LES EDITIONS DU PATRIMOINE - FRONTISPICE – AVEC GERARD FALANDRY, LA GRANDE HISTOIRE COMME SI VOUS Y ETIEZ.

Un remarquable et titanesque travail ...

Ma rencontre avec Gérard Falandry n’est pas à proprement parler fortuite, quoique. En effet, si on s’en réfère à la définition de l’adjectif, elle reste quant même liée à ce qu’on pourrait appeler une « circonstance occasionnelle », en l’occurrence, la réédition par cet amoureux de l’Histoire et des livres anciens, d’une œuvre maîtresse de mon aïeul, le général Daumas : Les chevaux du Sahara, une manière de bréviaire hippologique qui fait encore autorité dans les milieux équestres. La curiosité fut à l’origine de ma motivation.

Manifestement, le général méritait bien sa place sur les rayons de cet impressionnant devoir de mémoire entrepris, il y a quelques années, par cet inconditionnel d’une histoire glanée au fil de sa sensibilité et de sa culture dans les endroits les plus improbables et à ce titre les plus révélateurs d’un « hier » souvent fascinant. Le Maroc ayant de soi la meilleure part de ce précieux trésor culturel et littéraire.

Jean-Jacques Rousseau – dans L’Emile - ne citait-il pas Thucydide – écrivain athénien auteur de « La Guerre du Péloponnèse » - comme le vrai modèle des historiens rapportant les faits sans les juger sans pour autant omettre aucune des circonstances propres à nous en faire juger nous-mêmes: « Il met tout ce qu’il raconte sous les yeux du lecteur ; loin de s’interposer entre les événements et le lecteur, il se dérobe ; on ne croit plus lire, on croit voir. »

Ce pourrait être l’une des règles déontologiques que s’impose Gérard Falandry. Revenir aux sources et s’en remettre ensuite à soi-même.

DEFRICHEURS

Je ne suis pas certain que cet infatigable chercheur de références historiques n’ait pas un jour partagé la pensée de Nietzsche, à savoir de s’imposer comme un homme de l’avenir par le fait d’avoir la mémoire la plus longue.

Jean Jaurès prétendait, quant à lui, que l’histoire enseigne aux hommes la difficulté des grandes tâches et la lenteur des accomplissements tout en justifiant l’invincible espoir :

 « Nous sommes des défricheurs. Nous sommes allés jusqu’aux origines du livre pour trouver ceux qui ont trait au Maroc. La plupart des ouvrages que nous avons réédités sont aujourd’hui très difficiles à se procurer. Ils sont rares et chers. Les mettre à disposition dans les librairies est le souci majeur des animateurs de notre société d’édition » confiait il y a quelques mois Gérard Falandry. Fondateur des Editions du Patrimoine, né à Oualidia au bord de l’océan pour devenir, nécessités diverses faisant loi, résident casablancais. C’est tout ce que l’on saura de ses origines :

« Le projet de rééditer des livres anciens fera son chemin au début des années 1990. Nous voulions que les gens puissent redécouvrir leur histoire. D’abord baptisée Frontispice, la maison créée en 2001, se transformera, en 2013, en Editions du Patrimoine. Ce nouveau nom était mieux adapté à notre démarche visant à la préservation et à la documentation historique. Par ailleurs, il est aujourd’hui question de régionalisation, ce qui incite à retrouver les critères et la toponymie des populations anciennes. L’Etude sur la grammaire du XVIIIème siècle écrit par Venture de Paradis, interprète de Napoléon 1er, illustre cette démarche. » explique Gérard Falandry.

Depuis ces derniers mois et dans le droit fil de l’éthique maison quant à la connaissance,  une librairie casablancaise est effectivement, et grâce à lui, dédiée à la célébration de l’Histoire et du patrimoine national.

A cette occasion, trois ouvrages ont d’ailleurs été officiellement présentés :

 « Le Maroc sous le règne de Moulay Hafid» ; «La bibliographie du Maroc (1480-1955)» et «Les sources inédites de l’histoire du Maroc». Ce même jour, des documents relatifs à l’histoire du Maroc ont été remis à M. Jamaâ Baida, directeur des Archives du Maroc.

2000 OUVRAGES !

Cet espace culturel privé consacré aux passionnés de l’histoire et aux écrits du Maroc – livres anciens collectés et réédités par Gérard Falandry – est principalement accessible sur rendez-vous :

« Le fonds des livres existe depuis une trentaine d’années et propose plus de 2.000 ouvrages » précise Amina Masnaoui qui a participé à ce projet.

Avec la même objectivité entomologiste pour ce qui concerne les moeurs des insectes, Gérard Falandry propose un méticuleux travail de classement destiné à ressusciter en quelque sorte mais aussi à rééditer des livres anciens. 

Une impressionnante encyclopédie visuelle où sont abordés outre les écrits anciens liés au Maroc, les thèmes relatifs aux tatouages, aux tapis, aux bijoux, à la grammaire berbère et aux proverbes transmis de génération en génération par les vieilles femmes de Casablanca mais aussi le droit, l’économie, les villes, les tribus et les zaouïas. Une liste pas exhaustive.

Gérard Falandry, une énigmatique personnalité. Un homme qui manifestement éprouve quelques réticences à faire le parcours inverse de son existence. Alors que certains se complaisent dans leurs souvenirs, lui, se cantonne dans une manière de flou artistique qui ne fait au fond que donner plus de piquant à une réussite que le lieu même confirme. Mais au fond, le flacon importe t-il autant que le contenu nourri de ces trésors littéraires et picturaux qui garnissent les murs de cette maison aussi sobre que belle dans son architecture typique des années trente ?

Vivien Leigh ou Clark Gable apparaitraient soudain enlacés que nous en serions à peine surpris. Mystère ou sortilège de cette demeure étonnamment consacrée au livre, à ces livres pour certains jusque là disparus et paradant, impeccablement archivés, sur des mètres et des mètres de rayonnages dans leurs dorures et leurs cuirs flamboyants.

Plus que sur ses origines – deux touchantes et belles photographies jaunies trônant dans un salon pourraient à la rigueur rappeler sa descendance – Gérard Falandry, avec autrement plus de gourmandise livresque, s’attarde sur une impressionnante bibliographie du Maroc qu’il a, en génial et surtout patient compilateur puis archiviste, patiemment constitué. Ainsi, une dizaine d’années auraient été, selon lui, nécessaires pour rassembler pas moins de 5830 notices de livres en langue française publiées depuis l’aube de l’imprimerie jusqu’en 1950.

Un remarquable et titanesque travail.

RARETE ET SAVOIR FAIRE

Cette passion dévorante pour les livres anciens et surtout rares l’a amené à arpenter patiemment plus de 25 pays étrangers. De l’Europe centrale au Canada en passant par les Etats-Unis.

Le but :

« Lorsque nous prenons le temps d’aller dénicher des livres au bout du monde et que nous les rééditons, nous avons atteint notre objectif. Le défi réside dans ce qui subsiste au niveau des survivances et des témoignages car le but c’est aussi de rééditer ces ouvrages avant qu’ils ne disparaissent » précise Gérard Falandry.

Mais pour ce faire, tout doit être identique au rendu d’origine : de la reliure au papier en passant par la typographie. La qualité des fac-similés en atteste. Alors, et tout naturellement, se pose l’incontournable question de l’investissement financier :

« Nous cultivons la rareté et le savoir faire. C’est une spécificité. A cette condition, la fabrication et l’édition d’un pareil ouvrage se chiffrent entre 200 et 2000 dirhams. Le tirage est à ce titre limité à 200 voire à 300 exemplaires parfois numérotés ».

A ce jour, de nouvelles éditions et rééditions sont prévues. Elles témoignent du dynamisme d’une maison qui sait allier les valeurs du passé et les moyens techniques de la modernité sur le thème général de l’Histoire dont on sait qu’associée à l’indépendance d’esprit, elle peut aussi nous aider à mieux voir.

Une réflexion, je crois, de Paul Valéry qui pourrait faire écho à celle émise par Honoré de Balzac qui affirmait que si pour l’homme le passé ressemble singulièrement à l’avenir, lui raconter ce qui fut est peut-être presque toujours lui dire ce qui sera.

Bernard VADON

Les Editions du Patrimoine-Frontispice

62 Boulevard Abdelkrim Al Khattabi – CASABLANCA 20180

Adresse postale : B.P. 81074 CASABLANCA 20140

Tél : +212 (0) 522 360 651

Fax : + 212 (0) 522 395 557

Email : contact@frontispice.org