LE DROIT (AUSSI) DE NE PAS EMMERDER DIEU MAIS D’EMMERDER CEUX QUI JUSTIFIENT LEURS CRIMES EN SON NOM. NUANCE(S).

Publié le 15 Octobre 2021

Le choix du verbe est pour le moins irrévérencieux sinon insolent par le fait même qu’il s’adresse au divin auquel effectivement les athées et autres agnostiques ne croient pas. C’est leur droit et ils s’y conforment. A cette nuance près que l’athée est en quelque sorte un croyant qui rejette l’existence de Dieu laissant aux agnostiques le choix d’un absolu inconnaissable. Donc, inexistant. D’aucuns pour simplifier diraient :  bonnet blanc, blanc bonnet.

Quant au sinistre anniversaire de l’assassinat d’un professeur des écoles et l’actuel, interminable et pénible procès des attentats de Paris, ils nous placent en prise directe avec une actualité à multiples rebondissements dans le genre.

ELOGE DE LA VIE LIBRE

Un sourire généreux,  immuable serait-on tenté d’écrire sans l’offusquer par le fait que, communément, l’adjectif concerne ce Dieu que l’auteur au nom de la liberté s’attribue le droit d’emmerder. Un droit éminemment républicain. Richard Malka,  dans un livre témoignage au titre manifestement racoleur,  fait un éloge « de la vie libre joyeuse et éclairée. » sans manquer de suivre le conseil d’Émile de Girardin :

 « Il faut à tout éloge une restriction,  afin d’en attester la sincérité et d’en rehausser le prix. »

Une restriction (au niveau du titre) qui pourrait, le cas échéant, consister à mieux ajuster le tir en visant de préférence ceux qui dévoient ou travestissent aveuglément – suivez mon regard - le message existentiel. Et qui impunément se réfugient derrière le slogan facile : au nom de Dieu.

Étant entendu qu’il convient de laisser à chacun le choix de ses croyances et sa liberté de conscience. Avec cette recommandation, à savoir que le désir de convertir les autres doit céder le pas à la tolérance. Plus qu’un fait, une règle.

Dieu a doté l’homme de la raison pour faire accéder sa conscience au salut ; avec en prime, le droit éventuel  à l’erreur. Dans ce cheminement compliqué sinon complexe, il n’ y a pas de place pour le fanatisme, la frustration et la névrose.

Suivez à nouveau mon regard.

AU NOM DE DIEU

En ce sens, plus qu’invoquer le droit à emmerder Dieu – au risque de choquer quelque prélat de mes amis -  nous lui préfèrerions le droit d’emmerder – et plus encore – ceux qui justifient leurs crimes précisément  au nom de Dieu.

En l’espèce, talibans, djihadistes et autres infâmes coupeurs de têtes sont au bord de l’enfer plutôt qu’au paradis dans les bras de vierges soumises comme le leur laissent croire quelques prédicateurs mentalement dérangés. Ils ne sont pas majoritaires fort heureusement mais les dégâts n’en sont pas moins graves. Les déclarations, lors du procès les concernant, de l’un des acteurs principaux du massacre du Bataclan sont hallucinantes. Une publicité fâcheuse qui ne peut que les ravir. Regrettable.

Saint Thomas d’Aquin : "Un Être dont l’existence est nécessaire."

A l’inverse, quelle meilleure perspective que le siècle des Lumières dans le sillage des Spinoza, Bayle et Newton sans oublier les piliers de ce mouvement philosophique, culturel et intellectuel,  Voltaire et Rousseau, apôtres de la connaissance, de l’égalité, de la liberté pour dénoncer la superstition, l’intolérance et la tyrannie.

Nous y voilà.

Concrètement, des attentats du Trade World Center à ceux du Bataclan ainsi qu’à celui, tout aussi tragique, de la Promenade des Anglais à Nice et tant d’autres, du Père Jacques Hamel, sacrifié en pleine célébration eucharistique, aux moines  de Tibhirine, la liste des civils autant que des religieux n’est pas exhaustive. Des crimes perpétrés au nom d’un Dieu dont à l’origine se réclamait aussi Nabuchodonosor,  le roi de Babylone, au travers des préceptes du code d’Hammourabi et de la trop fameuse loi du Talion, reprise de volée, si l’on peut dire, par le Christ, l’inverse d’un dictateur,  affirmant : « Si quelqu’un te gifle sur la joue droite tends lui la gauche ! »

L’HOMME REDUIT A RIEN !

On est à mille lieux d’un Dieu vengeur, dictateur et sanguinaire. D’un Dieu également « emmerdeur » qui, à ce titre, a au moins droit à l’existence. Ne serait-ce qu’à la manière d’un Saint-Thomas d’Aquin, par exemple, qui a démontré  qu’il existe un Être dont l’existence est nécessaire et qu’il s’agit précisément de Dieu :

« On est contraint d’affirmer l’existence d’un Être nécessaire par lui-même, qui ne tire pas d’ailleurs sa nécessité, mais qui est cause de la nécessité que l’on trouve hors de lui, et que tous appellent Dieu. »  assure le maître de la philosophie scolastique, un courant de la philosophie médiévale et de la théologie.

 

Claude Levi-Strauss : ce rien dont il s’est fait l’annonciateur ...

C’est précisément à cette éventualité où l’homme se voit réduit à rien que Dieu, par son Incarnation, a porté remède. Ce « rien » dont Claude Lévi-Strauss s’est fait l’annonciateur :

« Nulle conscience n’étant là pour préserver, fût-ce le souvenir de ces mouvements éphémères, sauf pour quelques traits vite apparus d’un monde au visage désormais impassible, le constat abrogé qu’ils eurent lieu, c’est-à-dire rien. » note Élisabeth de Fontenay, philosophe des causes juive et animale.

RELIGIONS RESPONSABLES

Quant à Saint-Augustin, théoricien de l’histoire du christianisme, sous l'influence de la philosophie platonicienne, il a pour sa part été conduit à envisager Dieu comme un être immatériel, immuable et spirituel dont l'activité créatrice, en son sens donatrice d’être et d'existence, est continue et gratuite.

 

Saint Augustin : "Dieu, un Être immatériel."

Alors, c’est qui et quoi cette mystérieuse identité divine ?

Finalement, un Dieu dont chacun exprime une essence éternelle et infinie. Dieu, la substance infinie, unique, qui existe nécessairement, c'est-à-dire sans cause autre que lui-même.

Alors que la religion chrétienne considère Dieu comme un au-delà de la nature qui transcende le monde, le philosophe le conçoit comme immanent, et non pas extérieur, au monde. Il est la nature même.

Tout serait donc l'expression de la nature, ou Dieu.

Un Dieu dont les commandements visent essentiellement à la destruction du mal avec pour axes principaux sinon basiques l’interdiction de tuer et de voler.

L’institution humaine -  chrétienne, juive ou islam - s’employant parfois à contourner sinon à s’arranger des volontés divines. Hier comme aujourd’hui. Mais cela est-il si important ?

Selon Richard Malka :

« C’est à nous et à nous seuls qu’il revient de réfléchir, d’analyser et de prendre des risques pour rester libres. Libres de nous engager et d’être ce que nous voulons. C’est à nous et à personne d’autres, qu’il revient de trouver les mots, de les prononcer, de les écrire avec force, pour couvrir le son des couteaux sous nos gorges (…) Combattre le cheminement souterrain et idéologique du mal.»

 

Alphonse de Lamartine : "Tout véritable et tout a menti ! ."

Finalement, plus qu’à Dieu lui-même c’est aux religions que l’auteur s’en prend. Il n’est pas le seul. Dieu est un prétexte.

Alphonse de Lamartine fait, à mon humble avis, une synthèse singulière mais intéressant de la question.

Qu’il s’agisse de religion, de politique, de philosophie et de systèmes ce qui importe, c’est le mystère de l’Incarnation et de la Trinité. Pour Lamartine – poète et romancier mais aussi personnalité politique élue député en 1833, qui participa à la révolution de 1848 et contribua à l’abolition de l’esclavage -  le constat est clair  :

« L’homme a prononcé sur tout. Il s’est trompé sur tout. Il a cru tout définitif, et tout s’est modifié ; tout immortel, et tout a péri ; tout véritable et tout a menti ! »

 

Bernard VADON