AU CŒUR MYTHIQUE DE LA MEDINA DE MARRAKECH « LE LOTUS PRIVILEGE » : ou quand la gastronomie locale prend à témoin un passé de légende. 

Publié le 3 Août 2019

 

Sacha Guitry disait de Mozart que le silence qui succède à l’une de ses œuvres est encore du Mozart. 

Un certain privilège, en l’occurrence le nom quasi prédestiné de l’un de ces palais discrètement nichés aux fins fonts de ces « derbs » étroits et angoissants, surtout accessibles à l’initié, véritables défis au sens le plus élémentaire de l’orientation classique, en témoigne.

Car c’est véritablement ici que subsiste encore ce Maroc mélange quintessencié et mystérieux où le génie de quelques notables d’un autre siècle ont trouvé refuge. 

Bâtisseurs inspirés au cœur de jardins secrets et riches de senteurs que parfois une simple sinon banale porte en bois dissimule aux regards trop curieux. Singulier contraste qui justifie ce que Coco Chanel exprimait quant à ce luxe qui, selon elle, n’est pas le contraire de la pauvreté mais celui de la vulgarité.

Sauf qu’en ces lieux privilégiés et quelque part d’exception, ce serait plutôt la qualité de vie qui prévaut. Avec en prime, la beauté.

Car mieux qu’en d’autres quartiers de cette ville tentaculaire c’est bien ici que bat le cœur de Marrakech, cité des sortilèges par excellence, un subtil mélange de fiction et de réalité ; aux portes du désert.

 

DIVERTISSEMENT DIVERSIFIES

 

Dans la nuit qui prend soudain l’avantage sur un soleil déclinant, la rue, en apparence tout au moins, d’une affligeante banalité mène à l’un des sites clés du Lotus group qui, outre ce restaurant dénommé « Lotus Privilège »,propose une palette de divertissements touristiques particulièrement diversifiés.

A la frontière du mythique quartier de Dar El Bacha, la ruelle longe une ruine soigneusement nettoyée, improbable en ce lieu, attestant d’un passé pas si éloigné où, un temps, nous avions été enivrés par les effluves irrésistibles et étourdissants à en mourir des galants de nuit épanouis sous les étoiles de la nuit marocaine. 

Alentours, de Bab Ahmar à Bab El Khemis,  les souks sont, à cette heure avancée, en partie désertés par les touristes.

En filigrane du souvenir du sultan mérénide , Abou Inan, qui nous rappelle à sa façon autant la sensualité que le plaisir de l’endroit, la symphonie singulière et envoûtante des muezzins officiant depuis la foultitude des moquées avoisinantes, nimbe les lieux de leurs saintes et apaisantes mélopées.

Le temps, après l’accueil chaleureux et souriant du responsable du « Lotus Privilège »- Khalil El Ghairi   - et de la cérémonie traditionnelle du lavage des mains avec le savon parfumé à la fleur d’oranger, de découvrir d’un regard le décor et de s’installer à une accueillante table en bordure d’une pièce d’eau dispensant une douce fraîcheur dispersée par une brise légère alors que par-delà les hautes murailles ceinturant le palais, au beau milieu d’un ciel d’encre, brille l’étoile dite du Berger.

Tout un symbole amplifié par un joyeux trio de musiciens Gnaoua  en costumes colorés et à la flatteuse réputation de guérisseurs.

MAGIE

Comme l’écrivait Platon, si on veut connaître un peuple, il faut écouter sa musique.

Nous n’avons pas manqué d’être attentifs notamment aux magnifiques poèmes interprétés par deux joueurs de luth et de tambourin célébrant les angoisses de la vie, de l’amour et de la vieillesse ; le temps qu’une charmante et gracieuse danseuse n’ajoute à la complémentarité de cette culture où la musique et le mouvement sont essentiels.

A peine le temps de retrouver la motivation épicurienne première de cette invitation par la magie de ces diversités gastronomiques qui font autrement l’originalité de ce pays qui se complait avec bonheur dans  la savante et talentueuse manipulation d’une multiplicité de parfums pour certains savamment énigmatiques et mariés par la cheffe Myriam. 

Une infinie variété de salades et de semoule parfumée aux amandes arrosée d’un jus de viande succulent, de briouates, de fruits secs et de dattes mais aussi de citron confit et d’huile d’olives sans oublier, pour la circonstance, le goûteux gingembre et l’incontournable fleur d’oranger. Un menu de facture gastronomique particulièrement soigné dans la présentation des mets. 

Le tout accompagné du traditionnel thé à la menthe à la saveur parfois rehaussée par la mystérieuse « chiba ». 

Ici, le temps ne s’arrête pas pour autant. Il passe simplement et naturellement.

Selon un rythme et dans une ambiance d’une grande et rare intensité.  

 

Bernard VADON