa pensée :

« Les petites gens ne se plongent pas dans des calculs de dégrèvement fiscaux au moment de donner. Ils prennent sur leur indigence. Les vrais pauvres savent que ce n’est pas le montant qui compte mais l’esprit qui inspire le don. ».

Suivez toujours mon regard.

L’authenticité dans ce discours de haute volée continue de s’imposer :

« Dans un monde où la parole de Dieu est de moins en moins entendue, se laisser nourrir par elle, reste le seul moyen de changer en eau vive la mer morte qu’est devenue notre société. »

Et Mgr Dupuy d’enfoncer le clou :

« Pour nous chrétiens, c’est un devoir d’être authentiques. D’avoir la passion et le courage de l’authenticité. Que les agresseurs qui avaient reçu pour mission d’enseigner que le joug du seigneur est facile à porter et que son fardeau est léger, aient imposer à des victimes innocentes des croix insupportablement lourdes fait outrage à l’authenticité. »

LA FOI : UN CHOIX INCONDITIONNEL

Un désespérant état des lieux, des abus inqualifiables, un manquement total aux enseignements de l’Église et plus simplement des hommes qui ne doivent cependant pas occulter l’autre face de la médaille. Mgr André Dupuy insiste à ce titre sur ce qu’il appelle encore et sans ambages un devoir de justice :

« Ce drame de l’hypocrisie ne doit pas occulter l’attitude exemplaire de tant de fils et de filles de l’Église qui s’efforcent quotidiennement de vivre leur fidélité et d’être authentiques. Le reconnaître est un devoir de justice. Je sais que l’Église est à même de conduire sur le chemin de la sainteté. Que pour réparer les offenses subies, panser les blessures et aider à refaire surface, guérir les traumatismes il faut traiter avec la plus grande charité celui et celle qui a été sali dans son intégrité. Pour fuir un monde de ténèbres, il convient de tirer exemple de l’authenticité de la veuve de Sarepta et de celle du temple. »

Une conclusion en manière d’examen de conscience à nouveau et par le truchement du Frère Carlo Caretto  :

« Non, ce n’est pas mal de critiquer l’église quand on l’aime ; c’est mal de la contester quand on se tient sur la touche comme des purs ; non, ce n’est pas mal de dénoncer le péché et ses dépravations mais c’est mal de les attribuer seulement aux autres et de se croire innocents pauvres, bons. »

Dans le Haut-Atlas, au Maroc : une nuit de prière pour se soustraire aux tentation s des démons.

Personnellement, j’apporterai modestement ma conclusion en revenant à celui pour qui, à l’aube de sa rencontre avec  Dieu, la foi fut aussi un choix inconditionnel : Charles de Foucauld qui, lors d’une expédition au Maroc, alors qu’il franchissait comme premier européen, dans le Haut Atlas, le col de Tizi n'Telouet, touché par la beauté des paysages, mais aussi par la piété musulmane, écrivait dans ses notes de voyages : 

« Une nuit du destin, après le vingt-septième jour du Ramadan. Alors, les démons sortent de la terre, ce qui justifie la nuit de prière pour se soustraire à leurs tentations. On comprend, dans le recueillement de nuits semblables, cette croyance des Arabes à une nuit mystérieuse, leïla el Kedr, dans laquelle le ciel s'entrouvre, les anges descendent sur la terre, les eaux de la mer deviennent douces et tout ce qu'il y a d'inanimé dans la nature s'incline pour adorer son Créateur »

Bernard VADON

Note de l'auteur : une malencontreuse coquille typographique  nous a fait écrire dans une première version de cet article "l'aveugle du temple" et celle de Sarepta au lieu des "veuves" de ces deux endroits bibliques. Nous nous en excusons. 

1/ André Dupuy a fait ses études universitaires à Bordeaux, au grand séminaire de Dax, au séminaire français et à l’Université grégorienne de Rome où il obtiendra un doctorat en Histoire.

Ordonné prêtre le 8 juillet 1972 il intègre le service diplomatique du Saint-Siège.   

Ses différentes affectations dans les représentations diplomatiques du Saint-Siège le conduiront en divers pays dont Bruxelles auprès de la communauté européenne. Elles sont représentatives de l’homme d’église apprécié mais aussi d’un diplomate avisé sur les questions concernant l’institution et de sa place sur l’échiquier mondial.

En mars 2015, il se retire à Lourdes en qualité de chapelain.

Quelques ouvrages de référence :
« Grains de Massabielle » - Méditations devant la Grotte de Lourdes ;« Le courage de la vérité »; « Petite Encyclopédie Occitane. »« Encyclopedie Occitane »« Portraits Et Croquis Occitans : Pyrénées-Gascogne »« Connaissance de l’Occitanie 1 - Historique de l’Occitanie ».;« La diplomatie du Saint-Siège après le IIe concile du Vaticanle pontificat de Paul VI. » 

 

https://youtu.be/fgzIEltUbvc?t=24

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Rédigé par Bernard Vadon

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