Quand Alain Juppé ressuscite la dimension gaullienne.
Publié le 7 Mars 2017
27 avril 1969 – 6 mars 2017.
Quarante huit années entre ces deux dates qui donnent la mesure d’un acte historique.
Certes les circonstances ne sont pas tout à fait les mêmes.
En effet, le général Charles de Gaulle avait, en son temps, clairement laissé entendre qu’un rejet de la question posée lors du référendum sur la réforme du Sénat (tiens, tiens !) et des régions se solderait, de sa part, par un renoncement sans appel à ses responsabilités présidentielles.
Comme à son habitude et au-delà de sa stature d’homme aussi énigmatique qu’inflexible, foncièrement honnête surtout, le général a tenu parole et jeté l’éponge avec cette fierté sinon ce détachement magnifique dont lui seul avait le secret.
L’Irlande, tout particulièrement le modeste village de Sneem serviront, durant un mois, de décor aussi exceptionnel que naturel par leur beauté sauvage, à cet exil en forme de retraite volontairement choisie par l’Homme du 18 juin.
Le 6 mars 2017 à 10h30 très exactement.
L’Histoire a de nouveau rendez-vous avec le peuple de France et retrouve le rare fil de l’excellence au sens strict de l’engagement d’un homme d’Etat aux prises avec sa conscience et respectueux d’une déontologie patriotique de plus en plus rare. Confronté peut-être aussi aux basses tractations partisanes.
Singulièrement, en ces temps d’élection présidentielle à rebondissements sur fond d’affaires finalement pas très reluisantes, on mesure aujourd’hui la légitime et compréhensive perplexité d’un électorat suffoqué. On le serait à moins !
Alain Juppé, en ce dernier 6 mars, a donc brisé le silence et redonné à la fonction qui aurait pu le concerner toute sa dynamique et sa dimension.
D’aucuns, et nous en fûmes, ont alors vivement et secrètement souhaité son retour sur la scène publique. Jusqu’à cette minute forte de la résilience formulée par celui qui, face à l’incroyable débandade républicaine, incarnait le mieux, après la gabegie des primaires tant de droite que de gauche, la reprise en mains des rênes de l’état.
En somme, un recours inespéré que l’entêtement de certains a résolument et de manière totalement imbécile, rendu proprement caduque.
Les impayables analystes des plateaux de télévision ont trouvé dans cette déclaration solennelle et ses conséquences, pâture à leurs commentaires aussi variés que délirants. Entretenant à l’envi cette atmosphère pestilentielle.
Dans ce climat délétère au possible, Alain Juppé est resté dans la note gaulliste spécifique, celle qui colore les grands rendez-vous de l’Histoire fussent-ils, en l’occurrence, tristes et sans appel au seul prétexte de l’ignorance d’une fraction du peuple sinon de l’orgueil des démolisseurs en puissance et moralistes d’opérettes.
Un incroyable gâchis dont le « grand » peuple de France n’a pas conscience.
Pourtant, tous les prétendants à la fonction républicaine suprême, de François Fillon à Emmanuel Macron en passant par la multitude des autres petites mains que le gâteau électoral allèche, ne se privent pas, à l’occasion, de plagier les grandes et belles phrases du chef de la France Libre.
A cette nuance près qu’Alain Juppé n’a pas eu l’outrecuidance de puiser dans le vocabulaire singulier du général.
Avec autrement de finesse et de subtilité mais aussi de lucidité, il a marié malgré lui et à la faveur d’un contexte grave, l’attitude et le ton parfaitement adaptés aux circonstances. Opportuniste confesseront quelques uns. Peut-être, mais en tout cas, et au moins pour le plaisir, le coup était réussi et ne manquait pas de panache.
« A vaincre sans péril on triomphe sans gloire » écrivait Pierre Corneille dans le Cid.
Quand on sait que ce péril, derrière lequel se réfugient « courageusement » les derniers combattants de cette armée « brancaleone » surtout avide de pouvoir et d’argent, n’est qu’un prétexte fallacieux à triompher justement sans gloire, on comprendra peut-être l’urgence du message quant à la survie d’une société en totale perdition.
Bernard VADON