Au cœur de la Palmeraie de Marrakech, un petit coin de paradis littéraire …

Publié le 6 Avril 2019

 

    Si, comme il est couramment dit, tous les chemins mènent à Rome, il est aussi  des destinations que le mystère, à dessein, accompagne.

Le poète qui sommeille en chacun de nos cœurs n’est pas si loin et trouve en ce cas une réponse de circonstance chez d’autres poètes consacrés. Il y a dans ce contexte singulier comme du Hernani dans l’air :

 « Qui suis-je, je suis une force qui va, agent aveugle et sourd de mystères funèbres ! 

Une âme de malheur faite avec des ténèbres !

Où vais-je, je ne sais ..… ».   

 

 

 

Frédéric Beigheder, Mounir Bouanani et Frédéric Vélissariou

 

 

 

IMAGINAIRE

En l’occurrence et en cet instant d’un jour de semaine comme les autres -référence à John Schesinger et à son superbe  film « Un dimanche comme les autres »(Sunday bloody Sunday dans le texte original  avec, dans le casting, les inoubliables Glenda Jackson et Peter Finch ) le décor sinon l’ambiance, allez savoir pourquoi, se prêtent à faire ressurgir les souvenirs.

L’humidité ambiante et quelque peu incongrue en cet après-midi déclinant sous le ciel marocain menaçant, zébré par endroits de quelques éclairs stratosphériques, à seulement quelques kilomètres de la bourdonnante cité du sud, est quelque peu inspirante.

Marrakech : la porte du désert est offerte, pour un soir, à l’étonnement des compagnons de l’imaginaire.

Les oliviers ruisselants bordant une piste détrempée et cabossée serpentant au milieu d’un décor de quasi fin du monde – obsession peut-être  du changement climatique -  où pataugent quelques enfants au regard interrogatif et curieux – n’a pourtant rien d’apocalyptique. 

L’invitation à découvrir ce saint des saints comme il en existe ici lorsque les lumières de la ville s’estompent dans la grisaille et que l’hôte se perd en conjectures dans lesquelles la poésie n’a soudain plus sa place, se mue en interrogation.

 

HARMONIE SENSUELLE

L’affreuse et en fait bien pratique technique – demain on dira intelligence artificielle – par téléphone et GPS interposés, reprend la main pour nous remettre dans le droit chemin en direction de cette maison où l’on nous attend pour partager le plaisir de lire et des livres. Tout simplement.

Allons, laissons sur le bord du chemin la démarche intellectuelle pour lui préférer une harmonie autrement sensuelle. 

Au diable le romantisme ses maux et ses tourments pour lui préférer la compagnie de ces amateurs de livres rassemblés pour la circonstance autour d’un feu réchauffant le corps avant que les mots ne le fassent pour les cœurs.

La douceur et la poésie des lieux se seraient parfaitement accommodés des sonorités pianistiques inspirées des Estampes de Claude Debussy. Par exemple.

L’imaginaire sur fond de « Jardins sous la pluie »l’une des pièces maîtresses, intime et délicate, du maître de l’avant-garde musicale.

 

 

Une partie du salon du « 5Djellabas »

 

Rendons à César ce qui est à César et en l’occurrence à l’initiateur du projet – Frédéric Beigbeder qu’on ne présente plus – Stéphanie Cassan et Mounir Bouanani qui  pour leur part ont convaincu Frédéric Vélissariou , le propriétaire des lieux – l’hôtel les 5Djellabas  et du mythique Foundouk niché au cœur de la médina – de participer à cette expérience échangiste, façon de dire, consistant à faire du livre un véritable et authentique ambassadeur culturel en le situant dans une plus grande démarche humaniste.

 

 

Denis Cassan présente le très original ouvrage (par son écriture) de Stefano Massini : Les frères Lehman.

 

Un peu à la manière d’un Claude Lévi-Strauss qui estimait qu’un humanisme bien ordonné ne commence pas par soi-même, mais place le monde avant la vie, la vie avant l’homme, le respect des autres êtres avant l’amour propre.

 

La formule, soyons honnêtes, n’est en soi pas nouvelle mais au nom du principe bien connu  à savoir qu’on ne copie que ce qui est bien; et qui plus est dans un pays qui ne demande qu’à se nourrir de culture – enfin dans un certain milieu – l’expérience valait bien d’être tentée.

Le quatuor ne compte pas en rester là et réfléchit déjà à quelques événements spécifiques.

Le lieu s’y prête ne serait-ce que par la volonté des initiateurs du projet et de la volonté du propriétaire qui entendent préserver ce qu’un écrivain et académicien du dix-neuvième siècle, à propos du vrai bonheur qui, selon lui, se conçoit dans le calme de l’esprit et du cœur.  

 

 

Le « Corner Book » selon Frédéric Beigheder …

 

 

BAIN DE PROPRETE

Un peu à l’image – par exemple – d’un Robert Sabatier – Les allumettes suédoises » et « Les noisettes sauvages » - jusqu’à ce livre étrangement titré  « Le Livre de la déraison souriante », un florilège de pensées  et d’aphorismes en appelant à ces raisons de l’instant que la raison ne connait pas mais aussi une manière volontairement désinvolte de jeter aux orties tout ce qui peut nourrir, en bien comme en mal, notre quotidien. 

Un livre tour à tour drôle et grave dans lequel Robert Sabatier cultive avec humour la raison tout en déraisonnant.

Une subtilité philosophique un peu à la manière de Montaigne qui estimait que la forme la plus évidente et le signe le plus apparent de la véritable sagesse est une réjouissance constante et spontanée. 

Robert Sabatier s’accommodait parfaitement de la formule considérant  

qu’à une époque de matérialisme outré, de bêtise pontifiante et de diarrhée verbale - suivez mon regard – lire simplement un poème, c’est prendre une sorte de bain de propreté, de pureté. 

Il savait surtout et  pertinemment de quoi il parlait lui qui nous a laissé une fort belle histoire de la poésie du dix-neuvième siècle.

Ainsi, au fil de ce ruisseau littéraire qui grossira au fil des mois les curieux potentiels, viendront ici se nourrir de cette substantifique moelle intellectuelle où la connaissance et le simple plaisir de vivre une histoire fait également partie du programme.

Tous les thèmes feront partie du jeu du temps présent, pensées, politique, et justice.

Le tout saupoudré, non sans humour, de ces travers qui font au fond le sel de toutes sociétés.

Un ouvrage attise votre curiosité ?

A votre convenance, vous le dévorez sur place ou vous pourrez l’emporter avec promesse de le rapporter. 

 

Au rayon nostalgie : Robert Sabatier membre du jury du Rendez-vous littéraire de Cannes au cours duquel  - charité bien ordonnée commence par soi-même – mon premier livre « Le cœur en morceaux » a été distingué … c’était hier ..

 

L’objectif, au fond consistant à terme à découvrir la joie et le bonheur d’écrire. D’y souscrire dans la découverte de ces livres toujours rares pour celui qui a pu les écrire mais dans lesquels, finalement, le lecteur potentiel trouvera une complicité secrète et parfois aussi un éclairage nouveau au cœur de sa propre existence, de son intime réflexion.

 

Bernard VADON

 

 

Rédigé par Bernard Vadon

Publié dans #J - 2 - B ( Journal )

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