MOI, PRESIDENT ou l’autre épidémie … 

Publié le 15 Juin 2020

« Moi, Président ! » : ce syntagme – ou entité -  répété dans l’anaphore – plus simplement un effet de figure - prononcée le 2 mai 2012 par François Hollande lors d’un débat télévisé de l’entre-deux tours de l’élection présidentielle d’alors, incite à la méditation. 

Surtout lorsqu’on est tenté de l’attribuer à un président en exercice ajoutant à la rhétorique de l’instant un culot inouï.

 

René Descartes et son Discours de la méthode n’est pas loin : 

« Cogito ergo sum »  … Je suis donc je pense !

Un vieux proverbe gaélique conseille : 

« Mieux vaut se taire que de chanter une mauvaise chanson."

Personnellement et avec infiniment de modestie sinon de respect mesuré à l’égard de la fonction plutôt que de la personne, j’aurais suggéré au président de la république de suivre, en ce dernier dimanche du 14 juin 2020, l’émission Le Jour du Seigneur diffusée sur France 2 et consacrée dans sa séquence magazine à l’aggravation de la pauvreté liée à la crise du Covid-19 et comment aujourd’hui, alors que s’éloigne le spectre du virus, gagner contre l’épidémie de la pauvreté.

 

La clameur des pauvres et l'amour qu'on leur doit ... un regard de paix !

 

Avec en filigrane la mise en garde du pape François :  

« Une vraie approche écologique se transforme toujours en une approche sociale, qui doit intégrer la justice dans les discussions sur l'environnement, pour écouter tant la clameur de la terre que la clameur des pauvres ».

Quand le Saint Père partage sa table avec les pauvres ... moment d'intense émotion.

 

Pour cause, depuis le début du confinement, la situation économique de nombreux français s’est lourdement détériorée. 

Étudiants, travailleurs précaires, indépendants, ils sont de plus en plus nombreux à solliciter de l’aide pour des besoins vitaux comme le logement ou la nourriture.
 

Claire Hédon reçue par David Milliat dans les studio du "Jour du Seigneur" : s'opposer par tous les moyens à l'aggravation de la pauvreté.

 

Pour tenter de comprendre ce qu’il se passe sur le terrain, mais aussi réfléchir aux solutions pour s’opposer à cette aggravation de la pauvreté, David Milliat recevait à cette occasion Claire Hédon, présidente de l’association ATD Quart Monde, mouvement des droits de l’homme, association fondée, en 1957, par le Père Joseph Wresinski, prêtre diocésain français, initiateur de la lutte contre l'illettrisme. 

 

Le Père Joseph Wresinski : un initiateur de talent au service des plus démunis. 

 

Un mouvement que présidera durant 34 ans Geneviève de Gaulle Anthonioz un grand nom de la résistance et de la déportation qui compte aujourd’hui parmi les personnalités inhumées dans la crypte du Panthéon aux côtés – entre autres – des – Voltaire, Victor Hugo, Condorcet, Alexandre Dumas, Émile Zola, Jean Moulin, André Malraux, Jean Monnet, Aimé Césaire et surtout cinq femmes dont Simone Veil en 2018. 

 

Geneviève de Gaulle-Anthonioz : "Je suis une brave femme, pas beaucoup plus." 

 

Geneviève de Gaulle Anthonioz avait une règle : « refuser l’inacceptable » !

Elle aurait fort à faire par les temps qui courent.

Et qui confiait avec une humilité exemplaire : 

«Moi, une héroïne ? Sûrement pas. Les héros et les héroïnes sont des gens d’exception, j’appartiens à ce qu’on peut appeler les braves gens, je suis une brave femme, pas beaucoup plus. »

UN BON RETOUR

Rien pourtant ne la prédestinait, a priori, à devenir militante de la cause des plus pauvres. 

Née dans une famille aisée et cultivée, catholique et dreyfusarde. Son père Xavier de Gaulle, ingénieur des mines, était le frère aîné du général. Elle-même, aînée de trois enfants, perd sa mère alors qu’elle n’a que quatre ans. Sa première grande douleur. 

Étudiante en histoire, Geneviève s’engage à 20 ans dans la Résistance où elle rejoint l’un des premiers réseaux, dit du « Musée de l’homme ». 

" Je lui ai dit beaucoup de choses que je ne disais pas à mon père " ... et nous, aujourd'hui, que ne lui dirions-nous pas !

 

 

Après la Libération, elle décide de témoigner et crée l’Association des Anciennes Déportées et Internées de la Résistance (l’ADIR) avec Marie-Claude Vaillant-Couturier, dont les membres s’entraident et entament un vaste travail de documentation :

 «Nous les survivants, sommes revenus en nous disant que nous devions essayer de transmettre. L’expérience humaine comporte une part intransmissible. Mais nous pouvons dire suffisamment de choses pour mettre en garde et pour parler de cette fraternité qui éclate quand nous sommes ensemble. Cela frappe toujours les gens de voir à quel point on peut s’aimer entre nous, aimer se retrouver, même des camarades qu’on voit peu ».

Alors que d’autres ont eu tant de mal à surmonter l’épreuve, Geneviève de Gaulle assure avoir eu «un bon retour». Elle retrouve sa famille et les premiers temps, elle habite chez «Oncle Charles» avec qui elle parle longuement, le soir, de Ravensbrück :

 «Je lui ai dit beaucoup de choses que je ne disais pas à mon père». 

Un jour, il compare à ce qu’il a vécu fantassin durant la Première guerre mondiale, à côté de morts qui pourrissaient dans les tranchées. Il confie que cela lui a «laminé l’âme», une expression qui la marquera.

 

DIGNITÉ, DÉFI ET ESPERANCE

Puis elle rencontre Bernard Anthonioz, un résistant, éditeur d’art, ami d’artistes tel le peintre Georges Braque. Ils se marient en 1946. 

Sous le regard d'oncle Charles le mariage de Geneviève et de Bernard, en 1946 ...

 

André Malraux, un proche de son mari, est nommé ministre de la Culture et demande au couple de le rejoindre. Bernard Anthonioz est nommé chargé de mission. Geneviève s’occupe de la Recherche scientifique. 

Pour reprendre les termes d’un de ses biographes trois maître mots l’animent : dignité, défi et espérance.

 

Ce dernier dimanche, sur le plateau du « Jour du Seigneur » l’ombre de Geneviève de Gaulle Anthonioz planait, réconciliatrice certes mais surtout interrogatrice impliquée au travers d’une autre  admirable personne Claire Hédon, aujourd’hui présidente de l’association – ATD Quart Monde – qui pose les vraies questions du moment.

Les chiffres parlent d’eux-mêmes mais la société, et par voie de conséquence les politiques …ou réciproquement dans la  mesure où tous sont co-responsables chacun à leur niveau.

Claire Hédon n’entend pas éluder les problèmes. Sans concessions pour personne. Mais là encore les chiffres sont révélateurs de situations résultant de cette autre épidémie de pauvreté que des aides-soignants d’un autre type et bénévolement s’efforcent de réduire. 

Il ne suffit pas de faire un état des lieux mais surtout de censurer qui de droit (suivez mon regard à nouveau) .

COMME AVANT …

J’emprunte, à mon habituelle référence analytique, cette remarque édifiante en forme d’explication :

« Le « Monde d’Après » se dessine déjà, sous vos yeux, et de façon fort prévisible, il est encore plus rempli de peur des lendemains, de mépris des laborieux, de cette haine de soi qui signe les fins douloureuses d’époques décadentes. C'est bien reparti... comme avant ! » 
 

D'Oedipe à Sartre en passant par Dostoïevski : l'homme est condamné à être libre ...

 

Et de poursuivre :

« Deux doctrines s’affrontent. D’un côté Œdipe, figure du fatalisme. Il connaît son destin, le refuse et fait tout pour l’éviter mais c’est le destin qui l’emporte. À l’opposé, Sartre s’appuie sur une formule de Dostoïevski Si Dieu n’existe pas, tout est permis, pour se faire le défenseur du volontarisme : l’homme est « condamné à être libre » dans un monde absurde. Entre les deux, on peut choisir la doctrine du libre arbitre selon laquelle l’être humain a un pouvoir sur son avenir, il peut l’anticiper et le modifier. Ce pouvoir n’est certes pas absolu, mais l’homme moderne refuse d’être fataliste et veut écrire sa partition. Ses succès technologiques sont tels qu’il se croit souvent invulnérable, les gourous de l’intelligence artificielle promettaient il y a peu la fin des maladies et la vie éternelle — avec un taux de 86% ! Le coronavirus nous rappelle à l’ordre. Ce volontarisme absolu est simplement ridicule. Entre fatalisme et volontarisme, nous avons le désir de jouer une autre carte et nous voulons savoir laquelle. »

... à Sartre 

 

Conclusion en forme de constatation :

Le confinement a effectivement mis un coup d’arrêt à notre activisme, bousculé notre espace-temps habituel, obligé à reconsidérer nos relations proches et  interrogé notre contribution sociétale…

Pour la suite, moi président par intérim et de circonstance, j’assume dans le droit fil de ce cher H 16 : 

« Et si cette nouvelle donne nous réveillait de notre sommeil existentiel ? Si nous prenions au sérieux le sens de notre vie ? Que voulons-nous faire ? Que sommes-nous prêts à sacrifier ? Qu’est ce qui est vraiment essentiel pour nous ? Une façon de réveiller le leadership qui dort en nous, et de nous engager dans un avenir mieux choisi. »

Avec son humour impayable et ces vers choisis pour le dire Pierre Perret résume en chanson la situation des « confinés » aux « cons … finis ».

Et surtout, interdiction formelle de rire !

 

Bernard VADON

 

 

 

Et surtout, interdiction formelle de rire !