DE LOURDES A BETHARRAM , UN 15 AOÛT 2020 PAS COMME LES AUTRES

Publié le 19 Août 2020

Bien avant celui de Lourdes, à quelques kilomètres seulement de la cité mariale, le pèlerinage à la Vierge de Bétharram figure, dans l'histoire, à la fin du XV° siècle.

 

Selon le pape François :

«Un chrétien qui ne perçoit pas la Vierge Marie comme une mère, est un orphelin."   

La crise sanitaire en ce domaine sociétal comme en d’autres, a considérablement contribué à faire bouger les lignes. Sinon à empoisonner le quotidien de chacun. 

Singulièrement à Lourdes où, chaque 15 août, riche d'une solide tradition instaurée depuis le 11 février 1858, (jour de la première apparition dans la Grotte de Massabielle) draine un peu plus que de coutume les pèlerins venus, du monde entier, fêter au pied de la chaîne des Pyrénées, dans le recueillement et la joie, l’anniversaire de la dormition de la Vierge Marie - selon le rite orthodoxe - mais plus généralement sinon plus simplement, célébrer solennellement la commémoration de la gloire de Marie avec Dieu au terme de son existence terrestre. 

Du latin assumere, l’Assomption signifiant littéralement : « enlevée au Ciel » en corps et en âme. 

 LA DAME EN BLANC

En ce jour, qui fera date dans la vie de l’Église, Bernadette Soubirous, accompagnée de sa sœur et d’une amie, se rend à la grotte  pour ramasser le bois mort déposé sur les bords de la rivière. Alors qu’elle retire ses bas pour aller plus avant dans la grotte, elle perçoit au-dessus de sa tête comme un inhabituel souffle de vent. Levant les yeux, elle aperçoit  - selon sa description – « une dame vêtue d’une robe et d’un voile blancs, d’une ceinture bleue et ,posée sur chaque pied, une rose jaune ». 

Lors de cette dernière célébration de l'Assomption, en ce lieu d'exception culturelle, les fidèles habitués et quelques touristes ont prié  face à la statue de la Vierge datant du XIX° siècle dans un décor notamment rehaussé par de précieux retables et d'impressionnants tableaux, par leur dimensions,  évoquant la vie de Jésus. 

Bernadette fait le signe de la croix et à l’invitation de « la Dame en blanc », comme elle la désigne, récite avec elle le chapelet. La prière terminée l’apparition disparaît brusquement.

Au fil des semaines, et singulièrement ce vendredi 16 juillet 1858, jour de la dix- huitième et dernière apparition, Bernadette respectera ce cérémonial jusqu’à cette ultime rencontre où , tout en éprouvant un irrésistible appel, elle ne pourra pas accéder à la grotte car son accès est interdit par les autorités de la région. Qu’à cela ne tienne, elle se rendra de l’autre côté de la rivière, pour apercevoir la Vierge Marie qui, lors d’une précédente apparition, lui avait à sa demande  révélé son identité sous le vocable incompréhensible pour la petite bergère :  « Immaculée Conception » : 

« Il me semblait que j’étais devant la grotte, à la même distance que les autres fois et je voyais seulement la Vierge. Jamais je ne l’ai vue aussi belle ! » confiera Bernadette.

Ce sera la dernière apparition. On connait la suite de cette histoire à peine croyable qui va bouleverser non seulement la croyance de toute une communauté et en même temps le devenir économique de toute une région. 

Comment ne pas faire référence à ce magnifique texte de l’Apocalypse de Saint Jean  introduisant la première lecture de l’Assomption. (Ap11, 19a ; 12, 1-6a.10ab) :

Une superbe et apaisante perspective sur la campagne béarnaise depuis le chemin du Calvaire.

« Le sanctuaire de Dieu, qui est dans le ciel, s’ouvrit, et l’arche de son Alliance apparut dans le Sanctuaire. Un grand signe apparut dans le ciel : une Femme, ayant le soleil pour manteau, la lune sous les pieds, et sur la tête une couronne de douze étoiles. Elle est enceinte, elle crie, dans les douleurs et la torture d’un enfantement. Un autre signe apparut dans le ciel : un grand dragon, rouge feu, avec sept têtes et dix cornes, et, sur chacune des sept têtes, un diadème. Sa queue, entraînant le tiers des étoiles du ciel, les précipita sur la terre. Le Dragon vint se poster devant la femme qui allait enfanter, afin de dévorer l’enfant dès sa naissance. Or, elle mit au monde un fils, un enfant mâle, celui qui sera le berger de toutes les nations, les conduisant avec un sceptre de fer. L’enfant fut enlevé jusqu’auprès de Dieu et de son Trône, et la Femme s’enfuit au désert, où Dieu lui a préparé une place. Alors j’entendis dans le ciel une voix forte, qui proclamait : « Maintenant voici le salut, la puissance et le règne de notre Dieu, voici le pouvoir de son Christ ! »

ATMOSPHERE ANXIOGENE

Pourtant, en ce 15 août 2020, rien n’est plus comme avant.

Crise oblige, le monde exhale une langueur monotone à la Paul Verlaine ...

Oui, la crise sanitaire sur laquelle le commun des mortels, le lambda, mais aussi certains politiques et scientifiques pour quelques-uns professeurs respectueux du serment d’Hippocrate, se posent de plus en plus de questions, est passée par là. Avec son cortège de préoccupations aussi diverses que graves mettant en situation précaire l’économie mondiale. Et par voie de conséquence, les légitimes souhaits de chacun et la perverse tendance à attenter à la liberté au sens le plus large du terme « shakespirien » : to be or not to be dans le célèbre monologue d’Hamlet.

Lourdes et son économie en détresse ne font pas exception à la règle. Tous les secteurs sont au rouge et souffrent, de l’hôtellerie à la restauration en passant par les commerces de proximité sans oublier la mini entreprise que représente le sanctuaire marial. C’est le désastre. Le site exhale une langueur monotone à la Paul Verlaine.

Si vous ne croyez pas, vous ne comprendrez pas....

Une atmosphère anxiogène particulièrement prégnante affecte la société dans sa globalité. Avec en prime la culture de la peur.

En déléguant à Lourdes l’un des plus influents cardinaux de la curie pour présider les solennités de l’Assomption on suppose, tout en n’étant pas dans le secret des coulisses « vaticanesques », que le Saint Père ne prend pas à la légère ce que nous pourrions assimiler à une terrible sinon banale et pratique fatalité qui s’est abattue sur le monde.

Le pape François est avant tout un chef d’État mais aussi un chef religieux – les chrétiens au nombre de 2,3 milliards de fidèles dont la moitié sont catholiques, constituent le groupe religieux le plus important au monde devant les musulmans. Autant dire que les prises de position du pape au plan moral et politique sont parfois capitales et portent bien au-delà de la question historiquement célèbre de Staline : « Le pape, combien de divisions ? ».  

Le pape François est aussi un homme de terrain attentif au devenir de ces lieux où la foi s’exalte et prend un sens qui échappe à ce que j’appellerais l’ordinaire du temps. Lourdes en est un.

Le texte d’Isaïe est une réponse :

 « Si vous ne croyez pas vous ne comprendrez pas. » 

En référence à Saint-Augustin qui estimait que la compréhension est la récompense de la foi :

« Ne cherche donc pas à comprendre  pour croire, mais crois, afin de comprendre, parce que si vous ne croyez pas vous ne comprendrez pas. »

Pour le cardinal Pietro Parolin, secrétaire d’État auprès du Saint-Siège, porteur du message papal, la mission en ces temps de folie était claire et rejoignait celle de Bernadette Soubirous, la modeste bergère. Il n’y a pas de hasard mais bien une intervention de la Providence :    

« Marie glorifiée est un signe de consolation et d’espérance sûre » a dit en substance dans son homélie, lors de la messe de l’Assomption, le cardinal Pietro Parolin.

"Que Dieu est bon ! Comme il comble de grâces notre pays" aimait à dire le Père Michel Garicoïts.
L’ENFANT CHÉRI DE LA FOI
A quelques kilomètres seulement de la cité mariale, un peu plus épargné pas l’hystérie pandémique, un autre sanctuaire marial  - qui fut, avant celui de Lourdes, le troisième pèlerinage en France, un lieu de grande dévotion comme l’écrivit à son sujet Saint Vincent de Paul - se dresse, au cœur des Pyrénées, Lestelle-Bétharram. Cinq cents ans avant celui de Lourdes, il fut un lieu prisé de pèlerinage justifié par plus de 80 miracles et dont le patronyme « Bétharram » signifie en langage béarnais  « beau rameau » en référence au geste de la Vierge Marie et de son fils ayant sauvé des eaux de la rivière Gave autrement hydronyme préceltique – celui qui traverse Lourdes, une jeune fille qui s’y noyait en lui tendant la « branche du Salut ». D’autres événements mystérieux ont marqué ce lieu visité par de nombreuses personnalités dont l’empereur Napoléon III et l’impératrice Eugénie qui, de passage au sanctuaire, offrirent, en 1860, un orgue construit par Aristide Cavaillé-Coll et qui permit de remplacer celui qui avait été détruit en1793 sur décision des comités de surveillance révolutionnaires. 

L'orgue construit par Aristide Cavaillé-Coll après la visite au sanctuaire par l'empereur Napoléon III et l'impératrice Eugénie en 1860. Son prédécesseur avait été détruit lors de la révolution de 1793.

En ce 15 août 2020 nous avons opportunément choisi Bétharram pour vivre  autrement ce grand moment liturgique. 

Aujourd’hui, la colline dite du Calvaire  - jalonnée d’oratoires de style roman représentant les scènes de la Passion – placé sous la responsabilité de l’association des amis des sanctuaires de Bétharram (1) est surmontée d’une chapelle de style roman abritant notamment une sculpture d’Alexandre Renoir, le frère du peintre Auguste Renoir et relatant le miracle d’une croix abattue par un souffle violent  avant de se redresser miraculeusement. Le souffle de l’Esprit – ou l’énergie pour d’autres moins convertis au mystère de la foi – ne se manifeste pas seulement en certains lieux. Comprenne qui veut !

Dominant le sanctuaire marial quinze oratoires font revivre les mystères de la Passion du Christ.

Le calvaire historique est toujours en période de restauration. 

Ici, Marie, dit-on, n’invite pas à la résignation mais elle appelle à la responsabilité et à garder nos cœurs toujours ouverts envers tous les souffrants de la vie. 

Restons-en à la mission « Ecce venio » (voici que je viens) de Saint-Michel Garicoïts – fondateur de la congrégation religieuse du « Sacré-Cœur de Jésus de Bétharram » (qui accompagna (déjà, mais en sens inverse) les migrants basques et béarnais en Argentine et en Uruguay. Quant à la question relative à la présence de ces deux sanctuaires-phares de la chrétienté à seulement quelques kilomètres l’un de l’autre le saint béarnais la résume ainsi :

« Peu importe, Bétharram ou Lourdes, pourvu que La Vierge soit honorée. »

L’an dernier, en ce même jour du 15 août, depuis la fenêtre de mon bureau, à seulement quelques kilomètres à vol d’oiseau de Lourdes d’où chaque soir j’en appelle aux grâces mariales, une pleine lune s’est levée  - une naturelle évocation de la dormition - coiffant, silencieuse et lumineuse, le Pic du Gers et sa croix scintillante. 

En ce lieu consacré, la Vierge Marie est disposée à continuer la mission de son fils envers les souffrants de la vie. Une mission qui, en ces jours, nous parle tout particulièrement. 

Pour la première fois depuis quelques années de présence en ce lieu s’est alors mystérieusement manifesté  une bouleversante énergie produite au travers de cette soudaine relation entre la nature et la puissance supérieure. 

En somme, quand la conscience et l’attention se rejoignent.

 Goethe, à ce propos, n’a t-il pas écrit que « le miracle est l’enfant chéri de la foi » 

BERNARD VADON

 

1 – Association des amis des sanctuaires de Betharram  +33 (0)643254804

Rédigé par Bernard Vadon

Publié dans #J - 2 - B ( Journal )

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