Interrogé par une radio espagnole, le Saint Père réfute notamment toute idée de démission. Fermez le ban !

Publié le 5 Septembre 2021

La longue interview du Pape François sur Radio Cope, a été diffusée mercredi dernier.  Pour la première fois, le souverain pontife a parlé de son opération chirurgicale, en juillet dernier ; et abordé les questions sensibles de l’actualité estivale, de l'Afghanistan, à la Chine en passant par  l'euthanasie et la réforme de la Curie sans oublier sa santé. Florilège.

"Je suis toujours en vie ..." pour la suite, à la grâce de Dieu !

Depuis quelque temps et notamment après l’intervention chirurgicale du pape François les rumeurs, souvent les plus contradictoires et saugrenues, circulaient au sein des salles de rédactions du monde entier ; notamment, italiennes, espagnoles et d’Amérique du Sud, chacune supputant sur  la  démission du pape dont le pontificat parvenu à sa quasi neuvième année d’existence se résumait en une phrase de moins de dix mots :

 «Il ne m'a jamais traversé l'esprit de démissionner ! »

Une façon claire, nette et officielle de clore ce faux débat sur les antennes de Radio Cope, le diffuseur de la Conférence épiscopale espagnole. Une interview d’une heure et demie, la première depuis son opération, accordée par le pape dans le hall de la Maison Sainte-Marthe à Rome.

PROVIDENTIELLE

A la question de savoir comment il se portait :

«Je suis toujours en vie», a répondu sans ambages et tout sourire le Saint Père tout ajoutant que c'est à un infirmier du service de santé du Saint-Siège qu’il doit d’être toujours en vie. Celui-ci l’ayant vivement encouragé à se faire opérer alors qu’on lui avait conseillé un traitement aux antibiotiques. L'insistance de l'infirmier s'est finalement avérée providentielle, car l'opération a révélé une section nécrosée :

« j'ai 33 centimètres d'intestin en moins, ce qui ne m'empêche pas de mener une vie tout à fait normale. En effet, je peux  manger de tout et mieux qu’avant, en prenant toutefois des médicaments appropriés».

 Un bilan post-opératoire rassurant ...
Un bilan post-opératoire et pour le moins positif qui répond aux rumeurs de démission du pontife démentant toutes spéculations oiseuses quant à sa démission :«Cela ne m'a jamais traversé l'esprit. Je ne sais pas où ils ont vu que je démissionnerais ! ».  
UNE GRAVE ACTUALITÉ INTERNATIONALE

La réforme de la Curie romaine, la transparence des finances du Vatican et la prévention des cas d'abus au sein de l'Église sont actuellement  à la « une » de ses préoccupations. Cela, en continuité de la publication prochaine de la nouvelle constitution apostolique « Praedicate Evangelium »

Du pain pas forcément béni sur la planche papale !

Mais un important créneau  de l'interview a été consacré à la gravité de  l’actualité internationale ; notamment, la crise en Afghanistan, nation meurtrie par les récents attentats et par l'hémorragie de citoyens en fuite après la prise du pouvoir par les talibans. 

Il faut savoir qu’avec moins de tapage que les grands États occidentaux, le Saint-Siège, au travers de sa Secrétairerie d’État,  a de son côté déployé des efforts importants au plan diplomatique pour éviter les représailles contre la population.

Par ailleurs et au cours de cette interview exclusive, le Pape a manifesté son estime envers la chancelière allemande Angela Merkel :

 «Une des grandes figures de la politique mondiale» selon le pape François.

Dans le même registre, il ne s’est pas gêné pas pour qualifier d’«licite» le retrait des États-Unis d'Afghanistan estimant qu’après vingt ans d'occupation, la sortie du pays n’a pas été correctement négociée.

Du pain pas forcément béni sur la planche papale ...

Autre constat sur la Chine cette fois et en dehors de l’accord sur la nomination des évêques renouvelée pour deux ans :

«La Chine n'est pas facile, mais je suis convaincu que nous ne devons pas abandonner le dialogue. On peut être trompé dans le dialogue, on peut faire des erreurs mais c'est la voie à suivre. Ce qui a été acquis jusqu'à présent en Chine, c'est au moins le dialogue.  Certaines choses concrètes, comme la nomination de nouveaux évêques sont aussi des étapes qui peuvent être discutables d'un côté comme de l'autre.»

LE DIALOGUE TOUJOURS ET ENCORE

Dans ce domaine, le point de référence et d'inspiration est le cardinal Agostino Casaroli, longtemps Secrétaire d'État sous le pontificat de Jean-Paul II, et qui fut déjà, du temps de Jean XXIII, «l'homme chargé de jeter des ponts avec l'Europe centrale».

Enfin, et il n’y a pas si longtemps l'expérience avec l'islam et notamment avec le Grand Imam d'Al-Tayeb, a été, selon le Saint Père, très positive : 

«Le dialogue, toujours le dialogue ou, en tout cas, l’ouverture au dialogue» .

Dialoguer, toujours et encore dialoguer.

Une incitation au dialogue qui apparait comme l'une des pierres angulaires des presque neuf années du pontificat du pape François.

Et cela, depuis son élection, le 13 mars 2013 - totalement inattendue, soit dit en passant – à laquelle feront suite les différents défis qu'il a affrontés, toujours dans le but de mettre en œuvre ce qui avait été convenu par les cardinaux lors des réunions de pré-conclave, le tout résumé dans « Evangelii Gaudium ».

A ce propos, le pape confie : 

«Je pense qu'il y a encore plusieurs choses à faire, mais rien n'a été inventé par moi. J'obéis à ce qui a été établi à l'époque.»

Et d’évoquer la lutte engagée contre la corruption, en particulier dans le secteur des finances du Vatican. Un enjeu majeur :

«Des progrès ont été réalisés dans la consolidation de la justice au sein de l'État du Vatican. Ce qui a permis à la justice d'être plus indépendante, avec des moyens techniques appropriés, des témoignages enregistrés, des procédés techniques actuels, la nomination de nouveaux juges et de nouveaux procureurs ».

S’attardant sur le trop célèbre procès qui a débuté le 27 juillet dernier au Vatican à propos des actes illicites réalisés avec les fonds de la Secrétairerie d'État, il a cité, parmi les accusés, l'ancien substitut de la Secrétairerie d'État, le cardinal Angelo Becciu :

« Parfois, cela fait très mal, mais la vérité est aussi ce qui nous libère».

PÉDOPORNOGRAPHIE ET EUTHANASIE

Le Pape ne pouvait également pas se contenter de survoler le drame de la pédophilie et, à ce titre, a tenu à lancer un appel solennel aux gouvernements pour qu'ils réagissent contre la pédopornographie :

 «Un problème mondial et graveJe me demande parfois comment certains gouvernements autorisent la production de pornographie enfantine. Qu'ils ne disent pas qu'ils ne savent pas. Aujourd'hui, avec les services secrets, on sait tout. Un gouvernement sait qui, dans son pays, produit de la pornographie pédophile. Pour moi, c'est l'une des choses les plus monstrueuses que j'aie jamais vues» s’insurge le souverain pontife  tout en réaffirmant que l’Église  est fermement engagée dans ce combat.

Avec la même rigueur, à la lumière des récentes lois en vigueur en Espagne,  le Pape a aussi abordé la délicate et controversée question de l'euthanasie :

« La légalisation de cette pratique est un signe de la «culture du jetable» qui imprègne désormais les sociétés modernes : ce qui est inutile est jeté. Les personnes âgées sont jetables: elles sont une nuisance. Même les malades en phase terminale; même les enfants non désirés  sont renvoyés à l'expéditeur avant leur naissance. C’est intolérable. ».

Une culture désastreuse « la mise au rebut », dénoncée depuis le début du pontificat et  l’impact important sur « l'hiver démographique » de l'Occident ,caractéristique du vieillissement accru et de la contraction de la population européenne en particulier touchant particulièrement des pays comme l'Italie où l'âge moyen est de 47 ans, inquiète le chef spirituel de l’Église catholique :

«La pyramide s'est inversée. La culture démographique est en perte de vitesse car elle regarde le profit (…). Ce que l'Église demande, c'est d'aider les gens à mourir dans la dignité. Elle l'a toujours fait» constate François qui n'a pas manqué, au passage, de stigmatiser une nouvelle fois l'avortement : 

«Face à une vie humaine, je me pose deux questions : est-il licite d'éliminer une vie humaine pour résoudre un problème ? Est-il juste d'engager un tueur à gages pour résoudre un problème ?».

MOTU PROPRIO

S’attardant sur les abus impactant la création - l'une des préoccupations mûries au cours des années de son pontificat - le pape François prévoit à ce sujet d’assister à la Conférence des Nations Unies sur le changement climatique (COP26) qui se tiendra du 1er au 12 novembre prochain à Glasgow.

Comme au foot-ball (il reste un ardent supporter du club  de San Lorenzo) : un travail d'équipe.

L'interviewer a enfin abordé le motu proprio Traditionis Custodes, qui réglemente les messes en latin lequel a suscité une controverse parfois peu amène dans les secteurs ecclésiastiques les plus conservateurs qui souhaitent que soit désigné un médiateur dans cette affaire.

Rappelons qu’avec le récent motu proprio » traditionis custodes » – du latin : « de son propre chef » – le pape revient dans cette lettre apostolique sur l’usage de la liturgie et pour être autrement  familier entend remettre les pendules à l’heure et contrôler plus strictement les messes de rite préconciliaire et comme l’ont analysé certains théologiens, de lutter contre l’éventuelle formation d’une Église dans l’Église :

 « L'histoire de Traditionis Custodes est longue. Lorsque Benoît XVI a permis de célébrer avec le missel de Jean XXIII (antérieur à celui de Paul VI, qui est post-conciliaire) pour ceux qui ne se sentaient pas à l'aise avec la liturgie actuelle, qui avaient une certaine nostalgie, cela m'a semblé être l'une des actions pastorales les plus belles et les plus respectables de Benoît XVI, un homme d'une grande humanité. Et c'est ainsi que tout a commencé. C'était la raison» souligne le Pape tout en apportant des  précisions sur certaines dérives constatées par de nombreux évêques : 

« La préoccupation qui apparaissait la plus évidente était que quelque chose soit fait pour aider pastoralement ceux qui avaient vécu une expérience antérieure. (…) En d'autres termes, une démarche pastorale s'est transformée en idéologie. Nous avons donc dû réagir avec des règles claires et si vous lisez bien la lettre et en particulier le décret, vous verrez qu'il s'agit simplement d'une réorganisation constructive, avec une attention pastorale tout  en palliant les excès».

LE SPLEEN ARGENTIN …

Pensif quant à cette évocation intime, le Pape se prête à des questions autrement personnelles dont sa relation avec sa famille et notamment avec sa grand-mère, Rosa. Mais aussi celles relatives à son soutien à l'équipe de football de San Lorenzo et son sentiment d'être dans ses actes «un pécheur qui essaie de faire le bien».

On reconnait dans cette ultime confidence la personnalité hors du commun d’un homme de Dieu. Tout simplement.

En écoutant Astor Piazolla : nostalgie quand tu nous prends !

Autant pour les nostalgiques d’un temps révolu et autres pisse- vinaigre de circonstance préférant à la politique du goupillon celle du sabre. Et qui, secrètement, savourent la perspective d’un schisme. Les partisans de la théorie du complot n’ont, on le sait, ni frontières, ni limites.

Même s’il confesse ne pas être un homme « aux larmes faciles », le Pape François ne cache pas combien certaines situations lui causent de la tristesse.

Ce que j'aime : la marche à pied.

Et le successeur de Pierre au Vatican d’avouer que ce qui lui manque le plus c'est lorsqu’à Buenos Aires, il allait à pied d'une paroisse à une autre, ou encore,  lorsque les jours de brouillard dense à l'automne argentin,  il écoutait Astor Piazzolla. 

Bernard VADON

Rédigé par Bernard Vadon

Publié dans #J - 2 - B ( Journal )

Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :