La barbarie économique, cancer des temps qualifiés de modernes, aussi préoccupante que le génocide des chrétiens d’Orient. 10% de l’humanité confisque 86% des richesses … on croit rêver, et pourtant ! Le pape François hausse le ton.
Publié le 6 Avril 2015
Elle est plus insidieuse mais non moins dommageable sinon qu’elle ne dispute pas aux obscurantistes de l’Etat islamique et autres bandes de détraqués de Daech, Al-Shabaad, Al Qaida notamment, les méthodes brutales et sanguinaires autrement révoltantes. La barbarie économique n’en est pas moins ravageuse. Question de forme et de fond. Il n’empêche que l’institution de deux catégories sociales, les maîtres ou les princes et les esclaves, est tout autant détestable.
Jean Fourastié, dans son ouvrage « Les trente glorieuses ou la révolution invisible » (publié en 1979) note que les peuples ont toujours ardemment désiré échapper aux pauvretés, aux duretés, aux misères traditionnelles et qu’à ce titre, aucun n’a pu le faire plus rapidement et plus nettement que la France … en tout cas, en ce troisième quart du XXème siècle passé.
Dont acte.
Le principe est établi. Il n’empêche que la réalité, au 21ème siècle cette fois, est autrement préoccupante.
Caprices fous !
Par affinité intellectuelle, je privilégierai le raisonnement d’un Pierre Rabhi qui opte résolument pour une société de sobriété et de modération dans laquelle la coopération vaut mieux que la compétition génératrice d’angoisse.
La croissance, dont les politiques nous rebattent les oreilles, est en même temps le maître mot et, à terme, le foyer de nos malheurs à venir.
Selon Pierre Rabhi, nous courons à notre perte si nous recherchons l’illimité dans un monde limité.
Le véritable delirium tremens qui affecte, aujourd’hui, certaines couches privilégiées de la société mondiale avec, au premier rang, les moyen-orientaux auxquels une partie du monde est asservie à leurs caprices fous et déplacés - notamment avec la préparation à l’accueil de la coupe du monde de football - génère chez eux et chez ceux qui, indirectement, tirent profit de ces étalages de richesses inutiles, une profonde dégénérescence mentale.
Dans leur pays, le luxe inconsidéré côtoie la plus grande et contradictoire misère qui soit imaginable. En particulier, l’exploitation éhontée de malheureux sous payés, maltraités – hormis devant les caméras de télévision chargées de vanter en façade les mérites des royautés de la péninsule arabique – et qui sont légitimement sensibles aux promesses qui ne seront jamais tenues.
La traite des noirs, que l’on croyait enfin éradiquée, a pris d’autres couleurs mais le principe de l’horreur reste le même.
Tout autant insupportable.
Le pape François en première ligne
A quoi sert cette somptueuse vitrine moyen-orientale enrichie en grande partie du savoir occidental et où, plus qu’ailleurs, la quête du superflu est devenue institutionnelle, hermétique à l’autre richesse autrement importante, à savoir les relations humaines ?
Le monde est ainsi devenu un vaste souk aux voleurs, version 21ème siècle.
Ici, un jeune ministre aux dents longues initié – quel hasard ! – aux lois féroces des marchés et aujourd’hui en charge des économies d’un Etat ; là, une responsable d’agence de mannequins offusquée de ce que l’on s’inquiète de la santé de jeunes femmes martyres d’une mode imbécile qui fait de la maigreur son fonds de commerce et que dire aussi de ces pseudos gestionnaires formés pour enrichir à force d’arguments fallacieux les institutionnels du monde bancaire.
Les exemples relatifs à cette dévotion à l’argent, indument gagné, ne manquent pas. Le problème, c’est que ce sont toujours les mêmes qui profitent de la manne.
Avec une rare volonté et un engagement courageux, le pape François a profité du temps pascal pour stigmatiser, en termes vifs et parfois crus, cette perversion tous azimut qui taraude la société actuelle et le risque, à court terme, si cela persiste, du déclenchement d’une troisième guerre mondiale.
A Rome, la messe de la résurrection, ce dernier dimanche de Pâques, suivie de la traditionnelle bénédiction urbi et orbi, a fourni le prétexte à dénoncer à nouveau « la barbarie de violence » notamment à l’égard des chrétiens d’Orient et la quasi indifférence qui préside à cette situation d’une extrême gravité.
De l’immense tragédie humanitaire en Syrie et en Irak, devant laquelle la communauté internationale ne peut rester inerte, à la violence barbare en Lybie en passant par le Yémen, le conflit israélo-palestinien et l’Ukraine sans oublier les tueries en Afrique, au Nigéria et au Kenya, dans les deux Soudans et en République démocratique du Congo RDC) avec une attention particulière au massacre perpétré par les islamistes shebabs à l’Université de Garissa, la liste de ces infamies n’est malheureusement pas exhaustive :
« Celui qui porte en soi la force de Dieu, n’a pas besoin d’user de violence. » estime le Saint Père.
Petite lueur d’espoir - à confirmer cependant - avec l’accord sur le nucléaire qui vient d’être passé en force entre les grandes puissances et l’Iran concernant son programme nucléaire.
Mais le message prend, au regard de la tragique actualité, une singulière dimension spirituelle lorsque le souverain pontife déclare :
« Comprendre Pâques, c’est aussi de ne pas avoir peur de la réalité, de ne pas fuir devant ce que nous ne comprenons pas. Il faut toujours chercher un sens imprévisible, une réponse pas banale aux questions qui remettent en cause notre foi, notre fidélité et notre raison. »
Le Saint Père hausse le ton faisant remarquer que ce qui touche les chrétiens d’Orient est pire que ce qui se passait aux premiers temps de la chrétienté et qu’à court terme cette communauté mais également la langue araméenne vont disparaître. Aussi, n’exclut-il pas le recours à la force contre ceux qui détournent le message de Dieu à des fins destructives et en appelle avec vigueur à la conscience collective avec en filigrane l’événement pascal qui rassemble les chrétiens :
« Pour entrer dans le mystère de Pâques il faut l’humilité de s’abaisser, de descendre du piédestal de notre moi si orgueilleux, de notre présomption. »
Tout le monde en prend pour son grade mais cela suffira t-il pour vaincre l’indifférence ?
L’alibi de la croissance
De son côté et pour en revenir à la barbarie économique, le paysan écrivain philosophe, Pierre Rabhi, n’y va pas de main morte pour dénoncer un état de fait intolérable :
« L’alibi de la croissance crée des disparités terrifiantes. Le cinquième de la population mondiale possèderaient les quatre cinquièmes des richesses de la planète ! L’insociabilité est érigée en organisation mondiale du vivre ensemble. Toute idée de morale et d’équité est évacuée. La croissance des plus riches est au prix de la relégation humaine, du chômage, de l’exclusion. Nous vivons sur l’énorme malentendu qu’il n’est de richesse que monétaire ».
Le constat est accablant quant à cette nouvelle féodalité née de l’organisation mondiale dominante, où pas moins de mille cinq cents milliardaires en dollars sont plus riches que le reste de l’humanité toute entière !
Non, vous ne rêvez pas !
Quatre règles de fonctionnement
Dans cette quête à la croissance, ce ne sont plus les quadras mais les jeunes loups trentenaires qui sont dorénavant commis aux postes clés pour promouvoir ce que les spécialistes – dont Jacques Généreux – qualifient d’économie supposée libérale mais qui sous cette appellation trompeuse met en fait en pratique des règles de fonctionnement terribles :
L’instauration de la violence, la négation de la société et de la cohésion sociale, la prédation sociale généralisée adepte de la politique de la terre brûlée, le tout couronné par un obscurantisme générant l’effondrement de la raison et de l’intelligence.
De quoi se poser des questions!
D’autant que l’économie non marchande est intégralement financée par les producteurs de richesses marchandes, que l’accumulation pour l’accumulation est condamnable et enfin, que dans ce système de fonctionnement, le libre cours est laissé à l’argent.
Et Jacques Généreux de s’en remettre à Saint Thomas d’Aquin et Aristote qui estimaient que l’économie doit être soumise aux règles morales.
Cherchez l’erreur !
Nouvel ordre mondial
En fait, tout a surtout basculé dans les années 80.
Les pleins pouvoirs sont alors abandonnés au capital pourtant dénoncé et vomi par tous les candidats à la présidence de la république française notamment – à commencer par M. François Hollande – qui, l’élection remportée, sont étrangement touchés par la maladie d’Alzheimer !
Au diable alors les équations, les courbes d’élasticité et de chômage, les raisonnements abscons.
Le nouvel ordre mondial n’est pas une vue de l’esprit. Ce qui importe, c’est de privilégier, à tous niveaux, le système idéal pour faire de l’argent.
Croître ou ne pas croître, ce n’est plus tellement la question. Nous carburons au PIB et PNB … à la BNP aussi et à un tas d’autres choses, remarque avec amusement un éditorialiste.
Le mot de la fin, en forme de grave mise en garde, c’est à Jean Peyrelevade ancien PDG du Crédit Lyonnais et ancien conseiller économique que je l’emprunte :
« Combien de temps faudra t-il attendre pour que l’on reconnaisse que la croissance n’est qu’un faux dieu qui conduit l’humanité à la catastrophe.»
Bernard Vadon
L'alibi de la croissance crée des disparités terrifiantes ...
Du pape François et son message fort en direction du Moyen-Orient à Saint Thomas d'Aquin qui de son temps estimait déjà que l'économie doit être soumise à des règles morales.